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faire passer quelques adoucissemens, de l'argent, même quelques lettres, et en recevoir de sa part. Nous avons appris dernièrement, qu'il avoit pour compagnons d'infortune, trois mandarins, de la société et de la conversation desquels il étoit assez content; mais que deux d'entr'eux venoient d'être mis à mort, et que l'autre avoit prévenu son supplice en se pendant lui-même.

» J'ai dit qu'on avoit trouvé un intermédiaire pour traiter avec le geolier; c'est que les prisons étant dans la ville, les Européens n'y ont pas d'accès. D'ailleurs, il est important que les Européens ne paroissent pas s'intéresser beaucoup pour ces prisonniers, sans quoi le geolier mettroit ses faveurs ou omissions d'inhumanité à des prix exorbitans ; et même, à force de vouloir extorquer de l'argent, il feroit mourir de faim et de misère notre pauvre prisonnier. Pour cette raison, il est important d'avoir un intermédiaire discret, et il convient de n'envoyer que peu de chose au prisonnier.

» Les Chinois qui conduisoient ce missionnaire lorsqu'il fut arrêté, ont été condamnés à un exil perpétuel, et cet exil est en même temps un esclavage ils ont porté la cangue, et ont souffert plusieurs autres tourmens avant de partir pour leur exil. Le chef des conducteurs du missionnaire s'est comporté avec beaucoup de prudence et une fermeté héroïque.... Il a pris tout le délit sur luimême. Les tortures n'ont pu lui arracher le nom d'aucun missionnaire, d'aucun chrétien. Ce grand courage, et l'attention qu'il eut, lorsqu'il vit qu'il

́alloit être arrêté, de détruire les lettres dont il étoit chargé, et qui eussent donné des renseignemens aux mandarins, ont mis à l'abri des recherches, plusieurs missionnaires et chrétiens qui eussent échappé difficilement.

>> Le coadjuteur de Pékin est toujours ici en at tendant que les voies deviennent praticables. L'incertitude du temps où il pourra se rendre à son poste, et la crainte que l'évêque de Pékin vienne à manquer, et que ce quartier se trouve sans prélat, ont déterminé celui de nos confrères portugais de Pékin, qui a été nommé à l'évêché de Nankin, à accepter cette dignité, quoiqu'il n'y ait pas de probabilité qu'il puisse visiter son propre troupeau. It a été consacré dans le courant du mois d'août.

>>> Nous attendons les envoyés des missionnaires de quelques provinces; mais ils n'arriveront point assez tôt pour que je puisse vous faire part des nouvelles et des détails qu'il nous apporteront de l'état et du fruit de ces missions ».

Extrait d'une lettre écrite par M. Hamel, prêtre des Missions étrangères, en date du 26 septembre 1806.

« La persécution; qui, l'année dernière, sembloit devoir être générale dans tout l'empire de Chine, n'a pas heureusement eu des suites si funestes que nous l'appréhendions. On s'est contenté d'afficher de tous côtés, des édits assez effrayans; ou n'en a point pressé l'exécution. Quelques mandarins, en assez petit nombre, ont voulu à cette occasion, molester les chrétiens; mais leurs poursuites n'ont été ni fort vives, ni de longue durée. La religion se trouve maintenant dans le même état que cidevant on pourroit même dire que cette alarme lui a été plus favorable que nuisible. Tous les païens ayant eu, par la lecture des édits, connoissance du christianisme; et voyant ensuite, que malgré tant de défenses et de menaces, les chrétiens continuent à faire publiquement l'exercice de leur religion, se persuadent aisément, que cette religion n'a rien de mauvais, et sont plus disposés à l'embrasser. Mais peut-être que cette tranquillité ne sera pas de longue durée.

» A la fin de l'année dernière, et au commencement de la présente, la famine a fait de grands ravages dans plusieurs endroits. Cette calamité a procuré le baptême à un grand nombre d'enfans. Des

maladies épidémiques ont aussi enlevé bien du monde, soit chrétiens, soit païens. Malheureusement le nouvel évêque de Caradre, M. Tranchant, a été du nombre. C'est une mort bien prématurée, et qui laisse dans cette mission un vide qu'il ne sera pas facile de remplir. M. de Tabraca est habituellement d'une assez foible santé, et n'est pas fort éloigné de sa soixantième année.

>> Notre collége s'est trouvé, l'année dernière, à l'occasion des édits contre la religion, dans la nécessité de se dissoudre pendant quelque temps; mais depuis sa réunion, il jouit d'une assez grande tranquillité. Nos élèves sont maintenant au nombre de dix-huit, parmi lesquels il y a lieu d'espérer que quelques-uns pourront dans peu être promus aux ordres sacrés. Si nous pouvions vivre de nos rentes, sans être obligés de nous mêler du temporel, le temps que les élèves doivent passer au collége se trouveroit raccourci de beaucoup; mais l'entretien d'une communauté si nombreuse exige bien des dépenses. Nous sommes donc dans la né¬ cessité de cultiver par nous-mêmes les petits fonds dont la mission a fait l'acquisition, pour nous procurer au moins, par ce moyen, la provision de riz dont nous avons besoin; et quoique nous ayons à notre solde plusieurs ouvriers, cela n'empêche pas dans bien des occasions les écoliers ne se trouque vent obligés de mettre la main à l'œuvre, ce qui les détourne assez souvent de leurs études. Mais dans les tristes circonstances où nous nous trouvons, on fait comme on peut, et non pas comme on veut ».

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M. Florens, dans une lettre du 4 octobre 1806, me dit « L'Eglise de cette province vient de faire une perte irréparable par la mort du très-respectable M. Tranchant... L'amour du prochain et des pauvres malades en a fait un martyr : il a contracté dans leur visite la maladie épidémique dont ils étoient affligés; il est mort pour la charité et dans la charité. Cette perte met cette mission dans le plus grand danger, etc. Il est mort le 18 avril ».

Etat du christianisme dans les royaumes de la Cochinchine et de Tong-king, depuis 1779 jusqu'à 1807.

Le Tong-king et la Haute-Cochinchine ont éprouvé une horrible persécution qui a commencé au mois d'août 1798, et qui n'étoit pas encore apaisée en juin 1799. Elle étoit surtout dirrigée contre les prêtres: deux du pays ont été pris et décapités. Ils ont montré une douceur, une patience et un courage qui ont frappé les païens mêmes. Un troisième étoit encore dans les prisons, et on craignoit beaucoup qu'il ne fût mis à mort. Trois néophytes sont morts des tourmens qu'ils ont soufferts. M. l'évêque de Gortyne a été pris par des gens sans aveu, mais les chrétiens l'ont arraché de leurs mains. Aucun Européen n'a été mis en prison. Presque toutes les églises et résidences des prêtres et des religieuses ont été pillées et saccagées. Les chrétiens ont donné des sommes

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