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qu'on y porte une attention réfléchie, on croira facilement, sur les témoignages de nos missionnaires,. que plusieurs savans lettrés ont été conduits au christianisme, on puissamment confirmés dans leur foi, par les caractères de ressemblance qu'ils découvroient entre la morale de nos livres saints, et la religion des heureux temps de Yao, de Chun et de Yu. Ils ne se lassoient pas d'admirer, que ne pouvant pas lire l'écriture, et s'assurer par eux-mêmes de toute l'histoire sainte, la bonté divine eût permis. que le Chou-king eût été conservé d'une manière si singulière, pour rendre témoignage à la doctrine de l'Evangile, et les mettre en état de se convaincre de la vérité de tout ce que leur enseignoient les missionnaires. Quand le flambeau de la révélation eut déchiré le voile qui couvroit les livres religieux de la Chine, les lettrés y ont vu une infinité de choses qu'ils n'y avoient pas remarquées, et plus ils les ont étudiés et approfondis, plus ils y ont trouvé de témoignages rendus aux vérités de la religion de Jésus-Christ. Le prince Jean, l'un des plus illustres martyrs de la foi, avoit été si touché de la conformité de la doctrine du Chou-king sur la divinité, sur le culte qui lui est dû, sur les espérances et les magnifiques promesses de la religion, avec ce qu'en enseignoient les Européens, qu'il se seroit converti sur le champ, s'il n'avoit été arrêté par des mystères qui confondoient sa raison; ce qui lui fit différer son baptême, un grand nombre d'années, après même qu'il eut converti plusieurs de ses frères. Aussi a-t-il mis la religion primitive des.

Chinois, à la tête des motifs de crédibilité qu'il propose à ses compatriotes, pour leur faire embrasser la foi, ainsi que s'y étoient déterminés avant lui, plusieurs savans néophytes.

Ces témoignages sont d'autant plus imposans que remontant plus haut qu'aucun livre que l'on puisse citer dans l'histoire profane, ils jettent une grande lumière sur plusieurs points que la Genèse ne fait qu'insinuer; et ceux qu'on lit dans le Chouking sont d'autant plus décisifs, qu'il n'est point après l'Ecriture, de livre qui porte autant de preuves de son authenticité.

Il est comme démontré, que les temps d'Yao, de Chun et de Yu étoient fort: voisins de l'époque de la grande dispersion des peuples qui, sortis des plainesde Babylone, se sont partagés la terre. Tout s'explique alors; on sent que la religion primitive des Chinois, tenant pour ainsi dire à sa racine aux temps. dont nous parlons, devoit avoir une force, une pureté et une ferveur qui ne passent guères les premières générations, dans un peuple qui n'a pu entretenir des communications avec le pays d'où il avoit apporté son symbole de croyance. La religión vivement sentie, place l'homme sous l'enthousiasme sacré de la vertu. Il est donc tout naturel de se per-> suader, que la religion primitive ayant conservé son énergie et son active influence, à l'époque de ce peuple naissant, la vertu et les bonnes moeurs aient été dans ces premiers siècles le ton dominant du caractère national.

De l'état présent des mœurs à la Chine!

Chacun, suivant le systême qu'il s'est fait ou qu'il a adopté sur la foi de certains voyageurs, exalte ou déprime à l'excès, la nation chinoise. Le moyen le plus sûr de se placer dans le juste milieu, est de rapporter les diverses opinions, et d'apprécier ensuite les témoignages avec impartialité, en faisant usage des règles d'une sage critique..

Dans le nombre des écrivains détracteurs, il n'en est point qui ait épanché contre la nation chinoise plus de fiel et d'amertume, ni qui l'ait calomniée avec plus de hardiesse et de mauvaise foi, que l'au teur des Recherches philosophiques sur les Egyptiens et les Chinois. La haine de cet écrivain contre ces. Asiatiques, perce avec la dernière indécence dans toutes les pages de son livre. Il ne les peint que sous des couleurs odieuses; il les représente comme le peuple le plus vil, le plus lâche, le plus ignole plus corrompu et le plus fripon qui soit dans l'Univers. Leur histoire qu'il n'a jamais lue et qu'il n'a pu lire, n'est à ses yeux qu'un tissu mak ourdi de mensonges et d'extravagances; leur extrême population n'est qu'une chimère; leurs villes sont rares et en petit nombre, et leurs terres en friche; les plus sages de leurs philosophes, tels qu'un Confucius, un. Meng-Tse, n'ont été. que de plats pédagogues, qui n'ont pas même connu les premiers élémens de la morale; ils n'ont fait aucune

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des découvertes qu'on leur attribue en Europe; Jeur stupidité d'esprit les rend décidément ineptes pour les arts; ils sont encore dans l'imbécillité de l'enfance pour la législation; et leur gouvernement, quoiqu'il subsiste le même et sans variation depuis plus de trois mille ans, n'est qu'un systême ruineux, chef-d'œuvre de déraison, de barbarie, de contradiction, etc, etc.

Tel est en peu de mots, le résumé des assertions hardies que M. Paw, tranquillement assis dans son cabinet, à Berlin, prononce sur un peuple qu'il n'a jamais vu, et qui habite à six mille lieues de lui. On pardonneroit peut être à M. Paw, le ton magistral et tranchant avec lequel il décide, s'il daignoit au moins, faire part à ses lecteurs des autorités qui peuvent fonder ses opinions particulières; niais il a le malheur d'être du nombre de ces écrivains qui ont fait de vastes lectures, et mal digéré leurs connoissances, dont ils ne se rappellent plus les sources. M. Paw, prenant le ton de son siècle, marche d'un pas ferme dans la route du paradoxe; et si, lorsqu'il suit le fil de ses idées systématiques, les autorités viennent à lui manquer, il prouve par le calcul des probabilités et des convenances, que les choses doivent exister de la manière dont il les arrange. (V. M. l'abbé Grosier, p. xxxvI.)

M. Sonnerat et Barrow qui est venu long-temps après lui, ne se sont guères montrés plus justes envers la nation chinoise. Le premier a été victorieusement réfuté dans les mémoires publiés sous le ministère de M. Bertin. Tout ce qu'on lui objecte pour

détruire ses assertions téméraires, et lui prouver niême qu'il a été dans l'impossibilité de se procurer des mémoires fidèles, se tourne contre l'écrivain anglais, qui ne s'est guères trouvé dans une position plus avantageuse pour bien voir, et qui ne l'a que trop imité dans ses jugemens précipités, contre le caractère et les mœurs d'une nation chez laquelle il n'a jamais pu vivre qu'en étranger surveillé de près par le gouvernement, pendant le court séjour qu'il y a fait.

La critique que le savant père Amiot a faite du voyage de M. Sonnerat, devient un objet intéressant pour tout lecteur ami de la vérité, parce qu'elle nous offre un fidèle tableau de la timide et jalouse politique du gouvernement chinois. La loi qui défend l'entrée de la Chine aux Européens, n'a pas cessé un moment d'être en pleine vigueur. Y mettre le pied sans une permission expresse de l'empereur, est un crime puni de mort. Ce fut là un des principaux obstacles qu'ont éprouvé les missionnaires à la propagation de l'Évangile. La violation de cette loi a servi de prétexte dans toutes les persécutions, pour condamner à des peines rigoureuses les Chinois convertis qui avoient favorisé l'introduction des missionnaires. Ces faits qon n'oseroit démentir, suffisent pour soumettre à un examen rigoureux les relations de tous ces voyageurs qui, comme M. Sonnerat, promettent de retracer simplement et sans partialité, ce qu'ils ont vu, ce que leur ont raconté les Chinois eux-mêmes, et ce qu'ils leur ont appris des traditions et de l'histoire du peuple chinois. \

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