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Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur,
Et me laissez, parmi leurs ombres,
Cacher ma honte et ma douleur.

Flore et les autres déités se retirent; et Vénus, avec sa suite, sort de sa machine.

SCENE II.

VÉNUS, descendue sur la terre; L'AMOUR, ÉGIALE, PHAENE, AMOURS.

ÉGIALE.

Nous ne savons, déesse, comment faire
Dans ce chagrin qu'on voit vous accabler:
Notre respect veut se taire,

Notre zele veut parler.

VÉNUS.

Parlez: mais si vos soins aspirent à me plaire,
Laissez tous vos conseils pour une autre saison,
Et ne parlez de ma colere

Que pour dire que j'ai raison.

C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense
Que ma divinité pȧt jamais recevoir;
Mais j'en aurai la vengeance,

Si les dieux ont du pouvoir.

PHAENE.

Vous avez plus que nous de clartés, de sagesse,
Pour juger ce qui peut être digne de vous;
Mais pour moi j'aurois cru qu'une grande déesse
Devroit moins se mettre en courroux.

L VÉNUS.

Et c'est là la raison de ce courroux extrême.

Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant; Et, si je n'étois pas dans ce degré suprême,

Le dépit de mon cœur seroit moins violent.
Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre ;
Mere du dieu qui fait aimer;

Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre,
Et qui ne suis venue au jour que pour charmer;
Moi, qui par tout ce qui respire

Ai vu de tant de vœux encenser mes autels,
Et qui de la beauté, par des droits immortels,
Ai tenu de tout temps le souverain empire;
Moi, dont les yeux ont mis deux grandes déités
Au point de me céder le prix de la plus belle,
Je me vois ma victoire et mes droits disputés
Par une chétive mortelle !

Le ridicule excès d'un fol entêtement
Va jusqu'à m'opposer une petite fille!
Sur ses traits et les miens j'essuierai constamment
Un téméraire jugement;

Et, du haut des cieux, où je brille,
J'entendrai prononcer aux mortels prévenus:
Elle est plus belle que Vénus!
ÉGIALE.

Voilà comme l'on fait; c'est le style des hommes,
Ils sont impertinents dans leurs comparaisons.

PHAENE.

Ils ne sauroient louer, dans le siecle où nous sommes, Qu'ils n'outragent les plus grands noms.

Ah!

VÉNUS.

"

que de ces trois mots la rigueur insolente
Venge bien Junon et Pallas,
Et console leurs cœurs de la gloire éclatante
Que la faineuse pomme acquit à mes appas !
Je les vois s'applaudir de mon inquiétude,
Affecter à toute heure un ris malicieux,
Et, d'un fixe regard, chercher avec étude
Ma confusion dans mes yeux.

Leur triomphante joie, au fort d'un tel outrage,
Semble me venir dire, insultant mon courroux:
Vante, vante, Vénus, les traits de ton visage :
Au jugement d'un seul tu l'emportas sur nous;
Mais par le jugement de tous,

Une simple mortelle a sur toi l'avantage.
Ah! ce coup-là m'acheve, il me perce
le cœur,

Je n'en puis plus souffrir les rigueurs sans égales;
Et c'est trop de surcroît à ma vive douleur,
Que le plaisir de mes rivales.

Mon fils, si j'eus jamais sur toi quelque crédit,
Et si jamais je te fus chere,
Si tu portes un cœur à sentir le dépit
Qui trouble le cœur d'une mere
Qui si tendrement te chérit,

Emploie, emploie ici l'effort de ta puissance
A soutenir mes intérêts;

Et fais à Psyché, par tes traits,

Sentir les traits de ma vengeance.

Pour rendre son cœur malheureux,

Prends celui de tes traits le plus propre à me plaire, Le plus empoisonné de ceux

Que tu lances dans ta colere.

.

Du plus bas, du plus vil, du plus affreux mortel,
Fais que jusqu'à la rage elle soit enflammée,
Et qu'elle ait à souffrir le supplice cruel
D'aimer, et n'être point aimée.

L'AMOUR.

Dans le monde on n'entend que plaintes de l'Amour;
On m'impute par-tout mille fautes commises;
Et vous ne croiriez point le mal et les sottises
Que l'on dit de moi chaque jour.

Si pour servir votre colere...

VÉNUS.

Va, ne résiste point aux souhaits de ta mere;

N'applique tes raisonnements

Qu'à chercher les plus prompts moments De faire un sacrifice à ma gloire outragée. Pars,

, pour toute réponse à mes empressements; Et ne me revois point que je ne sois vengée.

(L'Amour s'envole.)

FIN DU PROLOGUE,

PSYCH É.

ACTE PREMIER.

Le théâtre représente le palais du roi

SCENE I.

AGLAURE, CYDIPPE.

AGLAURE.

Il est des maux, ma sœur, que le silence aigrit :
Laissons, laissons parler mon chagrin et le vôtre;
Et de nos cœurs l'un à l'autre
Exhalons le cuisant dépit.

Nous nous voyons sœurs d'infortune;
Et la vôtre et la mienne ont un si grand rapport,
Que nous pouvons mêler toutes les deux en une,
Et, dans notre juste transport,

Murmurer à plainte commune
Des cruautés de notre sort.
Quelle fatalité secrete,

Ma sœur, soumet tout l'univers
Aux attraits de notre cadette,
Et, de tant de princes divers

Qu'en ces lieux la fortune jette,

N'en présente aucun à nos fers?

Quoi! voir de toutes parts, pour lui rendre les armes, Les cœurs se précipiter,

Et passer devant nos charmes

Sans s'y vouloir arrêter!

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