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un pauvre garçon, Cordonnier de son métier, qui ne favoit ni lire ni écrire, que M. de S. -Ciran envoya de Vincennes à P. R. en 1640, pour vivre avec les ferviteurs de Dieu, & qui y mourut en 1643 en odeur de fainteté. Il fe nommoit Charles de la Croix. Il étoit neveu 'd'un des gardes de M. de S. Ciran dans le Château de Vincennes ; il avoit paffé fa jeunesfe dans toute forte de déréglemens. Un matin en fe levant il fe trouva tout d'un coup frappé intérieurement de componction & entiérement changé. Sans le fecours de perfonne il entra dans la pénitence la plus humble & la plus auftére. Il paffa un an dans cet état. Il jeûnoit au pain & à l'eau, portoit un cilice fur fon corps, couchoit tout vêtu fur le plan cher, travailloit de fon métier dans un grenier, dont il tiroir l'échelle pendant tout le Jour, afin que perfonne ne vint interrompre fa folitude. Le maître chez qui il travailloie étant venu à mourir, il fe mit à travailler jour & nuit pour aider la veuve qui étoit dans la néceffité, & pour fournir à la fubfiftance de fes petits enfans. Le Garde fon oncle parla de lui à M. de S. Ciran, & lui raconta la vie édifiante qu'il menoit. L'Abbé voulut le volt. Il l'inftruifit des vérités de l'Evangile pendant quelque tems, & lui confeilla enfuite de fe retirer à P. R. Il y vint & continua fon même genre de vie, mangeant fouvent du pain des chiens au lieu du pain des pauvres, couchant fur deux ais, joignant fon travail de cordonnier à d'autres fervices qu'il rendoit à la maison avec une affiduité infatigable. On remarquoit dans cet homme stupide & ignorant Inne lumière de la grace, qui lui donnoit l'intelligence des plus grandes vérités du Chrif

tianifme & des plus belles fentences de l'Ecriture-fainte. Il étoit ravi lorfqu'on lui en traduifoit quelques endroits en françois. Mais il étoit fi humble qu'il ne le demandoit point, ne fe jugeant pas digne de la connoiffance de fi faints Myftéres. S'étant un jour excédé de travail, il fut attaqué d'une pleuréfie. On le transporta d'un petit galetas où il logeoit, dans une chambre plus commode; & il ne ceffoit durant la maladie de prier les affiftans de le reporter dans fa petite chambre, pour y mourir fur les deux ais. Il fouffrit pendant dix ou douze jours les douleurs les plus vives avec une patience & un efprit de componction qui attendriffoit tout le monde. Il répétoit continuellement ces paroles: Jefu, Fili Dei, miferere mei, frappant fouvent fa poitrine avec tant de ferveur & de violence qu'il s'enfonça dans la chair une croix de fer qu'il portoit fur fon cœur. Il mourut le 28 Novembre 1643 âgé de 26 ans.

Ce fut apparemment ce pauvre cordonnier retiré à P. R. qui donua lieu à la fade plaifan terie des Jéfuites & des Capucins, qui donné rent aux Solitaires de P. R. le nom de Sabotiers. Ils cherchérent ainfi à décrier une petite fociété qui les bleffoit,& leur failoit ombrage. Le public édifié de la réputation de ces pieux Solitaires, faifoit tout naturellement la comparaifon de ces bons Laïques, qui fans y être obligés paffoient leur vie à travailler dans la campagne & à prier, avec des Religieux qui paffoient une partie du jour dans les rues & dans la diffipation du monde. Ceuxci fouffroient impatiemment le difcrédit qui en réfultoit pour eux. Ne pouvant mordre fur leurs mœurs, ils effayoient de les tourner en

A a s

XLVI

Solitaires de P. R. només

Sabotiers par dérifion.

ridicule, faifoient cent contes fur eux, & en fin les appelloient par dérifion des Sabotiers, pour faire croire qu'ils s'occupoient à faire des fabots: chofe d'ailleurs, qui n'auroit été nullement deshonorante pour d'humbles chrétiens, quand elle auroit été vraie. Au refte ils ne difoient pas vrai. On a fait à P. R. des fouliers. Le bon Charles en faifoit: le célébre M. de la Pétitiére, dont nous parlerons, fit auffi le métier de Cordonnier : mais jamais on n'y a fait de fabots. C'eft pourquoi M. d'Andilli allant prendre congé de la Reine Mere, pour fe retirer dans ce défert, lui dit en riant, que fi Sa Majefté entendoit dire qu'ils fiffent » des fabots, il la fupplioit de n'en rien croi

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re: mais que fi l'on difoit qu'ils cultivoient » des efpaliers, on diroit vrai, & qu'il espé

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roit en faire manger du fruit à Sa Majesté. En effet il ne manquoit jamais de lui en envoyer tous les ans ; & le Cardinal Mazarin en riant les appelloit des fruits bénis.

Des hommes, tels que ces quatre premiers Ermites,ne convenoient pas mal, pour commencer cette nombreuse fociété de Serviteurs de Dieu, qui ont habité le Défert de P. R. & qui en décorent l'Hiftoire. A l'occafion de ce dernier qui fut un de leurs premiers domeftiques, j'obferverai que M. le Maître & M. de Séricourt s'étant chargés de l'adminiftration des biens de P. R. avoient demandé à Dieu qu'il lui plût de leur envoyer des domeftiques pour les aider, qui fuffent à lui. Dieu les exauça & leur envoya, à commencer par le bon Charles, plufieurs jeunes garçons les uns après les autres, qui ne cherchoient qu'à fervir Dieu dans la folitude, & à fe confacrer au travail & à la prière avec des perfonnes, de qui ils n'atten

doient d'autre recompenfe de leurs longs fervices que le Ciel. Le defintéressement de quelques-uns de ces valets fut tel, que les Religieufes ayant voulu dans la fuite leur affurer quelque penfion, on ne put jamais les y faire comentir. Plufieurs ont donné des exemples d'une rare fainteté, comme on le verra dans la fuite.

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DES

TABLE

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SOM MAIRES

EL #197 of nɔ ɔmmOJ

Contenus dans ce troifiéme Volume..

PREMIÉRE PARTIE.

LIVRE TREIZI E ME.

REcit de la vie & de la mort des Religieufes

de P. R. depuis 1669.

1. Mort de la foeur Sufanne de Ste Cécile Ro-

bert. Sa vie.La Maison de M. Robert réglée

comme un Couvent.

page. 3

II. Vifion finguliére de la fœur aînée de Su-

fanne.

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mortification.

IV. Son humilité.

V. Mort de la four Liée Bochart de Champi-
gny, veuve Chazé. Sa jeunesse édifiante. `1 1

VI. Sa vie fainte dans le mariage.

VIII. Elle fe fait Religieufe à P. R. étant veuve.

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