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réserves de la landwehr, qui ont été appelées presque en entier, et des dépôts, qui forment encore quelques centaines de mille hommes, mais qui n'entreront pas en ligne.

Sans doute, une telle masse est imposante au delà de toute limite, si elle vient à être concentrée et réunie.

A ce propos, je me suis permis d'objecter contre la trop grande dissémination. Je ne vous rapporterai pas toute la longue conversation que j'ai eue à ce sujet avec le comte de Bismarck, qui a examiné avec moi la question sur la carte topographique. La question a été que déjà, m'a-t-il dit, un officier très-compétent, dont je n'ai pas retenu le nom, destiné à remplir les fonctions de chef d'état-major, lui avait fait la veille les mêmes observations; c'est pourquoi il m'a prié de discuter avec lui la même question, lui, comte de Bismarck, partageant mes opinions. J'ai répliqué en demandant si le général de Moltke n'était pas le chef d'état-major, et le comte de Bismarck a répondu que le général Moltke était l'auteur des dispositions que je critiquais, et il m'a dit d'en parler aussi avec lui.

Ainsi se termina mon audience. Aujourd'hui je me suis rendu chez le général de Moltke. Il m'a confirmé les mêmes dispositions ci-dessus exposées ; il m'a confirmé en secret que les deux corps de l'armée du Rhin, à commencer du 27 courant, seraient transportés par chemins de fer sur la frontière de Saxe, et que, le 3 juin, tous les nouveaux corps d'armée seraient sur la frontière, et que le dernier fourgon serait à son poste; il m'a expliqué que sept des nouveaux corps d'armée pourraient, selon les diverses hypothèses, se concentrer en face de l'armée de Benedeck, soit qu'elle envahît la Saxe, soit qu'elle voulût pénétrer par la Lusace (Bautzen-Gorlitz). Mais quant aux deux corps d'armée de la Haute-Silésie, il n'était presque plus temps de les rapprocher du gros de l'armée, et il n'était pas non plus possible d'abandonner la Silésie aux attaques de l'Autriche. Ces corps seraient utiles de ce côté pour faire une diversion. Le général de Moltke a confiance dans le succès de la première bataille, qui sera décisive, et il compte avoir la supériorité numérique sur le champ de bataille. J'espère que ces prévisions se réaliseront, et je le crois possible. Mais il y a un danger, c'est que, tandis que les Prussiens hésitent entre la défensive et l'offensive, une vigoureuse offensive de la part de l'Autriche à travers la Lusace, par exemple, déconcerte jusqu'à un certain point, les prévisions de l'adversaire et entrave sa concentration, et que l'armée prussienne doive livrer bataille avec l'apparence d'avoir déjà subi un échec : ce que serait, par exemple, la séparation du corps de la Haute-Silésie du reste de l'armée; et qu'une concentration des autres sept corps doive s'opérer en avant au lieu de s'opérer en arrière. Pour toutes

ces raisons, j'ai insisté en disant qu'il serait préférable, à mon avis, plutôt que d'attendre, de se décider pour l'offensive à travers la Lusace, quoi que fissent les Autrichiens, et de se concentrer en conséquence.

L'impression qui m'est restée de la conversation que j'ai eue avec la général de Moltke, c'est qu'il a confiance dans le succès, et croit qu'au 1er juin (quels que soient les retards que puisse apporter la proposition du Congrès), on devra en venir aux mains, attendu qu'il n'est pas possible de prolonger une situation aussi formidablement armée que celle qui aura lieu à partir du 4 juin suivant.

Tel est l'état actuel des choses. Par malheur, l'esprit public en Prusse ne s'est pas révélé d'une manière sensible, pas même en face d'une situation si décisive et si importante pour le pays.

Quant à l'armée, je crois que le Roi en prendra le commandement et ne tardera pas à lancer une proclamation qui en raffermira l'esprit et le dévouement.

Signé GOVONE.

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Télégramme.

Paris, le 23 mai 1866.

Je suis convaincu que l'Autriche en se présentant au Congrès a l'intention d'exclure la question vénitienne en s'appuyant sur l'exécution du Traité de Zurich. J'ai aussi quelques doutes sur l'attitude de la Russie.

Mais je vous réponds des intentions de l'Empereur, qui sont bien décidément dans le sens de la cession de la Vénétie.

Signé: NIGRA.

N° 150

LE COMTE DE LAUNAY AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Saint-Pétersbourg, le 23 mai 1866.

Relativement au formulaire de convocation, la Russie désire une

modification de rédaction pour faciliter l'entrée de l'Autriche au Congrès. Ainsi les mots « question de la Vénétie » seraient remplacés par « différend austro-italien ».

Elle décline comme l'Angleterre la garantie du pouvoir temporel du Saint-Père.

Donc, en principe, elle accepte le Congrès. Cependant, le prince Gortschakoff donnera seulement demain réponse définitive aux ambassadeurs d'Angleterre et de France.

Quant au prince de Hohenzollern, le cabinet russe est très-contrarié, mais semble vouloir attendre quelle sera l'attitude de la Conférence, sauf à aviser si les autres puissances tolèrent cette grave infraction au Traité, où il soupçonne le doigt de la France.

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Le roi de Prusse a dit hier soir à un de ses intimes qu'il ne croyait pas à la réussite du Congrès, et que les difficultés faites par l'Autriche pour l'acceptation de ses bases n'avaient pour but que de se donner le temps de compléter ses armements.

Sa Majesté est très-émotionnée de la situation, dont elle parlait avec de grosses larmes aux yeux.

L'ambassadeur de France m'a dit aujourd'hui en confidence que la grande préoccupation de l'empereur Napoléon dans toute cette affaire. n'était que de vider la question de Venise, et qu'il ne voyait point d'intérêt pour la France de terminer les querelles des deux grandes puissances allemandes.

Aucune communication officielle n'a encore été faite ici pour la ccuVocation du Congrès.

Signé BARRAL.

No 152

LE GÉNÉRAL GOVONE AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Berlin, le 24 mai 1866,

Je prie instamment d'envoyer ici sans retard un commissaire mili taire, car j'ai lieu de croire que la Prusse fera éclater la guerre au commencement de juin, soit à propos de la brigade autrichienne du Holstein qui doit se retirer sur Francfort, soit en envoyant une sommation à la Saxe, ou au Hanovre, ou de tout autre manière.

Driquet serait désormais très-utile en Italie, et je le ferais partir.

Signé GOVONE.

No 153

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 24 mai 1866.

La réponse de la Russie est arrivée, proposant modifications qui ont été acceptées, et qui consistent en cela: savoir que l'on dise« différend austro-italien >> au lieu de « question vénitienne ». L'invitation au Congrès part ce soir ou demain pour Florence.

Signé NIGRA.

No 154

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 24 mai 1866.

Notre situation diplomatique est bonne. Qu'on ait la paix ou la guerre, désormais la cause de la Vénétie est gagnée dans la conscience

publique. Si nous la pouvons obtenir pacifiquement et honorablement au sein du Congrès ou à la suite de négociations particulières, j'espère qu'une solution de cette espèce sera acceptée en Italie avec satisfaction. Si les tentatives pacifiques échouent, comme cela est probable, il faudra tenter le sort des armes, et que Dieu nous aide.....

Au reste, il répugne aussi à l'Empereur d'annexer des provinces allemandes à la France et de créer une Vénétie rhénane. Mais la répugnance ne serait pas invincible.

D'un autre côté, il m'a dit qu'on ne veut pas qu'on fasse une guerre gratuite pour lui. C'est pourquoi l'Empereur s'est porté avec ardeur vers l'idée d'un Congrès. Il m'a dit que l'Autriche, effrayée par l'idée d'être seule à refuser, se déciderait peut-être à accepter. L'invitation part ce soir de Paris.

La formule primitive a été modifiée à la suite des observations de la Russie pour rendre plus facile l'acceptation de l'Autriche.....

M. Drouyn de Lhuys m'a dit qu'il était bien entendu, de la part des trois puissances neutres, qu'il s'agit de la cession de la Vénétie.

Nous devons absolument ne faire aucune difficulté pour l'acceptation du Congrès, du moment que notre question y est traitée; ce qui implique naturellement l'examen de la seule solution possible: celle de la

cession.

Je termine cette lettre comme je l'ai commencée, en constatant que notre position diplomatique est excellente. Il ne faut pas la gâter. C'est pourquoi il faut accepter le Congrès sous les armes. Il faut absolument rester maîtres de notre action, sans nous laisser entraîner par les volontaires ou par les cris de la rue et de la tribune. A cet égard, j'ai la plus grande confiance dans votre énergie et dans votre prudence. Enfin il ne faut pas prendre l'initiative des hostilités, mais la laisser prendre à la Prusse ou à l'Autriche..

Signé NIGRA.

No 155

LE CHEVALIER NIGRA AU GÉNÉRAL DE LA MARMORA

Paris, le 25 mai 1866.

Les trois puissances médiatrices font tous leurs efforts pour la

réunion du Congrès.

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