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Aux cris dont sa douleur vient remplir ce palais

Du trône jusqu'ici j'ai su fermer l'accès.
Solitaire et plongé dans un morne silence,
Edouard laisse agir mes soins et ma vengeance,
Et l'on n'interrompra ce silence fatal

Qu'en lui portant l'arrêt qui proscrit mon rival.
Tout nous seconde enfin, sa ruine est certaine :
Jaloux de son crédit, et liés à ma haine,

Ses juges vont hâter son arrêt et sa mort;

Vos vœux seront remplis : je commande en ce port, Madame, et dès demain, cessant d'être captive, Pour revoir vos états vous fuirez cette rive.

ALZONDE.

Perdez votre ennemi; mon funeste courroux
Ne sera point oisif en attendant vos coups.

SCENE III.

VOLFAX, seul.

L'abyme est sous tes pas, ambitieuse reine.
Tu crois que je te sers, je ne sers que ma haine;
Mon rival abattu, je comble tes revers;

Je me suffis ici, je te nomme et te perds.
Mon sort s'affermira par leur chûte commune ;

Point de lâches remords; accablons l'infortune.

Mais quel est l'étranger qui s'est offert à moi ?
Il prétend voir, dit-il, ou Vorcestre ou le roi;
Peu commune à la cour, sa fermeté m'étonne;
Je n'ai pu m'éclaircir sur ce que je soupçonne :
Pour surprendre un secret qu'il craint de dévoiler
Je veux qu'à mon rival il vienne ici parler.

SCENE IV.

VOLFAX, GLASTON, GARDES.

VOLFAX.

Gardes, faites venir Vorcestre en ma présence.
Vous, fidele Glaston, veillez dans mon absence.
Caché près de ces lieux, tandis que j'entendrai
D'un entretien suspect le secret ignoré,
Que rien ici du roi ne trouble la retraite ;
C'est son ordre absolu que ma voix vous répete.

SCENE V.

VORCESTRE, VOLFAX, GARDES.

VORCESTRE,

Que dois-tu m'annoncer ? ne faut-il que mourir?

VOLFAX.

Un étranger demande à vous entretenir :
Vous entendrez ici ce qu'il prétend vous dire;
Edouard le permet. Gardes, qu'on se retire.

SCENE VI.

VORCESTRE, seul.

Eh! qui peut me chercher dans ces funestes lieux ?
Est-ce un heureux secours que m'adressent les cieux ?
Quel que soit l'inconnu que je vais voir paroître,
Dieu juste, fais du moins qu'il ne soit point un traître;
Que je puisse par lui détruire un attentat,
Non pour sauver mes jours, mais pour sauver l'état.
Où respire, où gémit ma fille infortunée ?
Tu connois sa vertu, conduis sa destinée...

Quand j'éprouve des maux qui semblent n'être faits
Que pour être la honte et le prix des forfaits,

Je ne t'accuse point, arbitre de ma vie ;
Lorsque la liberté, l'ame de la patrie,

Voit dégrader ses droits, voit tomber sa grandeur,
La mort est un bienfait, et non pas un malheur...
Ignorât-on le sort que nous devons attendre,

Et sous quels cieux nouveaux notre esprit va se rendre,

Le desir du néant convient aux scélérats :

Non, je ne puis penser que la nuit du trépas
Eteigne avec nos jours ce flambeau de notre ame
Qu'alluma l'immortel d'une céleste flamme.
La vertu malheureuse en ces jours criminels
Annonce à ma raison les siecles éternels:
Pour la seule douleur la vertu n'est point née;
Le ciel a fait pour elle une autre destinée.
Plein de ce juste espoir, je m'éleve aujourd'hui
Vers l'Etre bienfaisant qui me créa pour lui...
Mais qui s'avance ici ?

SCENE VII.

ARONDEL, VORCESTRE.

VORCESTRE.

Quel dessein vous amene?

ARONDEL, l'embrassant.

Cher Vorcestre!...

VORCESTRE.

Que vois-je ? Ah! je m'en crois à peine...

Quoi! c'est vous, Arondel! c'est vous que je revois,
Et que j'embrasse, hélas! pour la derniere fois!
Dans cet instant mêlé de joie et de tristesse

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De mes sens interdits soutenez la foiblesse...
Que venez-vous chercher aux portes de la mort?
Pourquoi m'avez-vous fui dans un plus heureux sort?
Quel désert à mes soins cachoit vos destinées ?
Privé de vous, hélas ! j'ai perdu mes années;

Et ne vous vois-je enfin vous rendre à mes souhaits
Que pour sentir l'horreur de vous perdre à jamais ?

ARONDEL.

Ne donnons point ce temps à d'inutiles plaintes;
Osez briser vos fers, et dissipez nos craintes.
Le jour déja plus sombre aide à tromper les yeux;
Je reste ici pour vous, abandonnez ces lieux;
Fuyez avec horreur une indigne patrie.
Déja par mes conseils, par les soins d'Eugénie
Une barque s'apprête; allez, passez les mers;
Vivez, si vous m'aimez. Cette garde, ces fers,
Ces murs n'alarment point une ame magnanime;
L'appareil de la mort n'étonne que le crime;
Souffrez qu'en vous sauvant l'intrépide amitié
Prenne l'emploi du ciel qui vous laisse oublié.

VORCESTRE.

J'emploirois pour la vie un lâche stratagême!
Je pourrois à la mort exposer ce que j'aime !
Je ne crains rien pour moi; pour vous seul j'ai frémi.
Fayez, abandonnez un malheureux ami.

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