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qu'il a changé les noms des personnages, parce qu'il a embarrassé l'action de la pièce et qu'il l'a remplie de grossièretés. Comme cette imitation de Sadhwell a été traduite par M. du Bocage, on peut y renvoyer le lecteur. Les saletés y sont telles que, quoique imprimées déjà, on n'en permettroit pas ici la citation.

L'ouvrage de Sadhwell fut peu estimé à Londres, et M. Fielding entreprit, en 1733, une autre traduction de l'Avare de Molière: son ouvrage, bien supérieur à celui de Sadhwell, a pourtant le défaut de toutes les pièces angloises', où l'action est toujours trop compliquée. Nos voisins, si profonds et si penseurs, n'ont point encore réfléchi que, lorsqu'il s'agit de tracer un caractère, l'art drámatique, ainsi que l'art de la peinture, dans lequel, à la vérité, ils sont peu célèbres encore, n'accable point le sujet principal par des accessoires qui puissent en détourner trop la vue.

Ce que les Anglois ont le plus admiré dans l'Avare de Fielding, c'est la singularité de caractère qu'il donna à Mariáne, aimée par Love-Gold, ou l'Avare. Il en fit une coquette fieffée qui aime Frédéric, son amant, mais qui se plaît à le désespérer, et qui se fait une honte bizarre d'avouer son penchant. Il est aisé

'Crown, auteur anglois, qui a traduit la Bérénice de Racine, dit qu'il faut qu'une monnoie étrangère soit mise à la refonte, reçoive une nouvelle marque, et même qu'on y ajoute de la matière, afin qu'elle ait cours en Angleterre, et qu'elle devienne ster

de reconnoître à ces traits la contre-épreuve de la Céliante du Philosophe marié, qui avoit paru six ans avant la pièce angloise.

Le dénouement de M. Fielding, que quelques-uns de nos écrivains ont préféré à celui de Molière, peut au contraire paroître à d'autres une contradiction avec le sujet de la pièce. Mariane tire de Love-Gold un dédit de cent mille francs. Molière assurément se seroit bien gardé de faire commettre à son Avare une pareille sottise. Un dédit de cent mille livres est la folie d'un prodigue.

Mariane, dans ce dénouement anglois, n'ayant voulu qu'effrayer son amant en paroissant pencher pour Love-Gold, veut enfin se débarrasser du vieillard, et voici encore une nouveauté à l'angloise; c'est-à-dire, qu'on copie presque mot à mot le rôle de Clarice dans le Grondeur, scène xi du II' acte. Love-Gold, épouvanté de la dépense prodigieuse dont Mariane le menace, se croit trop heureux de la laisser à son fils avec les cent mille livres du dédit, ce qui n'est pas d'accord assurément avec le caractère.

On conviendra cependant que dans quelques scènes ajoutées à l'Avare de Molière par M. Fielding, comme dans la scène III du premier acte, dans les vir et VIII scènes du i acte, il y a des détails ingénieux et tels qu'on pouvoit se les promettre d'un écrivain qui connoissoit et qui a peint si fidèlement le cœur hu

main dans ses romans. Il faut convenir aussi que par les changemens qu'il a faits, il a laissé la partie trop romanesque du dénouement de l'Avare de Molière.

A l'égard des imitations de Molière, on en parlera dans les observations qui suivront les remarques grammaticales. On y répondra aussi aux différentes critiques qui, de notre temps, ont été faites de cet ouvrage que Despréaux regardoit comme une des meilleures comédies de l'auteur.

1

HARPAGON, père de Cléante et d'Élise, et amoureux

de Mariane.

ANSELME, père de Valère et de Mariane.
CLÉANTE, fils d'Harpagon, amant de Mariane.

ÉLISE, fille d'Harpagon.

VALÈRE, fils d'Anselme, et amant d'Élise.

MARIANE, fille d'Anselme.

FROSINE, femme d'intrigue.

MAITRE SIMON, courtier.

MAITRE JACQUES, cuisinier et cocher d'Harpagon. LA FLÈCHE, valet de Cléante.

DAME CLAUDE, servante d'Harpagon.

BRINDAVOINE,

LA MERLUCHE,

UN COMMISSAIRE.

laquais d'Harpagon.

La scène est à Paris, dans la maison d'Harpagon.

COMÉDIE.

ACTE PREMIER.

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SCÈNE I.'

VALÈRE, ÉLISE.

VALÈRE.

quoi, charmante Élise, vous devenez mélancolique, après les obligeantes assurances que vous avez eu la bonté de me donner de votre foi! Je vous vois soupirer, hélas, au milieu de ma joie! Est-ce du regret, dites-moi, de m'avoir fait heureux, et vous repentez-vous de cet engagement où mes feux ont pu vous contraindre?

ÉLISE.

Non, Valère, je ne puis pas me repentir de tout ce que je fais pour vous. Je m'y sens entraîner par une trop douce puissance, et je n'ai pas même la force de souhaiter que les choses ne fussent pas. Mais, à vous dire vrai, le succès me donne de l'inquiétude; et je crains fort de vous aimer un peu plus que je ne devrois.

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