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traction. Il s'empressera de les effacer, pour peu qu'il réfléchisse sur les conséquences. Le génie tutélaire de la France a rétabli la politique sur ses véritables bases. Nous sommes déjà bien loin de l'an 13; le philosophisme est jugé, il nous a fait trop de mal. Puissions-nous le voir banni à jamais de toute éducation privée, et surtout des leçons de l'enseignement public!

La relation du voyage de M. Sonnerat, et les diatribes de M. Paw, ont été répandues avec profusion dans toute l'Europe. Ces ouvrages en ont imposé à la crédulité de plusieurs savans, et chacun y a cherché de quoi appuyer ses idées systématiques en matière d'opinions religieuses ou de politique, Osons même ne pas le dissimuler : on peut reprocher à quelques apologistes de la religion chrétienne, de s'être laissés égarer sur leurs traces, par l'impulsion d'un zèle indiscret et peu réfléchi. Ce n'est point servir la religion, c'est lui nuire, que d'employer des moyens de défense que ses détracteurs ou ses ennemis secrets seront ravis de leur arracher, en leur opposant les règles d'une judicieuse critique. C'est encore à ce zèle, plus impétueux qu'éclairé, qu'il faut rapporter le scandale de ces affligeantes disputes sur les cérémonies chinoises, disputes qui ont, pendant plus d'un siècle, divisé les missionnaires, servi de prétextes aux persécutions suscitées. par les bonzes et les lettrés désolé l'Eglise de la Chine et fait verser le sang de ses martyrs.

Le savant et vertueux M. Bergier a paru avec une

réputation méritée dans la controverse contre les nouveaux philosophes. Sa critique en général, marche d'un pas ferme et assuré; cependant on regrette qu'il se soit écarté des règles qu'il s'étoit imposées, et qu'ayant à prononcer sur la réputation et le caractère moral d'une grande nation, il ne se soit pas mis assez en garde contre des relations qu'il auroit pu soumettre à un examen plus approfondi, et que bien des raisons devoient lui rendre suspectes. Voici le portrait qu'il trace des mœurs et du gouvernement du peuple chinois.

Les philosophes, nous dit le docteur Bergier (1), qui se sont montrés peu scrupuleux sur la bonne foi, quand il sagit de décréditer la religion, vantent les mœurs et le gouvernement des Chinois comme un prodige (2); un voyageur très-récent nous en donne une idée bien différente. Il peint les Chinois comme un peuple lâche, poltron, esclave, perfide, très-peu industrieux, excepté dans l'art de tromper et de mentir; d'une avarice et d'une friponnerie inconcevables. Les mandarins, quoique lettrés et disciples de Confucius, se servent de l'autorité des loix, non pour empêcher le crime, mais pour s'enrichir des dépouilles de ceux qui le commettent; presque toutes les punitions se réduisent à des amendes, et c'est sur ce fonds que sont assignés les revenus les plus clairs de ceux qui composent les tribunaux (3). Ces

(1) Apologie de la religion chrétienne, t. II, p. 18. (2) Dictionnaire philos. art. Chine.

(3) Voyage de George Anson, 1. III, c. 7.

sages magistrats ont tant fait de progrès dans la morale, qu'ils s'entendent souvent avec les voleurspour détrousser les étrangers; et quand les scélérats qu'ils protégent ne sont pas fidéles à payer la protection, pour lors il les punissent en confisquant tous les vols à leur profit (1). Le droit des gens est si bien connu à la Chine, qu'en 1743 on n'y pouvoit pas concevoir comment l'amiral Anson qui s'étoit rendu maître d'un gallion d'Espagne, n'avoit pas commencé par faire massacrer tout l'équipage. Dans ce même temps, les matelots anglais, après avoir sauvé la ville de Canton d'un incendie général, sous les yeux. mêmes du vice-roi, furent obligés de servir de sauvegarde aux marchands chinois pour les préserver d'ê-tre pillés par la populace (2). Tel est le bon ordre et la police des villes de la Chine.

Le voyageur anglais observe que le grand savoir et la haute antiquité de la nation chinoise sont pour le moins très-problématiques; que leur morale, même spéculative, est très-bornée et très-imparfaite; leur gravité et leur politesse une pure affectation; que les magistrats y sont corrompus, le peuple voleur, les tribunaux dominés par l'intrigue et la vénalité, le gouvernement foible, exposé à être envahi

(1) Voyage de George Anson, l. III, c. 9.

(2) Ibid. c. 10. Voyez encore Euvres diverses de J. J. Rousseau, tome I, p. 14. Voyage de Russie à Pékin, par Bell d'Antermony, tome I, p. 349, 390, 404, et t. II, p. 29, 35, 184 et suiv. et le Roman chinois, intitulé: Hau, Kiou, Choaan.

par une poignée d'aventuriers. L'on sait d'ailleurs que c'est le bâton, et uon point les loix et la morale, qui gouverne la Chine (1).

Montesquieu après avoir examiné de près ce gouvernement si merveilleux en apparence, n'en a pas porté un jugement favorable. Il observe que les Chinois sont le peuple le plus fourbe de la terre. De même qu'à Sparte il étoit permis de voler, à la Chine il est permis de tromper (2). Le peuple a si peu d'idée de la pureté des mœurs, qu'il regarde comme un prodige de vertu de se trouver seul dans un appartement reculé avec une femme; sans lui faire violence (3). « On y a voulu, dit-il, faire régner les >> loix avec le despotisme; mais ce qui est joint avec >> le despotisme n'a plus de force : nous voyons donc » à la Chine un plan de tyrannie constamment suivi, >> et des injures faites à la nature humaine avec règle, » c'est-à-dire, de sang froid (4) ». On y a puni de mort un simple mensonge et la plus légère inadvertance (5). Aussi la Chine a eu vingt-deux révolutions générales, sans compter les particulières; et son gouvernement est de telle nature, que les révolutions у sont inévitables (6).

Cela n'empêche pas nos philosophes d'assurer gra

(1) Esprit des Loix, l. VIII, c. 21.

(2) Ibid. 1. XIV, c. 20.

(3) Ibid. 1. XVI, c. 8.
(4) Ibid. 1. VIII, c. 21.
(5) Ibid. 1. XII, c. 7.
(6) Ibid. 1. VII, c. 7.

vement que la constitution de cet empire est la meilleure qui soit au monde, la seule qui soit toute fondée sur le pouvoir paternel (1); on auroit mieux dit sur le pouvoir tyrannique. Les mandarins, ces pères si tendres, nou-seulement donnent force coups de bâton à leurs enfans, mais ils les laissent encore charitablement périr de misère, de peur que le menu peuple n'augmente à l'excès et ne cause des séditions (2).

Tous ceux qui ont l'imprudence de faire le paralléle entre les nations chrétiennes et les peuples infidèles, anciens du modernes, seroient assez punis s'ils étoient réduits à vivre sous un gouvernement pareil à ceux dont ils font l'éloge.

Des mœurs et du caractère des Chinois, d'après les lettres et les mémoires publiés par les missionnaires de Pékin.

PERSONNE n'a été plus en état de bien observer et n'a mieux vu le peuple chinois, que le savant père Le Comte. Tout ce qui a été écrit depuis, confirme la fidélité et l'impartialité de sa relation. Voici ce qu'elle nous a paru renfermer de plus intéressant..

Il semble que les Chinois dès leur origine, se

(1) Dictionn. philos. art. Chine, p. 176. Essais sur l'Hist. gén. tome I, c. I et suiv. Philos. de l'Histoire c. 18.

(2) Lettres édifiantes, 24 Recueil, pag. 65 et suiv.

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