Images de page
PDF
ePub

étions loin d'attendre d'un homme qui eût conservé quelque pudeur, c'est la légéreté avec laquelle, après avoir fait l'énumération de plusieurs crimes qu'il ne désavoue pas, et dont la voix publique accusait celle de leurs prosélytes que nos prétendus philosophes s'enorgueillissaient le plus de nommer leur protectrice, il se contente de dire d'un ton leste et presque moqueur, qu'à la vérité la philosophie ne doit pas trop se vanter d'avoir fait de pareils élèves, mais qu'il faut aimer ses amis avec leurs défauts. Au reste, il paraît tellement se complaire dans ce persifflage non moins inhumain qu'immoral, qu'il se plaint que le papier lui manque lorsqu'il est en train de si bien dire : il attribue même cette heureuse disposition de son esprit au bon état de son estomac. On cherche, dit-il, le siége de l'ame, c'est à l'estomac qu'il est.

Un trait prédominant de son caractère d'autant plus remarquable, que loin de le dissimuler il le décèle souvent jusqu'au ridicule, c'est la frayeur continuelle qu'il a de se compromettre. Tandis qu'il ne cesse de sonner la charge, et d'exciter Voltaire à tout oser, cette crainte, née du sentiment de son

impuissance, ne l'abandonne jamais ; et le moment où elle se manifesta le plus, c'est lorsqu'après la mort de Voltaire, il se sentit privé du principal appui de sa frêle réputation. Sa faiblesse alors ne vit plus d'abri qui nelui parût une espèce de refuge: et (le croirat-on ?) ce fut à nous, à nous-mêmes que nonseulement il s'empressa de faire des avances de réconciliation; mais, ce que jamais nous n'eussions prévu, il nous adressa, en forme d'étrennes, le 1er janvier 1779, le volume d'Éloges qu'il venait de publier, et bientôt après il y joignit l'Éloge de milord Maréchal.

Si nous acceptâmes avec surprise ce présent inattendu, au lieu de le renvoyer avec indignation; si même il nous parut conve nable de consigner cette anecdote dans une des éditions de nos Œuvres, c'est que nous ignorions encore, non pas la longue inimitié que d'Alembert avait eue pour nous, et qui n'avait pu nous blesser, mais les outrages qu'il avait prodigués dans sa correspondance à la princesse de Robecq et au duc de Choiseul, dont nous révérons la mémoire par un sentiment de reconnaissance que rien n'a dû changer, et que le temps n'affaiblira jamais.

Ces injures, si peu dignes d'un philosophe, n'ont été connues que par l'édition qu'en a donnée Beaumarchais, et ce sont les seules qui nous aient affectés. Voyez, dans notre édition de Voltaire, le volume de cette correspondance, et les notes placées au bas des pages. Quand on aura lu ce volume avec l'attention qu'il mérite, on connaîtra parfaitement d'Alembert; et quiconque en aura pris la peine nous donnerait une bien mauvaise idée de lui, si cet article lui paraissait trop sévère.

'ALLAINVAL (l'abbé LÉONOR SOULAS D'), né à Chartres, mort à Paris en 1753. On doit l'ajouter à la liste trop nombreuse des gens de lettres qui ont vécu dans l'infortune. Malheureux jusques dans ses derniers momens, il fut transporté d'une maison de finance où il dînait, à l'Hôtel-Dieu où il mourut d'une attaque d'apoplexie. S'il eût prévu cette fin tragique, il eût peint dans sa comédie de l'Embarras des Richesses, l'affreuse propriété qu'elles ont d'endurcir les cœurs, et sa pièce n'en eût été que plus morale. Cette comédie, et celle qu'il a intitulée l'École des Bourgeois, ne sont pas sans mérite. Celle-ci est restée au

théâtre; l'autre a cessé d'être jouée depuis qu'on a fermé le théâtre Italien, et c'est une de celles dont la représentation était le plus suivie.

AMYOT (JACQUES), né à Melun en 1513, mort en 1593. Il y a plus de deux cents ans qu'il a écrit, et cependant on préfère encore avec justice sa traduction de Plutarque à toutes celles qui ont paru jusqu'à nos jours. Cet ouvrage fut une époque pour notre langue. A l'ancienne rudesse Amyot substitua des formes plus pures, et son style, quoique très-simple, n'est dépourvu ni d'élégance, ni de graces. La langue a acquis depuis, plus de force, plus de noblesse, plus d'harmonie ; mais tant que la naïveté aura de quoi plaire, cette traduction de Plutarque, et celle de la pastorale connue sous le titre de Daphnis et Chloé, rendront la mémoire d'Amyot précieuse à toutes les personnes d'un goût délicat.

On doit mettre cet écrivain dans le petit nombre de ceux pour qui la littérature n'a pas été une profession stérile. Abbé de Bellozane sous François r", précepteur des

enfans de France sous Henri II, évêque d'Auxerre, et grand aumônier sous Charles IX, enfin décoré de l'ordre du Saint-Esprit sous Henri III, il mourut chargé de gloire et d'honneurs.

Par une fatalité bien étrange, le siècle de François 1er fut à-la-fois un siècle de politesse et de barbarie. La plupart des savans contemporains d'Amyot, furent ou magnifiquement récompensés, ou les victimes de la superstition et du fanatisme.

ANDRIEUX (FRANÇOIS-GUILLAUME), né à Strasbourg en 1759. Une petite comédie dans le genre érotique, intitulée Anaximandre, et représentée avec succès au théâtre Italien, avait fait remarquer ses heureuses dispositions; le progrès en parut sensible dans une pièce d'intrigue qu'il donna peu de temps après au même théâtre, et dans laquelle on retrouve et le style et l'ancienne gaîté de la bonne comédie. Cette pièce accueillie comme elle devait l'être, l'invitait à de nouveaux efforts; et le succès de plusieurs jolis contes qu'il a publiés depuis, ne compense pas la gloire qu'il pouvait acquérir dans une car

« PrécédentContinuer »