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comme dans toutes les occasions où il a pu assister les confesseurs de la foi, il a montré combien il ambitionne leur bonheur.

L'idolâtre dont j'ai parlé, et qui a recueilli le sang du respectable prélat, étoit un insigne brigand, redouté du peuple dans toute la contrée : c'est même la raison pour laquelle il a été employé à cette fonction. Après s'en être acquitté, il n'a plus adoré ses idoles ; au contraire, il les a brisées, et dans sa famille on n'adresse plus de prières qu'au vrai Dieu et au vénérable évêque Sans. Il a porté dans sa maison la pierre sur laquelle la sentence a été exécutée, et y a gravé ces paroles: Pe-lao-séeten-thien-che: Pierre sur laquelle le respectable maître, nommé Pé, est monté au ciel. Depuis, ayant ouï dire que tous ceux qui suivroient sa doctrine seroient condamnés au même supplice : tant mieux, (a-t-il répliqué, en se comptant déjà du nombre des chrétiens); tant mieux, nous irons tous au ciel.

M. Sou-Mathias s'est transporté avec plusieurs chrétiens, dans le lieu destiné à recevoir les cadavres des suppliciés. Ils ont trouvé le respectable corps dans son cercueil, tout frais, et sans que le visage eût presque rien perdu de ses couleurs. Bien plus, ayant remarqué sur un poignet, un peu de sang extravasé, à cause du frottement des cordes, et ayant voulu en tirer quelques parcelles, ils ont vu couler, goutte à goutte, un sang liquide et vermeil. Peu de temps après le martyre de M. l'évêque Sans, on grava sur le visage des pères et du catéchiste

Ambroise Ko, deux caractères chinois, qui marquent le genre de supplice auquel ils sont condamnés.

Extrait d'une lettre du père Amiot, en 1752.

QUOIQUE la religion chrétienne soit toujours proscrite à la Chine, nous ne laissons pas à Pékin, d'exercer librement notre ministère dans l'enceinte de nos maisons, et même au dehors, en prenant certaines précautions. Le service divin se fait dans notre église, tous les dimanches, comme dans la paroisse la plus régulière. Les chrétiens y viennent sans crainte et assidument. Ils y chantent les louanges du Seigneur en langue chinoise; ils entendent le sermon et assistent à la grand'messe, qui s'y dit avec autant de solennité qu'on pourroit le faire en Europe. Nous avons des congrégations particulières pour les plus fervens des chrétiens: congrégations du saint-Sacrement, du cœur de Jésus, de la sainte Vierge; congrégation de pénitence, dont l'objet est de faire pénitence, non-seulement pour ses propres péchés, mais aussi pour ceux des autres, et de demander à Dieu par ces œuvres satisfactoires, qu'il veuille bien se laisser fléchir en faveur de tant d'infidèles, qui ignorent et qui blasphement son saint

nom.

Depuis le 30 septembre 1750, jusqu'au 19 octobre 1751, nous avons eu à Pékin cinq mille deux

cents

cents communions; quatre-vingt-douze baptêmes d'adultes; trente d'enfans de chrétiens, et deux mille quatre cent vingt-trois d'enfans d'infidèles, la plupart malades, exposés, ou sur le point de mou→ rir. Le père Kao, Jésuite chinois, dans les diffé rentes excursions qu'il a faites dans le district de notre mission française, a eu deux mille six communions, quatre-vingt-onze baptêmes d'adultes, et cent quatre-vingts d'enfans de chrétiens. Au reste, je ne parle que de ce qui s'est fait par notre mission française; comme les deux maisons que les pères portugais ont à Pékin, ont chacune des chrétientés plus nombreuses sans comparaison, que les nôtres, ces pères ont aussi recueilli beaucoup plus de fruit que nous.

Les pères Dugad, Lefevre et de la Roche, malgré la persécution et la gêne extrême où ils sont obligés de vivre, ont aussi fait une abondante moisson dans les provinces qu'ils cultivent. Le père Lieou, mon compagnon de voyage, le plus âgé des Chinois qu'on a vus à Paris, au collége de Louisle-Grand, travaille depuis plus d'un an et demi dans la province de Hou-quang, avec beaucoup de

zèle et de succès.

Pour moi, s'il m'étoit permis de parler de mes essais dans le ministère apostolique, je vous dirois que j'ai entendu une centaine de confessions; que je suis chargé depuis quelques mois, de la congrégation des enfans, qui est sous le titre et sous les auspices des saints Anges gardiens, et que j'étudie avec ardeur, la langue chinoise, dans l'espérance qué

quand j'y aurai fait plus de progrès, je pourrai m'appliquer à d'autres bonnes œuvres, et suivre de plus près, les exemples de courage et de zèle que j'ai devant les yeux.

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Extrait d'une lettre écrite de Macao, le 14 de septembre 1754.

DANS l'état d'incertitude où se trouve la chrétienté de la Chine, nous avons encore cette légère consolation, que les missionnaires sont soufferts dans cet empire, où malgré la contrainte qui les retient, leur présence ne laisse pas d'être infiniment utile au troupeau qui leur est confié. Vous pourrez en juger par le détail que je vais vous faire de ce qui s'est passé sous nos yeux..

Vous n'ignorez point que les missionnaires, pour n'être point connus, sont obligés de se vêtir à la mode du pays. Mais eussent-ils le talent de prendre l'air, les manières, la démarche, et tout ce qui est propre aux Chinois, on les distinguera toujours, et ç'a été sans doute jusqu'ici, un très-grand obstacle à la conversion des infidèles. Pour parer aux-inconvéniens qu'entraînent ces sortes de reconnoissances, on fait, autant qu'on peut, des prêtres du pays. Les missionnaires les élèvent dès l'âge le plus tendre, leur apprennent la langue latine, et les instruisent peu à peu, dans le ministère. Quand ils ont atteint un certain âge, on en fait des catéchistes,

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qu'on éprouve jusqu'à quarante ans, temps auquel on les ordonne prêtres. La maison des missions étrangères de Paris entretient un Séminaire dans la capitale du royaume de Siam; et c'est là particulièrement, qu'on envoie les enfans chinois, pour y faire leurs études et s'y former au ministère évangélique on en fait ordinairement de très-bons sujets. Ces prêtres de la nation n'étant point connus pour tels, peuvent faire beaucoup plus de fruits que les Européens. Mais malgré tous nos soins, l'idolâtrie perd infiniment plus d'ames que nous ne pouvons en sauver; car, outre que le nombre des ouvriers apostoliques n'est rien en comparaison du peuple immense de la Chine, les persécutions presque continuelles arrêtent beaucoup les progrès de la prédication. Cependant, le nombre des chrétiens est considérable, et plus que suffisant pour occuper les missionnaires qui travaillent maintenant dans l'empire. Les mandarins, tout ennemis qu'ils sont de notre sainte religion, n'empêchent pas de simples particuliers, et même des familles entières, de venir nous demander le baptême. A la vérité, quand on peut prendre des évêques, on leur tranche la tête, parce qu'on les regarde comme des chefs de révolte: c'est ainsi que celui de Mauricastre a couronné, ces années passées, une mission de trente ans. C'étoit un saint prélat; je viens d'apprendre qu'on travailloit à Rome à sa canonisation. Aussitôt qu'il fut condamné, les chrétiens de l'endroit, qui vouloient avoir des reliques du martyr, convinrent avec un gentil, moyennant une somme d'argent, qu'il iroit

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