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Après une mûre délibération, nous vous présentons les citoyens Lagrange, Laplace, Bertholet, Garat, Bernardin de Saint-Pierre, Daubenton, Haüy, Volney, Sicard, Monge, Thouin, Hallé.

La Convention confirme la nomination faite par le comité.

OUVERTURE DE L'ÉCOLE NORMALE.

(Extrait du Moniteur du 9 pluviôse an 111).

L'ouverture de l'école normale s'est faite primidi. Le citoyen Laplace, dans son cours des mathématiques, a eu occasion de parler d'une idée bizarre de Leibnitz, qui, dans l'arithmétique binaire dont il étoit l'inventeur, croyoit voir la création. L'unité étoit le Dieu créateur, et le zéro le Monde que Dieu tiroit du néant. Cette foiblesse d'esprit dans un grand homme rappeloit Newton faisant un commentaire sur l'Apocalypse.

Le professeur n'a pas manqué d'attribuer ces erreurs de Leibnitz et de Newton aux idées qu'ils avoient reçues dans leur enfance, et il a félicité les élèves de l'école normale du bonheur qu'ils ont d'être appelés à former les instituteurs qui

doivent donner une éducation dégagée de tous les préjugés. Cette réflexion a été très-applaudie. Au professeur de mathématiques a succédé celui de physique, le citoyen Haüy. Ce qu'il a dit sur les théories en général, et la manière ingénieuse dont il les a distinguées des systèmes, a excité de vifs applaudissemens. Il seroit difficile de parler de physique avec plus de clarté, de simplicité et d'élégance, que ne l'a fait ce savant et modeste professeur.

Dans la seconde séance de l'école normale, les élèves se sont établis, pour ainsi dire, en assemblée délibérante. Il a été proposé de voter une adresse à la Convention, pour la remercier de l'établissement de l'école, et la féliciter sur ses glorieux travaux.

Tous les élèves se sont levés spontanément, et l'adresse a été votée à l'unanimité. Mais il s'agissoit de la rédiger, et alors on demandoit la parole de toutes les parties de l'amphithéâtre. L'ordre ne peut s'établir dans une, assemblée sans quelqu'un qui la préside. Le doyen d'âge a été invité de prendre le fauteuil, et on a vu monter au bureau un élève sexagénaire, le citoyen Bougainville, ancien chef d'escadre de nos armées navales, le même qui fit autrefois le tour du monde, découvrit l'île d'Othaïti dans la mer du Sud, et qui aujourd'hui vient s'asseoir comme

élève, à côté d'hommes qu'il pourroit instruire. Différentes rédactions furent proposées, et toutes rejetées. Le vœu des élèves est unanime, mais la manière de l'exprimer diffère en raison de leurs différens caractères.

Le 3 pluviôse s'est tenue la seconde leçon de l'école. Les citoyens Buache et Mentelle ont parlé sur la géographie; Volney, sur l'histoire; Bernardin de Saint-Pierre, sur la morale, et Daubenton, sur l'histoire naturelle.

Les trois premiers professeurs ont été écoutés avec toute l'attention qu'inspiroient l'intérêt de leurs sujets et la célébrité de leurs talens. Mais c'est surtout lorsque le bon, le vertueux Bernardin de Saint-Pierre, lorsque le respectable Daubenton se sont levés pour monter au bureau, c'est alors que les applaudissemens unanimes et longtemps prolongés ont retenti dans l'amphithéâtre. L'oreille ne pouvoit se lasser de les entendre, ni l'œil de les voir. Quelque chose de plus que l'attention suspendoit tous les esprits : c'étoit de l'admiration, de l'attendrissement même, en voyant, en écoutant ces vénérables interprètes de la morale et de la nature. Cet hommage universel que l'assemblée rendoit à ces deux hommes illustres, aux amis de Jean-Jacques et de Buffon, prouvoit bien que les disciples de l'école normale savent honorer la vieillesse, les talens et les vertus; et

cet hommage faisoit presque autant d'honneur aux disciples qu'aux professeurs qui en étoient l'objet.

ADRESSE DES ÉLÈVES DE L'ÉCOLE NORMALE

A la Convention nationale.

CITOYENS REPRÉSENTANS,

Le plus beau jour, le plus heureux jour pour les Français, le plus glorieux pour la représentation nationale, le 9 thermidor enfin, a vu tomber, avec la tyrannie, le système de vandalisme qui, en étouffant la liberté dans son berceau, devoit paralyser les sciences et les arts.

Par l'énergie de la Convention nationale et la sagesse de ses décrets, l'ignorance, compagne inséparable du despotisme, a été vouée à l'opprobre; l'instruction proposée à tous les citoyens ; des savans consommés dans la méditation des vrais principes, choisis pour les établir et les développer; plus d'un millier d'élèves appelés pour les recevoir et les répandre.

Le foyer des lumières est ici dans toute sa pureté; c'est à la lueur de ce feu sacré que l'éducation française doit s'élever à un degré qui ne

fut jamais atteint dans les plus fameuses républiques de l'univers, et ce point de perfection est le but des écoles normales.

A votre voix, citoyens législateurs, se sont réunis au centre commun les Républicains que le choix de leurs concitoyens destine à concourir à l'exécution de ce plan régénérateur.

La carrière vient de leur être ouverte; mais avant d'y faire les premiers pas, ils viennent offrir à la patrie le tribut de leur zèle, et à la Convention nationale l'hommage de leur dévouement. Puissent-ils, soutenus par la présence de vos dignes collègues, y marcher d'un pas ferme et rapide! Puisse chacun d'eux recueillir un faisceau de lumières et le transmettre à ses compatriotes! Puissent-ils par leurs travaux et leurs forces assurer dans toute la République le triomphe de la raison, de la 'saine philosophie, sur les ruines des préjugés, du fanatisme et de l'erreur !

Grâces vous soient rendues, citoyens législateurs; l'asile où naguère le terrorisme et la tyrannie forgeoient des fers, inventoient des supplices aux talens et aux vertus, va devenir le temple des sciences utiles et de la morale républicaine. Cette inauguration peut-elle se faire sous des auspices plus favorables et dans des circonstances plus heureuses! Elle se fera au milieu des transports d'allégresse que font naître dans le cœur

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