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PRIERE

O DIEU qu'on méconnait, ô DIEU que tout annonce,
Enten les derniers mots que ma bouche prononce.
Si je me fuis trompé, c'est en cherchant ta Loi:
Mon cœur peut s'égarer, mais il eft plein de toi.
Je vois fans m'allarmer l'Eternité paraître,

Et je ne puis penfer qu'un DIEU qui m'a fait naître,
Qu'un DIEU qui fur mes jours verfa tant de bienfaits,
Quand mes jours font éteints, me tourmente à jamais.

NOTE S.

a Soit qu'un Etre inconnu, &c.

a DIEU étant un Etre infini, fa nature a dû être inconnuë à tous les hommes. Comme cet ouvrage eft tout philofophique, il a falu raporter les fentiments des Philofophes. Tous les Anciens, fans exception, ont cru l'éternité de la matiére; c'eft prefque le feul point fur lequel ils convenaient. La plupart prétendaient que les Dieux avaient arrangé le Monde; nul ne favait que DIEU l'avait tiré du néant. Ils difaient que l'Intelligence célefte avait par fa propre nature le pouvoir de difpofer de la matiére, & que la matiére exiftait par fa propre nature.

Selon prefque tous les Philofophes & les Poëtes, les grands Dieux habitaient loin de la Terre. L'ame de l'homme, felon plufieurs, était un feu célefte, felon d'autres, une harmonie résultante de fes organes; les uns en faifaient une partie de la Divinité, Divine particulam aure; les autres, une matiére épurée, une quinteffence; les plus fages, un être immatériel: mais quelque Secte qu'ils ayent embraffée, tous, hors les Epicuriens, ont reconnu que l'homme eft entiérement foumis à la Divinité.

b Es

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b Et ce Locke, en un mot, dont la main courageuse A de l'efprit humain pofé la borne heureuse;

b Le modefte & fage Locke eft connu pour avoir dévelopé toute la marche de l'Entendement humain, & pour avoir montré les limites de fon pouvoir. Convaincu de la faibleffe humaine, & pénétré de la puiffance infinie du Créateur, il dit que nous ne connaiffons la nature de nôtre ame que par la foi : il dit que l'homme n'a point par lui-même affez de lumiéres pour affurer que DIEU ne peut pas communiquer la penfée à tout Etre auquel il daignera faire ce préfent, à la matiére elle-même.

Ceux qui étaient encor dans l'ignorance s'élevèrent contre lui. Entêtés d'un Cartéfianisme auffi faux en tout que le Peripatétifme, ils croyaient que la matiére n'eft autre chofe que l'étenduë en longueur, largeur & profondeur: ils ne favaient pas qu'elle a la gravitation vers un centre, la force d'inertie & d'autres proprietés; que fes élémens font indivifibles, tandis que fes compofés fe divifent fans ceffe. Ils bornaient la puiffance de l'Etre Tout puiffant; ils ne faifaient pas réflexion qu'après toutes les découvertes fur la matiére, nous ne connaiffons point le fond de cet être. Ils devaient fonger que l'on a longtems agité fi l'Entendement humain eft une faculté ou une fubftance. Ils devaient s'interroger euxmêmes & fentir que nos connaiffances font trop bornées pour fon

der cet abîme.

La faculté que les animaux ont de fe mouvoir, n'eft point une fubftance, un être à part; il paraît que c'eft un don du Créateur. Locke dit que ce même Créateur peut faire ainfi un don de la pensée à tel être qu'il daignera choisir Dans cette hy pothèse, qui nous foumet plus que tout autre à l'Etre fuprême, la pensée accordée à un élément de matiére, n'en eft pas moins pure, moins immortelle, que dans toute autre hypothèse. Cet élément indivifible eft impériffable: la pensée peut affurément subfifter à jamais avec lui, quand le corps eft diffous. Voilà ce que Locke propose fans rien affirmer. Il dit ce que DIEU eût pû faire, & non ce que DIEU a fait. Il ne connait point ce que c'est que la matiére; il avouë qu'entre elle & DIEU il peut y avoir une infinité de fubftances créées abfolument différentes les unes des autres la lumière, le feu élémentaire paraît en effet, comme on l'a dit, dans les éléments de Newton une fubftance mitoyenne entre cet être inconnu nommé matiére, & d'autres êtres encor plus inconnus. La lumiére ne tend point vers un centre, comme la matiére; elle ne paraît pas impénétrable; auffi Newton dit fouvent

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dans

dans fon Optique, Je n'examine pas fi les rayons de la lumière fons des corps, ou non.

Locke dit donc qu'il peut y avoir un nombre innombrable de fubftances, & que DIEU eft le Maître d'accorder des idées à ces fubftances. Nous ne pouvons deviner par quel art divin un être tel qu'il foit a des idées; nous en fommes bien loin: nous ne saurons jamais comment un ver de terre a le pouvoir de fe remuer. Il faut dans toutes ces recherches s'en remettre à Dizu & fentir fon néant. Telle eft la Philofophie de cet homme, d'autant plus grand qu'il eft plus fimple; & c'eft cette foumiffion à Dieu qu'on a ofé appeller impieté; & ce font fes fectateurs convaincus de l'immortalité de l'ame qu'on a nommé Matérialistes; & c'est un homme tel que Locke à qui un compilateur de quelque Physique a donné le nom d'ennuyeux.

Quand même Locke fe ferait trompé fur ce point, (fi on peut pourtant le tromper en n'affirmant rien) cela n'empêche pas qu'il ne mérite la louange qu'on lui donne ici : il est le premier, ce me femble, qui ait montré qu'on ne connait aucun axiome avant d'avoir connu les vérités particuliéres; il eft le premier qui ait fait voir ce que c'est que l'identité, & ce que c'eft que d'être la même perfonne, le même foi: il eft le premier qui ait prouvé la fauffeté du fyftême des idées innées. Sur quoi je remarquerai qu'il ya écoles qui anathématifèrent les idées innées quand Defcartes les établit, & qui anathématifèrent enfuite les adverfaires des idées innées, quand Locke les eut détruites. C'eft ainfi que jugent les hommes qui ne font pas Philofophes.

des

NB. Le Lecteur curieux peut confulter le chapitre fur Locke dans les Mélanges de Litterature, &c. &c.

NOTE

NOTE particuliére fur ce paffage de la Préface qui eft au devant du Poëme fur le défaftre de Lisbonne, &c.

Lorfque Pilluftre Pope dévelopa dans fes vers immortels les fyftêmes du Lord Shaftersburi & du Lord

Bolingbroke, &c.

Ceft peut-être la premiére fois qu'on a dit que le systême de Pope était celui du Lord Shaftersburi; c'eft pourtant une vérité inconteftable. Toute la partie phyfique eft presque mot à mot dans la premiére partie du Chapitre intitulé, Les Moraliftes, Section 3. MUCH IS ALLeg'd in answer TO SHOW &c. On a beaucoup à répondre à ces plaintes des défauts de la Nature. Comment eft elle fortie fi impuiffante & fi défectueufe des mains d'un être parfait ? Mais je nie qu'elle foit défectueuse.... Sa beauté résulte des contrarietés, & la concorde universelle nait d'un combat perpétuel..... il faut que chaque être foit immolé à d'autres; les végétaux aux animaux, les animaux à la terre.... & les loix du pouvoir central & de la végétation, qui donnent aux corps céleftes leur poids & leur mouvement, ne feront point dérangés pour l'amour d'un ch tif & faible animal qui tout protégé qu'il eft par ces mêmes loix fera bientôt par elles réduit en pouffiere.

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Cela eft admirablement dit: & cela n'empêche pas que l'illuf tre Docteur Clarcke, dans fon Traité de l'Exiftence de DIEU, ne dife que le Genre humain fe trouve dans un état où l'ordre naturel des chofes de ce Monde eft manif ftement renverfé. Page 1o. Tome II. 2. édition, traduction de Mr. Ricotier cela n'empêche pas que P'homme ne puiffe dire; Je dois être auth cher à mon Maître, moi être penfant & fentant, que les Planètes qui probablement ne fentent point: cela n'empêche pas que les chofes de ce Monde ne puiffent être autrement, puifqu'on nous aprend que l'ordre a été perverti, & qu'il fera rétabli cela n'empêche pas que le ' mal Phyfique & le mal Moral ne foient une chofe incompréhenfible à l'efprit humain: cela n'empêche pas qu'on ne puiffe révo

quer

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quer en doute le Tout eft bien, en refpectant Shaftersburi & Pope; dont le fyftêmea d'abord été attaqué comme fufpect d'Atheïsme, & eft aujourdhui canonifé.

La partie morale de l'Effai fur l'homme de Pope, eft auffi toute entiére dans Shaftersburi, à l'article de la recherche fur la vertu, au fecond volume des Caractéristics. C'eft-là que l'Auteur dit que l'intérêt particulier bien entendu fait l'intérêt général. Aimer le bien public & le nôtre eft non feulement poffible, mais inféparable: To be well affected towards the publick intereft and ones own, is not only confiftent, but infeparable. C'eft là ce qu'il prouve dans tout ce livre, & c'eft la bafe de toute la partie morale de l'Effai de Pope fur l'homme. C'est par là qu'il finit.

That reafon paffion answer one great aim,

That true felf love and focial be the fame.

La raifon & les paffions tépondent au grand bat de DIEU. Le véritable amour propre & l'amour focial font le même.

Une fi belle morale, bien mieux dévelopée encor dans Pope que dans Shaftersburi, a toujours charmé l'Auteur des Poëmes fur Lisbonne & fur la Loi naturelle: voilà pourquoi il a dit,

Mais Pope aprofondit ce qu'ils ont effleuré,

Et l'homme avec lui feul apprend à fe connaître.

Le Lord Shaftersburi prouve encor que la perfection de la vertu eft due néceffairement à la croyance d'un DIEU. And thus perfection of virtue must be owing to the belief of a God.

C'eft apparemment fur ces paroles que quelques perfonnes ont traité Shaftersburi d'Athée. S'ils avaient bien la fon livre, ils n'auraient pas fait cet infame reproche à la mémoire d'un Pair d'Angleterre, d'un Philofophe élevé par le fage Locke.

C'eft ainfi que le Pére Hardouin traita d'Athées Pafcal, Mallebranche & Arnauld. C'est ainfi que le Docteur Lange traita d'Athée le refpectable Wolf, pour avoir loué la Morale des Chinois : & Wolf s'étant apuyé du témoignage des Jéfuites Miffionnaires à la Chine, le Docteur répondit, Ne lait-on pas que les léfuites fons des Athées? Ceux qui gémirent fur l'avanture des Diables de Loudun, fi humiliante pour la raifon humaine, ceux qui trouvèrent mauvais qu'un Recollet, en conduifant Urbain Grandier au fupplice, le frappât au vifage avec un Crucifix de fer, furent appellés Athées par les Recollets. Les Convulfionnaires ont imprimé, que ceux qui fe moquaient des convulfions étaient des Athées: & les Moliniftes ont cent fois batizé de ce nom les Janfeniftes.

Lore

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