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Notre cœur égaré, fans guide & fans appui,
Elt brûlé de défirs, ou glacé par l'ennui.

Nul de nous n'a vécu fans connaître les larmes.
De la Societé les fecourables charmes

Confolent nos douleurs au moins quelques inftans:
Remède encor trop faible à des maux fi conftans.
Ah! n'empoifonnons pas la douceur qui nous reste.
Je crois voir des forçats dans un cachot funeste,
Se pouvant fecourir, l'un fur l'autre acharnés,
Combattre avec les fers dont ils font enchaînés.

QUATRIEME PARTIE.

C'est au Gouvernement à calmer les malheureufes difputes de l'école qui troublent la Societé.

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Ui, je l'entends fouvent de votre bouche augufte, Le premier des devoirs, fans doute, eft d'ètre juste; Et le premier des biens eft la paix de nos cœurs. Comment avez-vous pû, parmi tant de Docteurs, Parmi ces différens que la difpute enfante, Maintenir dans l'Etat une paix fi conftante? D'où vient que les enfants de Calvin, de Luther, Qu'on croit de- là les Monts bâtards de Lucifer, Le Grec & le Romain, l'empefé Quiétifte,

Le Quakre au grand chapeau, le fimple Anabaptifte, Qui jamais dans leur Loi n'ont pû fe réunir,

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Sont tous, fans disputer, d'accord pour vous bénir?
C'est que vous êtes fage, & que vous êtes Maître.
Si le dernier Valois, hélas! avait fçu l'être,
Jamais un Jacobin, guidé par fon Prieur,
De Judith & d'Aod fervent imitateur,

N'eût tenté dans Saint Cloud fa funefte entreprise:
*Mais Valois aiguifa le poignard de l'Eglife,
Ce poignard qui bientôt égorgea dans Paris,
Aux yeux de fes Sujets, le plus grand des Henris.
Voilà le fruit affreux des pieufes querelles :

Toutes les factions à la fin font cruelles ;

Pour peu qu'on les foutienne, on les voit tout ofer;
Pour les anéantir, il les faut mépriser.

Qui conduit des Soldats peut gouverner des Prêtres.
Un Roi dont la grandeur éclipfa fes ancêtres,
Crut pourtant, fur la foi d'un Confeffeur Normand,
Janfenius à craindre, & Quefnel important;

Du fceau de fa grandeur il chargea leurs fottifes.
De la difpute alors cent cabales éprifes,
Cent bavards en fourure, Avocats, Bacheliers
Colporteurs, Capucins, Jéfuites, Cordeliers,
Troublèrent tous l'Etat par leurs doctes fcrupules:
† Le Régent plus fenfé les rendit ridicules:

*Il ne faut pas entendre par ce mot l'Eglife Catholique, mais le poignard d'un Eccléfiastique, le fanatiime abominable de quelques gens d'Eglife de ces tems

- Dans

là, déteftés par l'Eglife de tous les tems.

† Ce ridicule fi univerfelle ment fenti par toutes les Nations, tombe für les grandes intrigues

pour

Dans la pouffiére alors on les vit tous rentrer.
L'œil du Maître fuffit, il peut tout opérer.
L'heureux cultivateur des préfents de Pomone,
Des filles du Printemps, des tréfors de l'Automne,
Maître de fon terrain, ménage aux arbriffeaux
Les fecours du Soleil, de la Terre & des eaux;
Par de légers appuis foutient leurs bras débiles,
Arrache impunément les plantes inutiles;
Et des arbres touffus, dans fon clos renfermés,
Emonde les rameaux de la fêve affamés.
Son docile terrain répond à fa culture;
Miniftre induftrieux des loix de la Nature,
Il n'eft pas traverfé dans fes heureux deffeins;
Un arbre qu'avec peine il planta de fes mains,
Ne prétend pas le droit de fe rendre ftérile:
Et du fol épuifé tirant un fuc utile,
Ne va pas refuser à fon maître affligé
Une part de fes fruits dont il est trop chargé.
Un Jardinier voifin n'eut jamais la puiffance,
De diriger des Cieux la maligne influence,
De maudire fes fruits pendans aux espaliers,
Et de fécher d'un mot fa vigne & fes figuiers.

Malheur aux Nations dont les loix oppofées
Embrouillent de l'Etat les rênes divifées !
Le Sénat des Romains, ce Confeil de Vainqueurs,

pour de petites chofes, fur la haine acharnée de deux parus qui n'ont jamais pú s'entendre

Cc 3 Préfidait fur plus de quatre mille volumes imprimés.

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Préfidait aux Autels, & gouvernait les mœurs,
Reftraignait fagement le nombre des Veftales,
D'un peuple extravagant réglait les Baccanales.
Marc-Aurèle & Trajan mêlaient aux chams de Mars
Le bonnet de Pontife au bandeau des Céfars:
L'Univers repofant fous leur heureux génie,
Des guerres de l'école ignora la manie;
Ces grands Légiflateurs d'un faint zéle enyvrés,
Ne combattirent point pour leurs poulets facrés.
Rome encor aujourdhui confervant ces maximes,
Joint le Trône à l'Autel par des nœuds légitimes:
Ses citoyens en paix fagement gouvernés
Ne font plus Conquérants, & font plus fortunés.
Je ne demande pas que dans fa Capitale,
Un Roi portant en main la Croffe Epifcopale,
Au fortir du Confeil, allant en Miffion,
Donne au peuple contrit fa bénédiction:

Toute Eglife a fes loix, tout peuple a fon ufage;
Mais je prétends qu'un Roi, que fon devoir engage
A maintenir la paix, l'ordre, la fûreté,

A fur tous fes Sujets égale autorité ;

Ils font tous fes enfants: cette famille immenfe
Dans fes foins paternels a mis fa confiance.
Le Marchand, l'Ouvrier, le Prêtre, le Soldat,

* Ce n'eft pas à dire que chaque ordre de l'Etat n'ait les diftinctions, fes privilèges indifpenfablement attachés à fes fonc

Sont

tions. Ils jouiffent de ces privilèges dans tout pays: mais la Loi générale lie également tout le Monde.

Sont tous également les membres de l'Etat.
De la Religion l'appareil néceffaire,

Confond aux yeux de DIEU le grand & le vulgaire ;
Et les civiles Loix, par un autre lien,

Ont confondu le Prêtre avec le Citoyen.

La Loi dans tout Etat doit être univerfelle.
Les mortels, quels qu'ils foient, font égaux devant elle
Je n'en dirai pas plus fur ces points délicats.
Le Ciel ne m'a point fait pour régir les Etats,
Pour confeiller les Rois, pour enfeigner les Sages;
Mais du port où je fuis, contemplant les orages,
Dans cette heureufe paix où je finis mes jours,
Eclairé par vous-même, & plein de vos difcours,
De vos nobles leçons falutaire interprète,

Mon efprit fuit le vôtre, & ma voix vous répète.
Que conclurre à la fin de tous mes longs propos ?
C'est que les préjugés font la raifon des fots;

Il ne faut pas pour eux fe déclarer la guerre :
Le vrai nous vient du Ciel, l'erreur vient de la Terre;
Et parmi les chardons qu'on ne peut arracher

Dans des fentiers fecrets le fage doit marcher.

La paix enfin, la paix, que l'on trouble & qu'on aime, Eft d'un prix auffi grand que la vérité même.

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