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favoir au vrai ce que l'on croit d'elle: qu'elle » s'eft fentie fort aile par amour propre, qu'on ɔɔ lui ait ordonné d'écrire tout ceci, parce que >> fur toute chofe elle aime à s'occuper de » foi-même & à en occuper les autres. Dans

tout ce qu'elle vient d'accufer, elle obferve » qu'elle ne croit pas que le confentement de → la volonté y ait été ; mais que c'étoit com→ munément par inadvertance que cela arrivoit. Elle confefle enfuite plufieurs fautes » qu'elle a commifes; quelques difcours inu» tiles, étant allé voir la Reine ; quelques paroles de féchereffe aux personnes qui font auprès d'elle, provenant d'une tristelle qui » lui avoit pris & qu'elle n'avoit pas affez » combattue; deux immortifications, l'une, » en cédant à la répugnance de manger d'une » chofe qui n'étoit pas à fon goût, l'autre » en demandant à fes gens pourquoi on ne l'a» voit pas fervie comme elle le vouloit.

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» Elle finit par raconter comment elle a » paffé les Fêtes de Noël & de l'Epiphanie. » Elle dit qu'ayant fait fa confeffion générale

» ment,

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le 24. Novembre 1661, elle s'eft préparée » par cette retraite à recevoir le bienfait de la » réconciliation & de la communion : qu'elle » auroit défiré d'être remife jufqu'à Pâques : » mais que M. Singlin ayant décidé autreelle a fait fa communion dans une grande liberté d'efprit ; & qu'auffitôt après » avoir reçu N. S. elle s'eft profternée la tête » contre terre, pour faire le vœu de chafteté » qu'elle fouhaitoit de faire depuis fi long» tems qu'elle a fenti en elle une grande » émotion de joie, produite par ce Verfer du » Pfeaume qui lui vint dans l'efprit auffitôt qu'elle eut communié, Quid retribuam Do•

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XXIX.

» mino

› pro omnibus quæ retribuit mihi?

étant ravie de fe donner ainfi à Notre-Seigneur qui venoit de fe donner à elle : qu'elle fe fenti: enfuite une affez forte appréhen» fion de retourner à fon logis pour y rece

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voir le monde à l'ordinaire, craignant fa » foibleffe, & fentant même de l'éloignement 30 pour les compagnies qui avoient accoutumé » de lui être agréables: mais qu'elle avoit été raffurée par une grande confiance en Dieu » & un grand recours à lui. Elle termine fon » récit, en difant que toutes ces différentes → penfées de fon efprit, dont elle a parlé, n'ont point ôté fon cœur de fon affiette, qui est d'efpérer en Dieu, fe trouvant auffi différente » de foi-même, que deux perfonnes oppo

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» fées le font l'une de l'autre.

Cette courte analyfe que j'ai effayé de faire de l'écrit édifiant de l'humble Princeffe, n'eft qu'une efquiffe féche & décharnée. La lecture de l'écrit entier fatisfera tout autrement.

11 eft rare qu'une converfion qui commence Sa vie retirée. par un fi beau début, se démente dans la fuite. Nous allons voir celle-ci fe foutenir à merveille. La feule chofe qui avoit mis jufques-là la Princefle dans une efpéce de néceffité d'aller de tems en tems en Cour, ne fubfiftant plus, elle fe l'interdit alors. C'étoit le retour de M. le Prince fon frere, qui l'intéreffoit ci devant, & qu'elle croyoit devoir folliciter. En 1659 la Paix générale ayant été conclue entre la France & l'Espagne, le rétablissement de M. le Prince fut ftipulé par les Miniftres d'Espagne, & confenti par la Cour, ou plutôt par le Cardinal Mazarin après bien des difficultés. La vertueufe Princefle voyant fes vœux accomplis, dit un adieu éternel au monde. Ni les ré

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jouiflances & les fêtes brillantes qui occupoient la Cour dans l'heureufe tranquillité que la paix avoit ramenée, ni la sûreté qu'il y avoit pour elle déformais de paroître dans un féjour où celui qui indifpofoit le Roi & la Reine contre elle n'étoit plus, ( car le Cardinal Mazarin mourut en 1661,) ne tentérent point cette grande ame de fe repréfenter dans ce lieu fi flatteur, où d'ailleurs elle étoit en vénération pour fa vertu. On a d'elle un beau mot à ce fujet. Quelques gens de bien l'exhortant à s'y montrer un peu pour y donner bon exemple; Le meilleur exemple, dit-elle, » que je puiffe donner c'eft de n'y point aller. Il ne lui fut pas cependant poffible de fe difpenfer d'y paroître quelquefois, furtout fous la nouvelle Reine qui l'aimoit extrêmement, & vouloit toujours qu'elle fût de fes parties de dévotion. Mais elle n'y alloit jamais qu'après avoir beaucoup prié. Elle dînoit en particulier chez la Ducheffe de Richelieu, afin de n'être pas fi longtems en Cour. Surquoi je rapporterai une avanture fort jolie. Un jour qu'elle arrivoit à faint Germain où étoit la Cour, M. le Prince l'apperçut d'une fenêtre où il étoit avec le Roi, & dit au Roi: » Voilà ma fœur qui » fera bien attrapée : car la Ducheffe de Riche» licu n'y eft pas : il faudra qu'elle dîne au ca» baret. Non, dit le Roi, elle ne dînera point >> au cabaret, elle dînera avec moi. » Et la chofe fe fit ainfi enforte qu'il étoit affez curieux de voir à table vis-à-vis du Roi, cette même Princeffe qui durant plufieurs années avoit parue les armes à la main contre l'autorité Royale.

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Je ne dirai rien de la conduite de la Princeffe dans la vie retirée : je l'ai fuffisamment

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expofée plus haut. Mais j'avois omis de par ler des grandes auftérités que fes premiers Directeurs lui avoient prefcrites, & qui altéroient beaucoup la fanté. Tant que M. le Duc fon mari regarda avec indifférence fon changement, elle pratiqua en toute liberté ces œuvres de pénitence, parce qu'il n'y regardoit pas de près. Mais lorsqu'il commença à révérer la vertu de fa femme, & qu'il fentit redoubler fon attachement pour elle & la crainte de la perdre, il trouva un peu à redire à ces excès ou fa ferveur l'emportoit. Elle y perfiftoit cependant, s'y croyant obligée par la foumiffion qu'elle devoit à fes Directeurs : ce qui affligeoit le Duc. Lorfqu'elle fut fous la conduite de M. Singlin, elle lui en parla. Celui-ci n'approuva point ces pratiques extraordinaires, & repréfenta à la Princeffe qu'elle devoit avoir de la déférence pour fon époux à cet égard, dès qu'il lui laiffoit la liberté d'ailleurs de fervir Dieu comme elle le fouhaitoit. Elle fe rendit ; & facrifia de même à ce qu'elle devoit à fon mari l'inclination dominante qu'elle avoit toujours confervée pour la folitude des Carmelites. Ainfi dès qu'elle fut veuve, elle penfa à s'y établir. M. le Duc de Longueville mourut en 1663. Après les obféques, la pieufe veuve quitta la Normandie, pour venir fe fixer à Paris dans une pleine & entiére retraite. Ce ne fut pas cependant dès ce moment qu'elle alla habiter fa maison de la cour des Carmelites. Quelques embarras d'affaires, auffi bien que l'éducation de fes enfans l'en empêchérent. Elle fe logea pour quelque tems dans un Hôtel qu'elle acheta proche le Louvre, qui porte encore le nom de T'Hôtel de Longueville.

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XXX.

Etant ainfi dans fon particulier, elle fe livra fans réserve aux exercices de la vie la plus Sa vie pénidure. Les inftrumens de pénitence ne furent tente. Ses repas oubliés. Et un jour qu'elle tenoit confeil fiitutions, &c. dans fa chambre, en tirant fon mouchoir elle laifla tomber de fa poche une ceinture de fer, qui fut ramaffée par un des Meffieurs de fon Confeil: de quoi elle rougit un peu. M. Singlin vivoit encore en 1663. Il prit avec elle des arrangemens pour exécuter en plein les grandes reftitutions dont elle étoit chargée devant Dieu pour les ravages caufés dans les Provinces par cette malheureufe guerre dont elle avoit été complice, & même inftigatrice. Elle fit des reftitutions immenfes qu'elle appliqua aux Provinces qu'on crut les mériter, comme ayant plus fouffert. Outre cela, elle fit faire un état des pauvres de fes terres, & même de tout fon Gouvernement de Normandie, & y répandit des charités exceffives; car elle étoit naturellement charitable. Dans le tems même de fa vie mondaine, elle délivra des prifons en une feule année neuf cent miférables ; & dans les derniers tems de fa vie, plus de quarante mille perfonnes vivoient de fes aumônes. Elle n'a jamais manqué d'affifter aucun pauvre qui fe rencontroit fous fes yeux. Monfieur Singlin lui fit dans ce même tems, vers 1663. un préfent bien précieux à fa religion, en lui donnant pour compagne de domicile & de piété la célébre Mademoiselle de Vertus, de la grande Maifon de Bretagne, dont nous parlerons plus bas. Rien n'étoit mieux afforti pour tout: naiffance, graces perfonnelles, fupériorité d'efprit, piété éminente. Un autre avantage que procura encore M. Singlin à la Princeffe, fut

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