Images de page
PDF
ePub

liberte orageuse à un esclavage tranquille. Ils ont fait plus comme la sublime vertu n'a pas de vanité, ils ont cherché à dérober ces preuves éclatantes de civisme à la reconnoissance nationale. Tel est le caractère des grands hommes : ils savent mériter et mépriser la gloire.

Dans des jours plus prospères, vous ferez jouir ces estimables savans des récompenses que la patrie attache aux vertus civiques qu'ils ont pratiquées. Vous n'oublierez pas la maxime d'un sage: Le législateur doit mourir pauvre et n'en point laisser.

Je vous propose le projet de décret suivant :

La Convention nationale, ouï le rapport de ses comités d'instruction publique et des finances réunis, décrète ce qui suit :

Les décrets des 22 août, 13 juin et 25 juillet 1791, et 9 décembre 1792, ne sont point applicables aux traitemens dont jouissent les membres de l'Académie des sciences de Paris : en conséquence, ces traitemens leur seront payés comme par le passé, en conformité de l'état envoyé par le ministre, sur la simple justification des quittances d'imposition, et d'après la preuve d'une résidence non interrompue de six mois au moins dans le territoire de la république. Les traitemens mentionnés en l'article premier du décret

du 20 août 1790, montant à 8,100 livres, continueront d'être répartis comme par le passé, d'après un état certifié de l'Académie, et visé par le ministre de l'intérieur. Lesdits traitemens seront.. remis en masse au trésorier, pour être payés conformément audit état, sous sa responsabilité. Ce projet de décret est adopté.

Au Louvre, le 17 mai 1793, an 11 de la R. F.

CITOYEN LEGISLATEUR,

L'Académie des sciences a reçu, avec le plus vif intérêt, la lettre que vous avez écrite pour lui annoncer le décret rendu par la Convention nationale d'après le rapport que vous avez fait au nom du comité d'instruction publique, relativement à la nomination aux places vacantes dans le sein de l'Académie. Elle sent combien l'exception qui vient d'être faite en sa faveur est honorable pour elle, et je suis chargé ́de vous écrire en son nom pour vous en faire ses remerciemens. En défendant la cause d'une compagnie qui a été réellement utile aux progrès des sciences, vous avez acquis des droits à la reconnoissance des véritables savans. L'Académie en particulier connoît tout le prix de ce que vous avez bien voulu faire pour elle, et j'ose vous assurer qu'elle n'en perdra jamais le souvenir.

Agréez les assurances du respectueux dévouement avec

lequel je suis,

Citoyen Législateur,

Le C. DESFONTAINES,

Secrétaire par intérim (1).

Séance du 19 juillet 1793, AN 11.

CITOYENS,

De toutes les propriétés, la moins susceptible de contestation, celle dont l'accroissement ne peut ni blesser l'égalité républicaine, ni donner d'ombrage à la liberté, c'est sans contredit celle des productions du génie; et si quelque chose doit étonner, c'est qu'il ait fallu reconnoître cette propriété, assurer son libre exercice par une loi positive, c'est qu'une aussi grande révolution que la nôtre ait été nécessaire pour nous ramener sur ce point, comme sur tant d'autres, aux simples élémens de la justice la plus commune.

Le génie a-t-il ordonné, dans le silence, un ouvrage qui recule les bornes des connoissances humaines, des pirates littéraires s'en emparent

(1) C'est sur le vu des pièces autographes que cet opuscule est imprimé.

aussitôt, et l'auteur ne marche à l'immortalité qu'à travers les horreurs de la misère. Et ses enfans!... Citoyens, la postérité du grand Corneille s'est éteinte dans l'indigence. L'impression peut d'autant moins faire des productions d'un écrivain une propriété publique, dans le sens où les corsaires littéraires l'entendent, que l'exercice utile de la propriété de l'auteur, ne pouvant se faire que par ce moyen, il s'ensuivroit qu'il ne pourroit en user, sans la perdre à l'instant

même.

Par quelle fatalité faudroit-il que l'homme de génie, qui consacre ses veilles à l'instruction de ses concitoyens, n'eût à se promettre qu'une gloire stérile, et ne pût revendiquer le tribut légitime d'un si noble travail?

C'est après une délibération réfléchie, que votre comité vous propose de consacrer des dispositions législatives qui forment, en quelque sorte, la déclaration des droits du génie.

Le rapporteur lit un projet de décret qui est adopté en ces termes :

DÉCRET

DE LA CONVENTION NATIONALE,

Du 19 juillet 1793, l'an 11 de la République française,

Relatif aux droits de propriété des auteurs d'écrits en tout genre, des compositeurs de musique, des peintres et des

sinateurs.

La Convention nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique, décrète ce qui

suit :

ART. 1er. Les auteurs d'écrits en tout genre, les compositeurs de musique, les peintres et dessinateurs qui feront graver des tableaux ou dessins, jouiront, durant leur vie entière, du droit exclusif de vendre, faire vendre, distribuer leurs ouvrages dans le territoire de la République, et d'en céder la propriété en tout ou en partie.

2. Leurs héritiers ou cessionnaires jouiront du même droit durant l'espace de dix ans, après la mort des auteurs.

3. Les officiers de paix seront tenus de faire confisquer, à la réquisition et au profit des auteurs, compositeurs, peintres ou dessinateurs et autres, leurs héritiers ou cessionnaires, tous les exemplaires des éditions imprimées ou gravées sans la permission formelle et par écrit des au

teurs.

« PrécédentContinuer »