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Quant à ce qui se passe à Francfort, il ne faut pas trop s'en préoccuper, Il y a un mouvement d'hésitation chez les Etats secondaires, et nous espérons obtenir de quelques-uns une déclaration de neutralité.

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Les réponses de l'Angleterre et de la Russie sur le Congrès sont favorables.

La proposition aux autres puissances sera faite bientôt.

Signé NIGRA.

No 144

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Télégramme.

Paris, le 20 mai 1866.

Jusqu'à présent on n'a rien reçu de Vienne à l'égard du Congrès. La question de compensation est la pierre d'achoppement.

Govone est parti.

Je suivrai les instructions qu'il m'a portées de votre part.

Je ferai le possible pour décider l'Empereur à une entente avec la Prusse et nous.

Signé: NIGRA.

No 145

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AU CHEVALIER NIGRA, A PARIS

Télégramme.

Reçu votre télégramme.

Florence, le 20 mai 1866.

Bismarck a dit à Barral que la Prusse a accepté Congrès sans désarmement, et que l'Autriche revient de son premier refus.

Moi je crois que l'Autriche n'a jamais catégoriquement refusé, comme Bismarck nous l'a fait dire deux fois, qu'elle a hésité, et probablement elle hésite encore.

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La proposition du Congrès doit être présentée par les trois puissances médiatrices, qui doivent d'abord s'entendre entre elles. Or, cette entente, quoique très-probable, ne sera certaine que lorsque la réponse de la Russie sera arrivée à Paris.

Signé: NIGRA.

No 147

LE GÉNÉRAL DE LA MARMORA AU GÉNÉRAL GOVONE, A BERLIN

Télégramme.

Florence, le 22 mai 1866.

Reçu votre télégramme.

Ne vous mêlez pas trop de ce qui regarde la Prusse, et surtout des dispositions militaires. Cela nous donnerait une responsabilité qu'il ne nous convient pas de prendre.

Signé: LA MARMora.

N° 148

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 22 mai 1866.

Excellence, arrivé à Berlin, le 20 dans la soirée, j'ai informé hjer S. Exc. le comte de Bismarck de mon arrivée, pour le cas où il voudrait me voir.

Le président du Conseil m'a reçu hier soir.

Je l'ai informé de l'état vraiment satisfaisant des armements en Italie et des excellentes dispositions de l'esprit public; je lui ai demandé à quel point se trouvaient les armements prussiens, et quelles étaient les prévisions relativement aux éventualités futures, Son Excellence étant intéressée à connaître l'époque probable à laquelle les hostilités pourraient éclater de ce côté.

Le comte de Bismarck m'a répondu que les armements prussiens étaient en train de se compléter, et qu'ils le seraient entièrement dans très-peu de jours, qu'alors la guerre pourrait éclater, soit par suite d'une décision hostile de la Diète, soit par suite d'armements auxquels veut procéder le Hanovre ou quelqu'un des petits Etats qui séparent en deux la monarchie prussienne.

La Prusse pourra alors être forcée aux premières hostilités; toutefois, a-t-il ajouté, voici que surgit la proposition d'un Congrès, laquelle mettra de nouveaux obstacles. Le comte de Bismarck, du reste, ne croit pas à l'efficacité du Congrès pour lequel il n'avait pas encore reçu de proposition.

Je lui ai demandé quelles prévisions il avait fondées sur les Etats secondaires dans le conflit imminent, et surtout sur la Bavièrė. Il m'a répondu que le Wurtemberg était assez porté à la guerre et hostile, mais que quant à la Bavière il avait bon espoir et croyait probable qu'elle resterait au moins neutre. Du rește, il pense aussi que les armées de ces Etats auront difficilement le courage d'entreprendre des hostilités hors de la frontière, et qu'alors la première bataille avec l'Autriche, si elle était couronnée de succès, leur ferait tomber les armes des mains.

Les difficultés les plus sérieuses, comme l'a dit le comte de Bismarck, nos réelles inquiétudes sont relatives à l'attitude de la France. Elle garde le silence vis-à-vis de la Prusse, et cependant ses représentants près les cours secondaires travaillent tous dans le sens autrichien. On

dit queces agents font la politique de M. Drouyn de Lhuys, et peutêtre exagèrent encore,-et que la politique de l'Empereur est différente; toutefois, il n'est pas tranquillisant pour nous de commencer la guerre avec la menace de 300,000 hommes qui peuvent nous tomber sur le dos, quand nous serons sérieusement engagés.

J'ai répliqué: Mais je croyais que Votre Excellence avait des intelligences et des arrangements avec l'Empereur, et dans ce cas l'on peut s'y fier aveuglément, attendu que c'est un parfait gentleman, et il n'a jamais trompé ses amis. Nous en pouvons donner témoignage.

Le comte de Bismarck a répondu, en pesant ses paroles: Il y a six mois, quand je parlai à l'Empereur des événements actuels, il paraissait content de quelques arrangements qui conviennent également à la Prusse; mais, aujourd'hui que nous sommes à la veille du dénoûment et qu'il nous conviendrait de conclure des accords plus positifs, il se refuse absolument à toute explication.

Je repris alors Mais toute l'Europe dit tout haut quelles sont les convenances de la France, et peut-être tels sont aussi les désirs de l'Empereur.

Le comte de Bismarck a répondu Il s'agit, en définitive, pour la Prusse, dans toute cette affaire, d'acquérir la prépondérance dans une partie de l'Allemagne, et de se l'attacher par certains liens. Pour obtenir de tels avantages, peut-elle, elle la Prusse, peut-il, lui le Roi, céder à la France de vastes provinces de sang allemand? Il conviendrait beaucoup mieux à l'Empereur d'acquérir le..... J'ai répondu que..... avait une existence propre si fière et un sentiment si vif d'autonomie, que la chose pouvait être assez difficile pour ne pas tenter l'Empereur, et que d'ailleurs il était de première nécessité d'avoir la France avec nous dans les circonstances actuelles. Votre Excellence ne croit-elle pas, ai-je ajouté, qu'une fois le mouvement imprimé aux affaires allemandes, surtout avec le concours d'assemblées populaires, cela ne dépasse pas de beaucoup le programme actuel, et qu'au fond du tableau n'apparaissent pas les annexions? De cette façon, la Prusse pourrait gagner beaucoup plus qu'elle n'a à perdre par des cessions de territoire. J'ai cité l'exemple de l'Italie, en ajoutant que si les arrangements qui pouvaient convenir maintenant à la France n'étaient pas de nature à faire l'objet de stipulations qui pussent être connues, ils pouvaient sans doute être chuchotés à l'oreille de l'Empereur.

Le comte de Bismarck a écouté tout cela sans s'en montrer en aucune façon étonné; il a répliqué que dans un moment de crise, après une défaite, il serait facile de faire de telles propositions et de telles concessions à la France pour obtenir son aide armée, mais qu'il serait bien

plus difficile de faire accepter à l'opinion du pays la cession de portions du territoire allemand sans la justification d'un besoin urgent.

J'ai eu besoin de donner à toute cette conversation l'apparence d'une divagation académique, comme elle l'a été réellement, à laquelle avaient donné occasion incidemment les paroles mêmes du président du Conseil. Mais l'impression qui m'en est restée est qu'en définitive les résistances du comte de Bismarck, engagé comme il se trouve actuellement dans des circonstances desquelles dépend le sort de son pays, ne seraient ni invincibles ni peut-être trop difficiles à vaincre.

Ici le président du Conseil m'a parlé de la question des PrincipautésDanubiennes comme d'un nouvel élément qui pourrait être un objet d'intérêt pour la France; mais je n'ai pas bien compris l'idée du comte de Bismarck, et je ne me suis pas arrêté à lui faire de questions à ce sujet. Seulement, j'ai retenu sa déclaration que le prince de Hohenzollern avait, pour ainsi dire, déserté pour se rendre à Bucharest; que les Principautés se trouvaient assez fortes pour résister à une intervention turque; mais qu'en tout cas, si le Prince était banni, la Prusse n'aurait rien à y voir.

La conversation s'est de là portée sur la situation militaire de la Prusse, de l'Autriche et de l'Italie. J'ai dit au président du Conseil

selon nos calculs, l'Autriche opposait à la Prusse de 200,000 à 250,000 hommes, et que, d'après l'expérience que nous avions, il y avait lieu de croire qu'à l'ouverture des hostilités, cette formidable armée franchirait en rangs serrés et en ordre de bataille la frontière prussienne, et je lui ai demandé si tels étaient les calculs de la Prusse. Le comte de Bismarck m'a dit que la Prusse calculait qu'au commencement de juin, 200,000 Autrichiens, et pas plus, seraient déjà concentrés et prêts, et que la Prusse leur en opposerait de 280,000 à 290,000. Mais, ai-je objecté, n'est-il pas vrai que ces forces sont disséminées? Ne conviendrait-il pas d'appeler en ligne même deux corps de l'armée du Rhin? Ne conviendrait-il pas pareillement de rapprocher du gros de l'armée les 60,000 hommes qui sont dans la Haute-Silésie? Le comte de Bismarck m'a confié que deux corps de l'armée du Rhin seraient rappelés et mis en ligne. Ensuite, il est entré dans beaucoup de développements sur les emplacements des forces prussiennes. Deux corps d'armée sont vers la Neisse, dans la Haute-Silésie; un corps se · concentre à Gorlitz; trois corps se concentrent sur la frontière de Saxe, en face de Dresde, et un corps vis-à-vis de Leipzig. Il y a sept corps d'armée qui déjà se concentrent avec un effectif de 31,000 à 33,000 hommes par corps. Cette masse imposante sera encore renforcée des deux corps de l'armée du Rhin, lesquels porteront l'effectif des combattants de 300,000 à 310,000 hommes, abstraction faite des ARCH. DIPL. 1873.

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