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Mais quel eft en effet ce grand art politique,
Ce talent fi vanté dans un Roi defpotique?
Tranquille fur le Trône, il parle, on obéit;
S'il fourit, tout eft gai; s'il est trifte, on frémit.
Quoi! régir d'un coup d'oeil une foule fervile,
Eft-ce un poids fi pefant, un art fi difficile?
Non. Mais fouler aux piés la coupe de l'erreur,
Dont veut vous enyvrer un ennemi flateur
Des Prélats courtifans confondre l'artifice,
Aux organes des Loix enfeigner la juftice,
Du féjour doctoral chaffant l'abfurdité,
Dans fon fein ténébreux placer la vérité;
Eclairer le favant, & foutenir le fage;

Voilà ce que j'admire, & c'est- là votre ouvrage.
L'ignorance, en un mot, flétrit toute grandeur.

Du dernier Roi d'Espagne un grave a Ambaffadeur, De deux favans Anglais reçut une prière :

Ils voulaient dans l'école apportant la lumiére,
De l'air qu'un long criftal enferme en fa hauteur,
Aller au haut d'un mont marquer la pefanteur.
Il pouvait les aider dans ce favant voyage;
Il les prit pour des fous: lui feul était peu fage.
Que dirai-je d'un Pape & de fept Cardinaux,
D'un zèle Apoftolique uniffant les travaux,

Pour aprendre aux humains dans leurs auguftes Codes,
Que c'était un péché de croire aux Antipodes?

Com

a Cette avanture fe paffa à régne de Charles II, Roi d'Ef

Londres la premiére année du pagne.

1

Combien de Souverains Chrêtiens & Mufulmans
Ont tremblé d'une éclipfe, ont craint des talismans?
Tout Monarque indolent, dédaigneux de s'inftruire,
Eft le jouet honteux de qui veut le féduire.

Un Aftrologue, un Moine, un Chymifte effronté,
Se font un revenu de fa crédulité.

Il prodigue au dernier fon or par avarice;
Il demande au premier, fi Saturne propice,
D'un afpect fortuné regardant le Soleil,
L'appelle à table, au lit, à la chaffe, au Confeil.
Il eft aux pieds de l'autre, & d'une ame foumise,
Par la crainte du Diable il enrichit l'Eglife.
Un pareil Souverain reffemble à ces faux Dieux,
Vils marbres adorés, ayant en vain des yeux;
Et le Prince éclairé, que la raifon domine,
Eft un vivant portrait de l'Effence Divine.

Je fai, que dans un Roi l'étude, le favoir, N'elt pas le feul mérite & l'unique devoir; Mais qu'on me nomme enfin dans l'Hiftoire facrée Le Roi dont la mémoire eft la plus révérée ; C'est ce Héros favant que DIEU même éclaira, Qu'on chérit dans Sion, que la Terre admira, Qui mérita des Rois le volontaire hommage. Son peuple était heureux, il vivait fous un fage: L'abondance à fa voix paffant le fein des Mers, Volait pour l'enrichir des bouts de l'Univers, Comme à Londre, à Bourdeaux, de cent voiles fuivie, Elle apporte au Printems les trésors de l'Afie.

Ce

Ce Roi que tant d'éclat ne pouvait éblouïr,
Sut joindre à fes talens l'art heureux de jouïr.
Ce font-là les leçons qu'un Roi prudent doit suivre ;
Le favoir en effet n'est rien fans l'art de vivre.
Qu'un Roi n'aille donc point, épris d'un faux éclat,
Pâliffant fur un livre, oublier fon Etat.

Que plus il est instruit, plus il aime sa gloire.

De ce Monarque Anglais vous connaiffez l'hiftoire : Dans un fatal exil Jacques b laiffa périr

Son gendre infortuné qu'il eût pû secourir.
Ah! qu'il eût mieux valu, raffemblant fes armées,
Délivrer des Germains les villes opprimées,
Venger de tant d'Etats les défolations,

Et tenir la balance entre les Nations,

Que d'aller, des Docteurs briguant les vains fuffrages,
Au doux enfant JESUS dédier fes ouvrages!

Un Monarque éclairé n'est pas un Roi pedant;
Il combat en Héros, il pense en vrai savant.
Tel fut ce Julien méconnu du vulgaire,
Philofophe & guerrier, terrible & populaire.
Ainfi ce grand Céfar, foldat, Prêtre, Orateur,
Fut du Peuple Romain l'oracle & le vainqueur:
On fait qu'il fit encor bien pis dans fa jeuneffe:
Mais tout fied aux Heros, excepté la faibleffe.

EPITRE

b Le Roi Jacques fit un petit Traité de Théologie qu'il dédia à l'Enfant JESUS.

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To

Des plaifirs aux travaux paffas d'un vol agile, Que j'aime à voir ton goût par des foins bienfaifans Encourager les Arts à ta voix renaiffans!

Sans accorder jamais d'injufte préférence,

Entre tous ces rivaux tien toûjours la balance:
De Melpomene en pleurs anime les accens,
De fa riante foeur chéri les agrémens,
Anime le pinceau, le cifeau, l'harmonie,
Et mets un compas d'or dans les mains d'Uranie.
Le véritable efprit fait fe plier à tout;

On ne vit qu'à demi, quand on n'a qu'un feul goût.
Je plains tout efprit faible, aveugle en fa manie,
Qui dans un feul objet confina fon génie,
Et qui de fon idole adorateur charmé,

Veut immoler le refte au DIEU qu'il s'est formé.
Entens-tu murmurer ce fauvage Algébriste,

A la démarche lente, au teint blême, à l'œil triste,

Qui

Qui d'un calcul aride à peine encor instruit,
Sait que quatre eft à deux, comme feize eft à huit?
Il méprife Racine, il infulte à Corneille;

Lully n'a point de fons pour fa pefante oreille;
Et Rubens vainement, fous fes pinceaux flatteurs,
De la belle nature affortit les couleurs.

Des xx redoublés admirant la puiffance,
Il croit que Varignon fut feul utile en France;
Et s'étonne, furtout, qu'infpiré par l'amour,
Sans algébre autrefois Quinault charmât la Cour.
Avec non moins d'orgueil & non moins de folie,
Un éléve d'Euterpe, un enfant de Thalie,
Qui dans fes vers pillés nous répéte aujourdhui
Ce qu'on a dit cent fois, & toujours mieux que luis
De fa frivole Mufe admirateur unique,

Conçoit pour tout le refte un dégoût létargique ;
Prend pour des arpenteurs Archimede & Newton,
Et voudrait mettre en vers Ariftote & Platon.
Ce boeuf qui pefamment rumine fes problèmes,
Ce papillon folâtre ennemi des fyftèmes,
Sont regardés tous deux avec un ris moqueur
Par un bavard en robe, aprentif chicaneur,
Qui de papiers timbrés barbouilleur mercenaire,
Vous vend pour un écu fa plume & fa colère.
Pauvres fous, vains efprits, s'écrie avec hauteur
Un ignorant fouré, fier du nom de Docteur :
Venez à moi, laiffez Maffillon, Bourdaloue;

Je veux vous convertir; mais je veux qu'on me loue.

Je

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