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Au bord de cette mer où s'égarent mes yeux,
Ripaille, je te vois. O bizarre Amédée, d

Eft- il vrai que dans ces beaux lieux,
Des foins & des grandeurs écartant toute idée,
Tu vécus en vrai Sage, en vrai voluptueux,
laffé bientôt de ton doux Hermitage
Tu voulus être Pape, & ceffas d'être Sage?
Dieux facrés du repos, je n'en ferais pas tant,

Et

que

Et malgré les deux Clefs dont la vertu nous frape, Si j'étais ainfi pénitent

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Je ne voudrais point être Pape.

Que le Chantre flatteur du Tyran des Romains
L'Auteur harmonieux des douces Géorgiques,
Ne vante plus ces Lacs & leurs bords magnifiques
Ces Lacs que la Nature a creufés de fes mains
Dans les Campagnes Italiques.

Mon Lac eft le premier. C'eft fur fes bords heureux
Qu'habite des humains la Déeffe éternelle,

L'ame des grands travaux, l'objet des nobles vœux
Que tout mortel embraffe, ou défire, ou rapelle,
Qui vit dans tous les cœurs, & dont le nom facré
Dans les Cours des Tyrans eft tout bas adoré,
LA LIBERTE'. J'ai vú cette Déeffe altiére,

Avec égalité répandant tous les biens,

Defcendre de Morat en habit de guerriére,

A 2

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Les

d Le premier Duc de Savoye Amédée, Pape, ou Anti-Pape;

fous le nom de Félix

Les mains teintes du fang des fiers Autrichiens,
Et de Charles le téméraire.

Devant elle on portait ces piques & ces dards, On trainait ces canons ces échelles fatales Qu'elle même brifa, quand fes mains triomphales De Genève en danger défendaient les remparts. Un peuple entier la fuit: fa naïve allégreffe Fait à tout l'Apennin répéter fes clameurs; Leurs fronts font couronnés de ces fleurs que la Gréce Aux champs de Marathon prodiguait aux vainqueurs. C'est là leur Diadême; ils en font plus de compte Que d'un cercle à fleurons de Marquis & de Comte, Et des larges Mortiers à grands bords abatus, Et de ces Mitres d'or aux deux fommets pointus. On ne voit point ici la grandeur infultante Portant de l'épaule au côté

Un ruban que la vanité

A tiffu de fa main brillante,
Ni la fortune infolente

Repouffant avec fierté

La priére humble & tremblante

De la trifte pauvreté.

On n'y méprife point les travaux néceffaires;
Les états font égaux & les hommes font fréres.

Liberté, Liberté, ton Trone eft en ces lieux. La Grèce où tu naquis, t'a pour jamais perdue, Avec fes Sages & fes Dieux.

Rome

Rome depuis Brutus ne t'a jamais revûe.
Chez vingt Peuples polis à peine es-tu connue.
Le Sarmate à cheval t'embraffe avec fureur;
Mais le bourgeois à pied, rampant dans l'efclavage,
Te regarde, foupire, & meurt dans la douleur.
L'Anglais pour te garder fignala fon courage;
Mais on prétend qu'à Londre on te vend quelquefois :
Non, je ne le crois point; ce Peuple fier & fage
Te paya de fon fang, & foutiendra tes droits.
Aux marais du Batave on dit que tu chancelles ;
Tu peux te r'affarer: la race des Naffaux,
Qui dreffa fept Autels e à tes Loix immortelles,
Maintiendra de fes mains fidelles,

Et tes honneurs & tes faisceaux.

Venife te conferve, & Génes t'a reprise.
Tout à côté du Trône à Stockholm on t'a mife;
Un fi beau voifinage eft fouvent dangereux.
Préfide à tout Etat où la Loi t'autorise,
Et reftes-y, fi tu le peux.

Ne va plus, fous les noms & de Ligue & de Fronde, Protectrice funefte en nouveautés féconde,

Troubler les jours brillants d'un peuple de vainqueurs,
Gouverné par les loix, plus encor par les mœurs :
Il chérit la grandeur fuprême,

Qu'a-t-il befoin de tes faveurs,

Quand fon joug eft fi doux qu'on le prend pour toi-même ?

L'union des fept Provinces.

A 3

Dans

Dans le vafte Orient ton fort n'eft pas fi beau.
Aux murs de Conftantin tremblante, consternée ;
Sous les pieds d'un Vifir tu languis enchainée,
Entre le fabre & le cordeau.

Chez tous les Lévantins tu perdis ton chapeau.
Que celui du grand TELL forne en ces lieux ta tête.
Defcen dans mes foyers en tes beaux jours de fête,
Vien m'y faire un deftin nouveau.

Embelli ma retraite où l'Amitié t'appelle,
Sur de fimples gazons vien t'affeoir avec elle.
Elle fuit comme toi les vanités des Cours,
Les cabales du Monde, & fon régne frivole.
O deux Divinités, vous êtes mon recours!
L'une élève mon ame, & l'autre la confole;
Préfidez à mes derniers jours!

L'Auteur de la liberté Helvétique.

MM

DISCOURS

EN VERS

SUR

L'HOMME.

A 4

DIS

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