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De cette grande fête a donné le signal,

Femmes, enfants, vieillards, rustique caravane',
En foule ont déserté le château, la cabane.
A la porte du temple avec ordre rangé,
En deux files déjà le peuple est partagé.
Enfin paraît du lieu le curé respectable,
Et du troupeau chéri le pasteur charitable.
Lui-même il a réglé l'ordre de ce beau jour,
La route, les repos, le départ, le retour.

Ils partent des zéphyrs l'haleine printanière
Souffle, et vient se jouer dans leur riche bannière;
Puis vient la croix d'argent; et leur plus cher trésor
Leur patron enfermé dans sa chapelle' d'or,
Jadis martyr, apôtre ou pontife des Gaules;
Sous ce poids précieux fléchissent leurs épaules.
De leurs aubes de lin, et de leurs blancs surplis"
Le vent frais du matin fait voltiger les plis;

Leurs prières, leurs vœux, leurs hymnes se confondent,
Le ciel en retentit, les coteaux leur répondent,
Et du creux des rochers, des vallons et des bois,
L'écho sonore écoute et répète leurs voix;
Leurs chants montent ensemble à la céleste voûte.
Ils marchent l'aubépine a parfumé leur route.
On côtoie, en chantant, le fleuve, le ruisseau;
Un nuage de fleurs pleut de chaque arbrisseau;
Et leurs pieds, en glissant sur la terre arrosée,
En liquides rubis dispersent la rosée.
On franchit les forêts, les taillis', les buissons
Et la verte pelouse, et les jeunes moissons.
Quelquefois au sommet d'une haute colline,

Qui sur les champs voisins avec orgueil domine,
L'homme du ciel étend ses vénérables mains;

1. Cette grande féle. La fête des Rogations qui se célèbre dans le courant du mois de mai.

2. Caravane. Troupe en marche. Ce mot s'applique surtout aux groupes de voyageurs qui se réunissent en Orient pour traverser les déserts.

3. Des zéphyrs. On appelle zéphyr un vent doux et faible.

4. Chapelle. Le mot chasse, c'est-à-dire coffre où l'on garde les reliques des saints, serait plus convenable.

5. Des Gaules. Ancien nom de la France.

6. Aubes, surplis. Vêtements particuliers des prêtres.

7. Les taillis. Partie de bois où les arbres sont coupés périodiquement après un certain nombre d'années.

8. Pelouse. Herbe qui recouvre la superficie d'un pró.

Pour la grappe naissante et pour les jeunes grains
Il invoque le ciel. Comme la fraîche ondée
Baigne, en tombant des cieux, la terre fécondée,
Sur les fruits et les blés nouvellement éclos,
Les bénédictions descendent à grands flots.
Les coteaux, les vallons, les champs se réjouissent,
Le feuillage verdit, les fleurs s'épanouissent;
Devant eux, autour d'eux, tout semble prospérer;
L'espoir guide leurs pas prier, c'est espérer.

60.

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DELILLE.

La prière du soir dans une église de campagne.

Qu'il est doux, quand du soir l'étoile solitaire',
Précédant de la nuit le char silencieux 2,
S'élève lentement dans la voûte des cieux,
Et que l'ombre et le jour se disputent la terre,
Qu'il est doux de porter ses pas religieux
Dans le fond du vallon, vers ce temple rustique
Dont la mousse a couvert le modeste portique3,
Mais où le ciel encor parle à des cœurs pieux!
Salut, bois consacré! salut, champ funéraire',
Des tombeaux du village humble dépositaire!
Je bénis en passant tes simples monuments.
Malheur à qui des morts profane la poussière!
J'ai fléchi le genou devant leur humble pierre,
Et la nef a reçu mes pas retentissants.
Quelle nuit! quel silence! au fond du sanctuaire,
A peine on aperçoit la tremblante lumière
De la lampe qui brûle auprès des saints autels.
Seule elle luit encor, quand l'univers sommeille :
Emblème consolant de la bonté qui veille

Pour recueillir ici les soupirs des mortels.

LAMARTINE.

1. L'étoile solitaire. L'étoile du soir paraît au couchant avant toutes les autres, et brille seule pendant quelque temps.

2. Le char silencieux de la nuit. Pour « l'arrivée silencieuse. »

3. Portique. Partie de l'église qui précède la porte d'entrée principale.

4. Champ funéraire. Champ des tombeaux, des funérailles. Nom poétique donné au cimetière.

5. Profane la poussière, c'est-à-dire ne respecte pas les restes des morts réduits par le temps en poussière, en cendre.

6. Nef. Partie de l'église qui s'étend depuis l'entrée principale jusqu'au chœur, qui forme le sanctuaire dont il est question plus bas.

61.

Périodicité des jours et des nuits et marche des saisons. L'aurore, depuis des milliers d'années, n'a pas manqué une seule fois d'annoncer le jour : elle le commence, à point nommé, au moment et au lieu réglé. Le soleil, dit l'Écriture, sait où il doit se coucher chaque jour. Par là il éclaire tour à tour les deux côtés du monde, et visite tous ceux auxquels il doit ses rayons. Le jour est le temps de la société et du travail : la nuit, enveloppant de ses ombres la terre, finit tour à tour toutes les fatigues et adoucit toutes les peines : elle suspend, elle calme tout; elle répand le silence et le sommeil; en délassant les corps, elle renouvelle les esprits. Bientôt le jour revient, pour rappeler l'homme au travail, pour ranimer toute la nature.

Mais, outre ce cours si constant qui forme les jours et les nuits, le soleil nous en montre un autre par lequel il s'approche pendant six mois d'un pôle 2, et, au bout de six mois, revient avec la même diligence sur ses pas, pour visiter l'autre. Ce changement fait celui des saisons, dont la variété est si agréable. Le printemps fait taire les vents glacés, montre les fleurs et promet les fruits. L'été donne les riches moissons. L'automne répand les fruits promis par le printemps; et l'hiver, qui est une espèce de nuit où l'homme se délasse, ne concentre tous les trésors de la terre qu'afin que le printemps suivant les déploie avec toutes les grâces de la nouveauté. Ainsi la nature diversement parée donne tour à tour tant de beaux spectacles, qu'elle ne laisse jamais à l'homme le temps de se dégoûter de ce qu'il possède.

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Voyez-vous ces nuages qui volent comme sur les ailes des vents? S'ils tombaient tout à coup par de grosses colonnes d'eau, rapides comme des torrents, ils submergeraient et détruiraient tout dans l'endroit de leur chute, et le reste des terres demeurerait aride. Quelle main les tient dans ces réservoirs suspendus, et ne leur

1. Renouvelle les esprits. Les repose et leur donne une nouvelle force.

2. Du pôle. Les deux pôles sont les deux extrémités de l'axe autour duquel tourne la terre.

La terre a un double mouvement autour du soleil: l'un sur elle-même qui s'accomplit en 24 heures et donne les jours et les nuits; l'autre autour du soleil qui s'accomplit en un an et donne les diverses saisons.

3. Concentre tous les trésors de la terre, c'est-à-dire amasse et réunit dans le sein caché de la terre toutes les richesses qui doivent en sortir au printemps.

4. Ces réservoirs suspendus. Les nuages où l'eau est conservée, réservée comme dans une espèce de réservoir.

permet de tomber que goutte à goutte, comme si on les distillait par un arrosoir? D'où vient qu'en certains pays chauds où il ne pleut presque jamais, les rosées de la nuit sont si abondantes qu'elles suppléent au défaut de la pluie; et qu'en d'autres pays, tels que les bords du Nil ou du Gange 1, l'inondation régulière des fleuves, en certaines saisons, pourvoit à point nommé aux besoins des peuples pour arroser les terres? Peut-on imaginer des mesures mieux prises pour rendre les pays fertiles?

L'eau désaltère non-seulement les hommes, mais encore les campagnes arides; et celui qui nous a donné ce corps fluide l'a distribué avec soin sur la terre, comme les canaux d'un jardin. Les eaux tombent des hautes montagnes où leurs réservoirs sont placés; elles s'assemblent en gros ruisseaux dans les vallées : les rivières serpentent dans les vastes campagnes pour les mieux arroser; elles vont enfin se précipiter dans la mer, pour en faire le centre du commerce de toutes les nations.

Cet Océan, qui semble mis au milieu des terres pour en faire une éternelle séparation, est, au contraire, le rendez-vous de tous les peuples, qui ne pourraient aller par terre d'un bout du monde à l'autre qu'avec des fatigues, des longueurs et des dangers incroyables. C'est par ce chemin sans traces, au travers des abîmes, que l'ancien monde donne la main au nouveau, et que le nouveau prête à l'ancien tant de commodités et de richesses.

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FENELON.

63. L'air.

Après avoir considéré les eaux, appliquons-nous à examiner d'autres masses encore plus étendues. Voyez-vous ce qu'on nomme l'air? C'est un corps si pur, si subtil et si transparent", que les rayons des astres, situés dans une distance presque infinie de nous, le percent tout entier sans peine et en un seul instant, pour venir éclairer nos yeux. Un peu moins de subtilité dans ce corps fluide nous aurait dérobé le jour, ou ne nous aurait laissé tout au plus qu'une lumière sombre et confuse, comme

1. Le Nil, fleuve d'Égypte; le Gange, fleuve de l'Inde.

2. Ce corps fluide. Corps qui coule, qu'on ne peut presser. Tous les corps de la nature se présentent sous trois formes: la forme solide, comme la terre, la glace la forme fluide ou liquide, comme le vin, l'huile, l'eau; la forme gazeuse, comme l'air, la vapeur.

3. Donne la main. Image gracieuse qui peint bien comment l'Océan favorise l'union des deux mondes.

4. Transparent. Qui laisse passer les rayons lumineux. Corps au travers duquel on peut voir. Opposé: opaque.

quand l'air est plein de brouillards épais. Nous vivons plongés dans des abîmes d'air', comme les poissons dans des abîmes d'eau. De même que l'eau, si elle se subtilisait deviendrait une espèce d'air qui ferait mourir les poissons, l'air, de son côté, nous ôterait la respiration s'il devenait plus épais et plus humide : alors nous nous noierions dans les flots de cet air épaissi, comme un animal terrestre se noie dans la mer.

Qui est-ce qui a purifié avec tant de justesse cet air que nous respirons? S'il était plus épais, il nous suffoquerait; comme, s'il était plus subtil, il n'aurait pas cette douceur qui fait une nourriture continuelle du dedans de l'homme : nous éprouverions partout ce qu'on éprouve sur le sommet des montagnes les plus hautes, où la subtilité de l'air ne fournit rien d'assez humide et d'assez nourrissant pour les poumons. Mais quelle puissance invisible excite et apaise si soudainement les tempêtes de ce grand corps fluide? Celles de la mer n'en sont que les suites. De quel trésor sont tirés les vents qui purifient l'air, qui attiédissent les saisons brûlantes, qui tempèrent la rigueur des hivers, et qui changent, en un instant, la face du ciel? Sur les ailes de ces vents volent les nuées, d'un bout de l'horizon à l'autre. On sait que certains vents règnent en certaines mers, dans des saisons précises; ils durent un temps réglé, et il leur en succède d'autres, comme tout exprès pour rendre les navigations commodes et régulières. Pourvu que les hommes soient patients et aussi ponctuels que les vents, ils feront sans peine les plus longues navigations.

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Voyez-vous ce feu qui paraît allumé dans les astres, et qui répand partout sa lumière? Voyez-vous cette flamme que certaines montagnes vomissent, et que la terre nourrit de soufre dans ses entrailles? Ce même feu demeure paisiblement caché dans les veines des cailloux, et il y attend à éclater jusqu'à ce que le

1. Abimes d'air. Masses d'une étendue immense, qu'on ne peut mesurer.

2. Se subtilisait. Si elle perdait toutes les substances qu'elle renferme et qui la reudent propre à nourrir les personnes.

3. Subtil. S'il se raréfiait, comme sur les hautes montagnes où il fatigue les organes de la respiration.

4. Les poumons. Organe du corps humain renfermé dans la poitrine et qui sert a la respiration.

5. Les montagnes où sont des volcans, c'est-à-dire des fournaises souterraincs d'où s'échappent des flammes, de la fumée et des matières en combustion.

6. Dans les veines des cailloux. Les cailloux ou pierres à feu recèlent dans

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