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Après ces explications, il est convenu, d'un accord unanime, que toutes les armées belligérantes ou alliées commenceront leur mouvement de retraite immédiatement après l'échange des ratifications du Traité de paix, et qu'elles le continueront sans interruption. Il est également convenu que les armées de la France, de la Grande-Bretagne et de la Sardaigne auront un délai de six mois pour effectuer l'évacuation totale des territoires qu'elles occupent en Russie et dans l'Empire Ottoman; cette évacuation commencera, autant que possible, par Kertch, Iéni-Kaleh, Kinburn et Eupatoria.

Les Traités conclus à Constantinople les 12 mars 1854 et 15 mars 1855, entre la France, la Grande-Bretagne, la Sardaigne et la Turquie, stipulant qu'à la paix le territoire de l'Empire Ottoman sera évacué dans l'espace de quarante jours, et l'exécution de cet engagement étant devenue matériellement impossible par suite du développement pris par la guerre, il est convenu que des instructions et des pouvoirs seront envoyés aux représentants de la France, de la Grande-Bretagne et de la Sardaigne à Constantinople pour qu'ils aient à conclure avec la Porte une convention destinée à fixer un nouveau terme, qui ne pourra excéder celui de six mois.

Le Congrès décide ensuite que les commissaires qui, aux termes de l'article 20 du Traité de paix, auront à procéder à la délimitation de la nouvelle frontière en Bessarabie, devront se réunir à Galatz, le 6 mai prochain, et s'acquitter sans retard de la mission qui leur sera confiée.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie déclarent que les autorités russes remettront, dès que cette opération sera terminée, aux autorités moldaves, la portion de territoire qui, d'après la nouvelle délimitation, devra être annexée à la Moldavie. Il demeure entendu que cette cession coïncidera avec l'évacuation des territoires russes par les armées alliées.

M. le comte de Clarendon fait remarquer que, pour hâter l'évacuation de la Crimée, il serait utile que les bâtiments des Puissances alliées pussent librement pénétrer dans le port de Sébastopol : cette facilité, dans l'opinion du premier Plénipotentiaire de la GrandeBretagne, avancerait l'embarquement des hommes et du matériel de plusieurs semaines.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie répondent qu'ils prendront à cet égard les ordres de leur Cour.

M. le comte Walewski dit qu'il y a lieu de s'occuper des instructions destinées aux commissaires qui seront chargés de se rendre dans les Principautés pour s'enquérir, conformément à l'article 23 du traité de paix, de l'état actuel de ces Provinces, et pour proposer les bases

de leur future organisation. Il expose que ces instructions doivent être conçues en termes généraux; qu'en fixant l'objet de la mission des commissaires, tel qu'il a été défini par le Traité lui-même, elles doivent leur laisser la latitude nécessaire pour s'éclairer et se mettre en mesure de remplir d'une manière complète la tâche qui leur sera confiée. Il lui semble que cette opinion peut être d'autant plus agréée par le Congrès que le Firman prescrivant la convocation des divans ad hoc doit être, ainsi que le constate le protocole n° XIV, concerté avec les représentants des Puissances contractantes à Constantinople, et rédigé de manière à pourvoir à l'entière exécution de l'article du Traité qui détermine la composition de ces assemblées. Il propose enfin de confier la rédaction de ces instructions à une commission prise dans le sein du Congrès.

Le Congrès adhère, et la commission est composée du premier Plénipotentiaire de la Turquie, et des seconds Plénipotentiaires de la France et de la Grande-Bretagne.

Après nouvel examen, et jugeant utile de modifier ce qu'il avait arrêté sur le même sujet dans sa séance du 30 mars, le Congrès prend la résolution suivante :

Dans les ratifications du Traité général, ce traité sera suivi, textuellement et in extenso, de l'article additionnel et des trois Conventions annexées; mais la ratification portera sur le Traité général et l'article additionnel dans les termes suivants : « Nous..... ayant vu et examiné ledit Traité et ledit article additionnel et transitoire, les avons approuvés et approuvons en toutes et chacune des dispositions qui y sont contenues, etc. Ces ratifications seront échangées en six exemplaires pour chaque Puissance contractante.

La Convention relative aux bâtiments légers sera ratifiée entre la Porte et la Russie.

La Convention relative aux détroits sera ratifiée entre la Porte, d'une part, qui devra présenter six exemplaires, et les autres Puissances, de l'autre part, qui, n'ayant pas à échanger de ratifications entre elles, n'auront simplement à ratifier qu'avec la Porte, et par conséquent à présenter qu'un seul exemplaire.

La Convention d'Aland sera ratifiée entre la France et l'Angleterre, d'une part, qui devront produire chacune un exemplaire destiné à la Russie, et la Russie, de l'autre part, qui devra produire deux exemplaires.

(Suivent les signatures.)

PROTOCOLE No XXII

Séance du 8 avril 1856.

Présents les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie.

Le protocole de la précédente séance est lu et approuvé.

M. le comte Clarendon rappelle que dans la dernière réunion, et attendu que tous les Plénipotentiaires n'étaient pas encore en mesure d'accéder à d'autres propositions, le Congrès s'est borné à convenir de la levée des blocus. Il annonce que les Plénipotentiaires de la Grande-Bretagne sont aujourd'hui autorisés à faire savoir que les décisions restrictives imposées, à l'occasion de la guerre, au commerce et à la navigation, sont à la veille d'être rapportées.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie, ayant renouvelé la déclaration analogue qu'ils ont faite dans la séance du 4 avril, et tous les autres Plénipotentiaires ayant émis un avis favorable, le Congrès arrête que toutes les mesures, sans distinction, prises à l'origine ou en vue de la guerre, et ayant pour objet de suspendre le commerce et la navigation avec l'État ennemi, sont abrogés, et qu'en tout ce qui concerne, soit les transactions commerciales, sans en excepter la contrebande de guerre, soit les expéditions de marchandises et le traitement des bâtiments de commerce, les choses sont rétablies partout, à dater de ce jour, sur le pied où elles se trouvaient avant la guerre.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie annoncent qu'ils ont reçu l'ordre de déclarer, en réponse à la demande qui leur en a été faite, que le port de Sébastopol sera ouvert aux bâtiments des Puissances alliées, afin d'accélérer l'embarquement de leurs troupes et de leur matériel.

Ils ajoutent que les instructions qui leur sont parvenues leur permettent d'assurer que l'évacuation du territoire ottoman en Asie par l'armée russe commencera immédiatement après l'échange des ratifications; qu'il sera procédé, dès que la saison et l'état des routes le permettront, au transport des magasins et du matériel de guerre, et que le mouvement général de l'armée russe s'opérera simultanément avec celui des alliés, et se terminera à la même époque, et dans les délais fixés pour l'évacuation des autres territoires.

Au nom de la Commission chargée d'en proposer la rédaction, M. le baron de Bourqueney donne lecture d'un projet d'instructions

ARCH. DIPL. 1873.. - III,

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destinées aux commissaires qui devront se rendre dans les Principautés, aux termes de l'article 23 du Traité de paix.

M. le comte de Clarendon fait remarquer que le Congrès s'est, avant tout, proposé, en s'occupant des Provinces Danubiennes, de provoquer l'expression librement émise des voeux des populations, et que cet objet pourrait ne pas se réaliser si les hospodars restaient en possession des pouvoirs dont ils disposent, et qu'il y aurait lieu peutêtre de rechercher une combinaison de nature à assurer une liberté complète aux divans ad hoc.

M. le premier Plénipotentiaire de l'Autriche répond qu'on ne doit toucher à l'administration, dans un moment de transition comme celui que les Principautés vont traverser, qu'avec une extrême réserve, et que ce serait tout compromettre que de mettre fin à tous les pouvoirs avant d'en avoir constitué de nouveaux; que c'est à la Porte, dans tous les cas, que le Congrès devrait laisser le soin de prendre les mesures qui pourraient être jugées nécessaires.

Aali-Pacha expose que l'administration actuelle ne présente pas peut-être toutes les garanties que le Congrès pourrait désirer; mais qu'on s'exposerait à tomber dans l'anarchie si l'on tentait de sortir de l'ordre légal.

Lord Clarendon représente qu'il n'entend nullement proposer le renversement de tous les pouvoirs; et, avec d'autres Plénipotentiaires, il rappelle que l'autorité des hospodars actuels touche au terme fixé par l'arrangement qui la leur a confiée, et que, pour rester dans les limites de l'ordre légal, il y a précisément lieu d'aviser.

Plusieurs Plénipotentiaires rappellent également que la loi organique prévoit l'interruption du pouvoir des hospodars.

Après ces explications, le Congrès décide qu'il s'en réfère à la Sublime Porte pour prendre, s'il y a lieu, à l'expiration des pouvoirs des hospodars actuels, les mesures nécessaires et propres à remplir les intentions du Congrès, en combinant la libre expression des vœux des divans avec le maintien de l'ordre et le respect de l'état légal.

Sur la proposition de MM. les premiers Plénipotentiaires de la Grande-Bretagne et de la France, pour prévenir tout conflit ou des discussions regrettables, il est également convenu que le firman qui doit ordonner la convocation des divans ad hoc fixera les règles qui devront être suivies en ce qui concerne la présidence de ces assemblées et le mode de leurs délibérations.

Après avoir pris ces résolutions, le Congrès adopte, sauf quelques modifications qui y sont introduites, les instructions dont M. le baron de Bourqueney a présenté le projet, et qui sont annexées au présent protocole.

M. le comte Walewski dit qu'il est à désirer que les Plénipotentiaires, avant de se séparer, échangent leurs idées sur différents sujets qui demandent des solutions et dont il pourrait être utile de s'occuper, afin de prévenir de nouvelles complications. Quoique réuni spécialement pour régler la question d'Orient, le Congrès, selon M. le premier Plénipotentiaire de la France, pourrait se reprocher de ne pas avoir profité de la circonstance qui met en présence les représentants des principales Puissances de l'Europe pour élucider certaines questions, poser certains principes, exprimer des intentions toujours et uniquement dans le but d'assurer pour l'avenir le repos du monde, en dissipant, avant qu'ils soient devenus menaçants, les nuages que l'on voit encore poindre à l'horizon politique.

On ne saurait disconvenir, dit-il, que la Grèce ne soit dans une situation anormale. L'anarchie à laquelle a été livré ce pays a obligé la France et l'Angleterre à envoyer des troupes au Pirée, dans un moment où leurs armes ne manquaient cependant pas d'emploi. Le Congrès sait dans quel état était la Grèce; il n'ignore pas non plus que celui dans lequel elle se trouve aujourd'hui est loin d'être satisfaisant. Ne serait-il pas utile, dès lors, que les Puissances représentées au Congrès manifestassent le désir de voir les trois Cours protectrices prendre en mûre considération la situation déplorable du royaume qu'elles ont créé, en avisant aux moyens d'y pourvoir?

M. le comte Walewski ne doute pas que lord Clarendon ne se joigne à lui pour déclarer que les deux gouvernements attendent avec impatience le moment où il leur sera permis de faire cesser une occupation, à laquelle cependant ils ne sauraient mettre fin sans de très sérieux inconvénients, tant qu'il ne sera pas apporté de modifications réelles à l'état actuel des choses en Grèce.

M. le premier Plénipotentiaire de la France rappelle ensuite que les États pontificaux sont également dans une position anormale; que la nécessité de ne pas laisser le pays livré à l'anarchie a déterminé la France, aussi bien que l'Autriche, à répondre à la demande du SaintSiége, en faisant occuper Rome par ses troupes, tandis que les troupes autrichiennes occupaient les Légations.

Il expose que la France avait un double motif de déférer sans hésitation à la demande du Saint-Siége, comme puissance catholique et comme puissance européenne. Le titre de fils aîné de l'Église, dont le souverain de la France se glorifie, fait un devoir à l'Empereur de prêter aide et soutien au Souverain Pontife. La tranquillité des États romains, dont dépend celle de toute l'Italie, touche de trop près au maintien de l'ordre en Europe, pour que la France n'ait pas un intérêt majeur à y concourir par tous les moyens en son pouvoir. Mais,

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