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Chine, il a donné par une sentence publique, des martyrs à notre sainte religion.

C'est dans la province de Foukien que cette persécution a pris naissance; celui qu'on en doit regarder comme le principal auteur, est le Fou-yven, ou vice-roi de cette province.

Les accusations formées contre le christianisme se réduisent à chefs.

sept

1°. Que la religion du Seigneur du ciel étoit prê chée par des Européens, qui ne pouvoient se trouver et demeurer dans l'empire, que contre les ordres de l'empereur.

2o. Qu'on engageoit le peuple à entrer dans cette religion, par l'espérance d'un paradis et la crainte

d'un enfer.

3o. Qu'on choisissoit parmi les chrétiens les plus attachés à leur religion et à toutes ses pratiques, un certain nombre de Chinois, pour les mettre en qualité de catéchistes, à la tête de cinquante chrétiens. 4°. Que les chrétiens n'honoroient ni leurs ancê

tres,

ni même Confucius; mais qu'ils rendoient toutes sortes d'honneurs à un étranger appelé Jésus.

5°. Que les missionnaires avoient établi parmi les chrétiens, la coutume de venir leur déclarer secrètement, toutes leurs fautes et tous leurs péchés, deux fois l'année.

6o°. Que les filles et femmes chrétiennes affectoient de ne point porter des habits de soie, et de ne point orner leurs têtes de fleurs et de pierreries; et que parmi les filles, il y en avoit qui renonçoient pour toujours, au mariage.

y

7°. Que dans quelques maisons des chrétiens, il avoit des murs doubles et autres retraites propres à tenir cachés les Européens ; et que ceux-ci assembloient dans de grandes salles, bâties exprès, les chrétiens et les chrétiennes, leur donnoient un certain pain à manger, et un certain vin à boire, et les oignoient d'huile.

Ce sont en substance, les accusations envoyées au vice-roi; elles ont servi de matière aux interrogatoires qu'on verra se réitérer si souvent, pour trouver des motifs à une sentence de condamnation. On a aussi employé l'accusation de magie, tant de fois mise en œuvre dans la Chine et ailleurs, contre les prédicateurs de la religion chrétienne.

Le vice-roi n'eut pas plutôt reçu le procès-verbal, qu'il l'envoya à l'officier Fan à Fou-ngan; et celui-ci ayant distribué ses soldats en trois bandes, et leur ayant donné secrètement ses ordres, les fit partir pour les divers endroits qui lui avoient été indiqués, comme servant de retraite aux Européens. Les deux premières bandes, envoyées dans deux quartiers de la ville, prirent onze chrétiennes, dont une étoit mariée, deux étoient veuves, et huit qui s'étoient consacrées à une virginité perpétuelle, formoient une espèce de communauté. On prit aussi cinq chrétiens, s'il faut donner ce nom à un concubinaire déjà apostat. La troisième bande, envoyée dans un village appelé Mo-yang, prit en chemin deux chrétiens qui alloient donner avis de ces premiers mouvemens, aux missionnaires cachés dans ce village, au nombre de cinq, tous de l'ordre de

saint Dominique, et Espagnols de nation, savoir : M. l'évêque de Mauricastre, Pierre Martyr Sanz et les révérends pères Royo, Alcober, Serrano et Diaz.

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Lorsque le jour commença à paroître, on fit porter à Fou-ngan tout ce qu'on reconnut appartenir au prélat; on fit porter aussi le père Alcober, que la torture avoit mis dans l'impuissance de marcher, et l'on y conduisit en même temps, six chrétiens', qui furent mis dans la prison de la ville, et huit chrétiennes qui furent gardées toutes ensemble, dans une même chambre. Quant au père Alcober, le gouverneur le logea chez lui, et voulut même qu'il fût servi par ses domestiques.

Le jour suivant, ce même gouverneur et l'officier Fan, firent comparoître devant le tribunal, les chré→ tiens et les chrétiennes. Après que plusieurs eurent refusé de déclarer la retraite de M. l'évêque et des missionnaires, le chrétien concubinaire, interrogé à son tour, répondit qu'ils demeuroient chez la veuve Miao; une des prisonnières ; il n'en fallut pas davantage pour faire tourmenter cruellement cette veuve, et neuf autres chrétiennes; mais leur constance ne se démentit pas, et la plus violentè ques, tion ne put leur arracher leur secret; enfin une onzième prisonnière, épouvantée de l'appareil des tortures qu'on lui préparoit, déposa ce qu'elle en savoit, et ajouta qu'on l'avoit faite chrétienne par im→ portunité, et comme malgré elle. L'officier ne laissa point cette infidélité sans récompense ; quelques aunes d'une pièce de soie en furent le prix, et on la

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fit porter en chaise chez elle. Tout le reste du temps de l'interrogatoire, qui dura jusqu'à la nuit, fut employé à donner la torture; et l'officier Fan s'y montra si cruel, que les gentils qui étoient présens et le gouverneur lui-même, ne purent retenir leurs larmes. Le gouverneur de la ville dit à l'officier, qu'il tourmentoit en barbare, des innocens; et l'officier, fier de la protection du vice-roi, osa reprocher au gouverneur, quoique supérieur en dignité, qu'il mollissoit dans les devoirs de sa charge.

La nuit, les recherches recommencèrent; on donna la question à six chrétiennes, qui souffrirent coura geusement sans donner aucun éclaircissement; mais une servante, se laissant vaincre par la violence des tortures, promit aux soldats de leur livrer deux Européens, et les mena dans l'endroit où deux missionnaires se tenoient cachés entre deux planchers; c'étoit les pères Serrano et Diaz.

Ce fut pour cet officier une joie bien sensible que la prise de deux missionnaires. Il leur demanda où étoit M. l'évêque, et, sur ce qu'ils répondirent qu'ils n'en savoient rien, il fit donner des soufflets au père Serrano, et la torture au père Diaz. Voici la manière cruelle dont se donnent ces soufflets: le patient est à genoux; un officier se place derrière lui, et mettant un genou en terre, il lui prend la tête par la tresse des cheveux, et la renverse sur celui de ses genoux qui est resté élevé, de manière qu'une des joues du patient est placée horizontalement; alors un autre officier du mandarin, tenant

à la main, un instrument assez semblable à une semelle de soulier, et faite de quatre lames de cuir cousues ensemble, décharge, à tour de bras, sur cette joue le nombre de soufflets ordonnés par le mandarin. Un seul suffit pour faire perdre connoissance comme l'ont avoué plusieurs de ceux qui en ont fait l'expérience. Souvent les dents en sont brisées dans la bouche, et la tête enfle horriblement. Si le nombre des soufflets est grand, on les partage sur les deux joues.

sonne;

La fureur de l'officier Fan étoit extrême; il l'inspiroit à ses ministres, les animant à n'épargner peril en fit même éprouver des effets à des gentils: Deux infidèles de quelque considération, reçurent un grand nombre de coups, parce qu'on vouloit les forcer à déclarer les Européens dont ils n'avoient aucune connoissance : on les arrêta prisonpiers, et ee ne fut qu'après quelques jours qu'ils furent élargis.

Cependant, le chrétien qui avoit fourni un nouvel asile à M. l'évêque, voyoit avec crainte tout ce qu'on faisoit pour le découvrir. Désespérant de pouvoir le tenir long-temps caché, il alla lui représenter le danger auquel il l'exposoit, lui et toutes les personnes de sa maison. Il le pria de considérer, combien dech rétiens avoient souffert à son occasion; et que son voisin en particulier, nommé Ambroise Ko, avoit été appliqué quatre fois, à la torture, et avoit perdu ses biens et sa liberté, lui et toute sa famille. Mon cher ami, lui répondit le prélat, sommes-nous venus ici, tout ce que nous sommes

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