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apportoit plus de précautions, quoiqu'ils ne fuffent que pour le fervice extérieur, & qu'ils n'approchaffent prefque point la per>>fonne des Princes, que beaucoup d'Evêques » n'en apportent pour donner un Prêtre à l'E»glife.

La Princeffe contracta de grandes infirmités dans ce genre de vie, auxquelles elle fuccomba bientôt. Une ou deux fois l'an il lui prenoit un vomiffement de fang, qui la mettoit à l'extrémité. Sa tranquillité alors fe faifoit admirer jamais elle ne donnoit fes ordres avec plus de préfence d'efprit que dans ces occafions: elle avoit foin de tout, & particuliérement de ceux qu'elle voyoit troublés. Son Médecin lui ayant dit, qu'elle pourroit bien mourir fubitement d'un tranfport au cerveau, elle répondit qu'elle ne craignoit aucun genre de mort, mais qu'elle efperoit que Dieu la préferveroit d'une mort imprévue. Lorfqu'elle tomba malade de fa derniére maladie, elle fur quatre jours dans des douleurs extrêmes qu'elle fouffrit dans un profond filence : & tout d'un coup un tranfport au cerveau furvint, qui fut fuivi d'une agonie de dix-neuf heures. Elle eft morte en 1672, âgée de 35. ans., dont elle avoit paffé fix dans la vie de veuve, & feize dans une folide piété. Elle fut enterrée à faint André des Arts: fon cœur fut porté aux Carmelites du Fauxbourg faint Jacques, & fes entrailles à P. R.

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XX.

Mort de la

En 1674. mourut une autre grande Dame auffi très-affectionnée à P. R. & très-exemplai- Ducheffe de re pour fa piété : c'eft Madame la Ducheffe de Liancour. ALiancour, Jeanne de Schomberg. Elle avoit bregé de fa toujours vécu dans une grande innocence, & vie,& de coll elle a eu le bonheur de ne point le déranger Tome III.

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de fon ma

mort en Mic to m

dans la piété pendant tout le cours de fa vie. Elle fut mariée à l'âge de vingt ans à M. le Duc de Liancour qui n'en avoit que vingtdeux. Elle réuffit à le gagner à Dieu par les ferventes priéres qu'elle faifoit continuellement pour lui, & fur-tout par fon infatigable patience & fa rare douceur. Ce fut dans l'intention de le retirer de la Cour, qu'elle fit une fi groffe dépense à Liancour, pour en faire une maifon délicieufe, qui fut, s'il fe pouvoit, plus agréable aux yeux de fon mari que la Cour même. Elle eut pourtant quelque regret à la mort de la trop grande magnificence de cette maison, & en demanda pardon à Dieu. Le Duc donna dans l'innocent piége, fe retira peu à peu du monde, & prit à la fin le parti d'imiter fa femme qu'il avoit toujours d'ailleurs aimée & refpectée. Et comment ne l'auroit-il pas fait ? Dès les premiéres années de leur mariage, elle lui avoit donné des preuves non équivoques de fon tendre attachement, dans deux maladies qu'il eut. L'une fut la petite vérole qui lui prit dans un voyage du Roi qu'il accompagnoit. Comme il fallut le transporter du lieu où il fut pris du mal elle n'héfita pas à s'enfermer avec lui dans le caroffe, & l'affifta pendant que la maladie dura. On fent de quel prix cela eft dans un épouse jeune & belle. La feconde maladie fut le Charbon, maladie peftilentielle dont trois des domeftiques de la maison moururent; le malade étoit condamné à avoir toujours les rideaux du lit fermés. L'époufe chrétienne qui vouloit entretenir fon époux fur les chofes de Dieu qu'il ne connoiffoit guére encore, s'enfermoit dans les rideaux du lit, pour tâcher d'infpirer au malade des fentimens de pénitence. La Ducheffe,

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quoique dans la bonne voie, ne connoiffoit point encore Port-Royal. Elle eut cependant le bonheur de trouver un guide fûr, pour conduire fon mari dans le commencement de fon entier retour à Dieu, M. Fontaine nous a confervé dans fes Mémoires les avis & les réglemens que ce vertueux Directeur donna à fon illuftre pénitent. On ne peut rien lire de plus lumineux & de plus fage. La pieufe épouse fit éviter à fon mari un piége qui lui fut tendu. Le Cardinal Mazarin voulant faire époufer à un de fes neveux Mademoiselle de la RocheGuyon petite fille du Duc de Liancour, lui offrit pour la Ducheffe fa femme une place de Dame d'honneur auprès de la Reine Mere. Elle tint ferme pour le refus. » La Cour dit-elle »à fon mari, n'eft point ce qui nous con» vient ; nous ne la changerons point. Ce n'est point à nous de vouloir la fanctifier, mais de >> faire pénitence.

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La lecture du Livre de la Fréquente Commu hion fut très-utile au Duc, & lui donna une finguliére eftime pour M. Arnauld. Cela fervit à diffiper certaines préventions que ces deux époux avoient prifes contre P. R. fur les difcours du monde. Ils mirent leur petite fille penfionnaire à P. R. pour l'y faire élever chrétiennement. Nous avons vu ailleurs que ce fut la la caufe primordiale, quoiqu'éloignée, de l'horrible perfécution qui s'éleva contre M. Arnauld. Car le Duc de Liancour eft ce Seigneur de la Cour, à qui M. Arnauld écrivit ces fameufes Lettres qui l'ont fait chaffer de Sorbonne, à l'occafion du refus qu'avoit fait à Pâques un Confeffeur de faint Sulpice de donner l'abfolution au Duc, à cause qu'il faifoit élever fa petite fille dans une maison

telle que celle de P. R. La Ducheffe donc & le Duc eurent beaucoup à fouffrir dans leur réputation, pour la liaison qu'ils avoient avec les Religieufes & les Meffieurs de P. R. Mais ils n'en furent point émus, & la Ducheffe furtout ne fit que redoubler fa charité & fon affection pour la Maison. Ils alloient fréquemment l'un & l'autre à P. R. des Champs y paffer plufieurs jours, dans un bâtiment qu'ils y avoient fait conftruire. Lorfque M. Arnauld fut obligé de fe retirer, & qu'il fut devenu invisible, M. & Madame de Liancour prirent M. de Saci pour leur Directeur. Entre tous les grands exemples de vertus que l'illuftre Ducheffe a donnés pendant fa vie, fon amour pour la juftice & fa grandeur d'ame ont furtout éclaté. On en vit un beau trait dans le procès qu'elle eut avec la bellefœur la Maréchalle de Schomberg. Rien ne fut capable d'altérer la paix qu'elle conferva toujours au dedans d'elle-même, & l'exacte modération qu'elle obferva dans tout le cours de ce procès. Elle revoyoit les écritures de fes Avocats, pour en retrancher tout ce qui étoit trop fort contre fa partie : & elle aima mieux faire elle-même certaines écritures, quoique difficiles, que de laiffer aux Avocats l'occafion de dire des chofes qui auroient pu blesser Madame fa belle-fœur.

La Ducheffe alla jufqu'à 74. ans malgré les grandes infirmités & une vie très-pénitente. Elle devint alors malade, en bonne partie par une fuite de fes affiduités & de fes veilles auprès de M. fon mari qui étoit tombé malade avant elle. Sa maladie dura fept mois. Dès le commencement, elle crut qu'elle en mourroit, enforte que partant de la Roche-Guyon pour

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Liancour, elle dit que comme Liancour étoit » le lieu de fa fépulture, elle y alloit porter fon corps vivant, afin qu'on n'eût pas la peine de l'y porter mort. » Pendant tout le cours de fa maladie, on remarqua fur-tout en elle deux fentimens également dominans, l'un de confiance & l'autre de pénitence. Sur la fin les faints défirs du Ciel l'occupoient toute entiere. L'entretien qu'elle eut une fois entre autres avec M. fon mari en préfence de plufieurs. perfonnes, & qui fut fort long, ne rouloit que. fur le bonheur qu'il y a d'être réuni ensemble, dans le Ciel, & la conftance avec laquelle il faut fouffrir la féparation causée ici bas par la mort, qui eft, difoit-elle, comme un coup de rabot pour ôter ce qu'il y a de défectueux dans les amitiés d'ici bas. Il eft étonnant comment. ces deux époux chrétiens purent foutenir un fi long entretien fans verfer une larme. Mais ce qu'on admira alors davantage, & qu'on ne pourra jamais aflez admirer, c'eft le courage avec lequel lá Ducheffe, pour cacher fa mort. prochaine à fon mari, continua d'être affidue auprès de lui enforte que fur la fin on la voyoit toute moribonde fe traîner auprès du. malade, le confòler, l'exhorter fans qu'il fe doutât de rien; & quand une enflure confidérable l'empêcha de fe lever du lit, elle avoit. une adreffe admirable pour la lui cacher. Quand il étoit auprès d'elle, elle accommodoit. fi bien fes couvertures que l'enflure ne paroiffoit plus; & dès qu'il n'y étoit plus, l'enflure: frappoit les yeux de tous les affiftans. Elle mou rut en Juin 1674. & le Duc furvécut jufqu'au mois d'Août de la même année. Le Lecteur me fauroit mauvais gré, fi je ne difois pas un mot de ce pieux Seigneur que Dieu s'étoit attaché:

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