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acception plus restreinte, le mot magistrat désigne seulement les membres de l'ordre judiciaire, c'est-à-dire les personnes qui concourent à la distribution de la justice comme juges ou comme membres du ministère public, qui ont, en d'autres termes, le droit de juger ou de requérir un jugement*. Enfin, on entend plus particulièrement par magistrats ceux qui rendent les jugements, c'est-à-dire les juges qui forment la magistrature assise par opposition au ministère public ou magistrature debout; dans cette dernière acception, le mot magistrat désigne les personnes investies de la plus haute fonction sociale, et qui sont, ou, du moins, qui devraient être, à l'abri de la mobilité des institutions politiques. « Il y a, disait Royer-Collard << dans la discussion sur la septennalité, un trait caractéristi« que par où le magistrat se distingue du fonctionnaire : c'est qu'il ne vient pas du pouvoir, comme celui-ci et de ses besoins changeants, mais des institutions perpétuelles et in« dépendantes que le pays possède ». La magistrature ainsi entendue comprend même les juges suppléants bien qu'ils n'exercent qu'accidentellement leurs fonctions". Nous verrons aux nos 158 et 166 jusqu'à quel point le titre de magistrat convient aux prud'hommes et aux juges des tribunaux de com

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merce.

1. Conditions d'aptitude nécessaires pour être magistrat. -106. Les conditions requises pour être admis dans la magistrature sont au nombre de trois : 1° la qualité de citoyen français et la jouissance des droits civils et politiques; 2° un âge déterminé; 3° une instruction juridique et professionnelle suffisante.

Pour

107.1o Jouissance des droits civils et politiques. exercer les fonctions de juge, il faut être citoyen français et jouir pleinement de ses droits civils et politiques: Aucune loi ne formule en termes absolus cette condition. Elle résulte de textes spéciaux, et des principes du droit public qui ne permettent pas à des étrangers de rendre la justice au nom du peuple fran

Bioche, vo Magistrat. Chauveau Adolphe et Faustin Hélie, t. III, no 839. Le nom de magistrat ne convient, suivant Loyseau, qu'au juge qui a la « plénitude de la juridiction et le droit d'ordonner l'exécution de ses jugements » (Des offices, liv. I, ch. vi, nos 47 et suiv.; p. 37); c'est un souvenir de l'imperium du droit romain (Dig., fr. 3, De jurisd., I, 11).

3 Voy. infrà, no 183.

De Barante, La vie Politique de M. Royer-Collard (Paris, 1861), t. 11, p. 225. 5 Voy. infra, nos 115 et suiv.

G. ET C.-B. — I.

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çais, ni à des hommes privés d'une partie de leurs droits de détenir aucune fraction de la puissance publique'. Donc les fonctions judiciaires ne peuvent être conférées à un étranger, fût-il autorisé à fixer son domicile en France : cette autorisation lui procure la jouissance des droits civils2, mais ne lui confère pas la jouissance des droits politiques. Il en est de même du condamné à la dégradation civique comme peine principale, ou à l'une des peines criminelles qui l'entraînent par voie de conséquence, car elle consiste, au premier chef, dans l'exclusion perpétuelle de toute fonction publique'. L'accusé contumax, suspendu de l'exercice de ses droits de citoyen est dans une situation analogue, ainsi que le condamné par contumace à une peine criminelle jusqu'au moment où, cinq ans s'étant écoulés depuis l'exécution par effigie, il tombe sous le coup de la dégradation civique. Enfin, les condamnations à des peines correctionnelles peuvent entraîner, dans les cas prévus par la loi et en vertu d'une disposition spéciale du jugement, l'interdiction de toutes les fonctions publiques et, par conséquent, de celle de magistrat.

Les causes qui interdisent l'accès de la magistrature entraînent également la déchéance de ces fonctions le magistrat qui perd la qualité de Français, qui se trouve en état de contumace, ou qui est sous le coup d'une des condamnations qui viennent d'être énumérées, est destitué de plein droit'.

108. 2° Conditions d'âge. On n'est admis aux fonctions judiciaires qu'à un certain àge, avant lequel la loi ne présume pas qu'un homme ait assez de maturité d'esprit, d'expérience et d'autorité pour les exercer dignement. Cet àge varie suivant l'importance de l'emploi pour être nommé en

France 1

107.1 Vivien, Études administratives, 3o éd. (Paris, 1859), t. I, p. 183.

2 C. civ., art. 13.

3 Demolombe, t. I, no 267. Aubry et Rau, 5° édit., t. I, p. 526.

4 C. pén., art. 34.

5 C. instr. crim., art. 465. C. pén., art. 28.

6 C. pén., art. 42-3o et 43.

7 C. civ., art. 17 et suiv. C. instr. crim., art. 465. C. pén., art. 34-1o et 42-3o, L. 20 avr. 1810, art. 59. Le mandat d'arrêt ou de dépôt et l'ordonnance de prise de corps entraînent de plein droit la suspension provisoire du magistrat prévenu ou accusé d'un crime; s'il s'agit d'un délit, la suspension provisoire ne résulte que du jugement de condamnation, mais elle a lieu immédiatement, même pendant le délai de l'appel (L. 20 avr. 1810, art. 58).

108. Voir pour les colonies infrà, le chapitre spécial consacré à l'organisation judiciaire aux colonies.

juge titulaire ou suppléant dans un tribunal de première instance il faut avoir vingt-cinq ans 2; pour être nommé président ou vice-président d'un tribunal de première instance, ou conseiller de cour d'appel 3, juge de paix, suppléant de juge de paix, il faut en avoir vingt-sept; enfin pour être nommé conseiller à la Cour de cassation, premier président ou président de chambre dans une cour d'appel ou à la Cour de cassation il faut avoir trente ans. Les dispenses d'âge ne sont pas admises en cette matière, car aucun texte ne confère au Gouvernement le droit d'en accorder.

109. 3° Instruction juridique et professionnelle. —1) Magistrats des tribunaux de première instance et des cours d'appel. — a) Diplôme. Stage. Pour être nommé attaché titulaire1 au ministère de la Justice, juge, suppléant ou titulaire dans un tribunal de première instance, conseiller d'appel ou de cassation, en France, Algérie ou Tunisie, il faut justifier du diplôme et grade de licencié en droit et d'un stage de deux ans au barreau d'une cour d'appel 2.

Aux termes de l'art. 22 de la loi du 12 juillet 1905 qui modifie l'art. 64 de la loi du 20 août 1810, le stage de deux ans au barreau n'est pas exigé des juges de paix'qui ont le diplôme de licencié en droit; le stage de deux ans au barreau est remplacé par deux ans de fonctions de juge de paix. Cette dispense et cette assimilation sont tout à fait justifiées, car les fonctions de juge valent plus pour l'instruction professionnelle que le stage au barreau.

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109 bis. b) Examen. Ces conditions ont été jusqu'à ces derniers temps suffisantes. Mais, en plus et en outre de ces

L. 20 avr. 1810, art. 64.

3 L. 20 avr. 1810, art. 64 et 65.

Art. 20, loi 12 juill. 1905.

5 Const. 5 fruct. an Ill, art. 209. L. 24 mess. an IV, art. 3. L. 20 avr. 1810, art. 65.

109. Poste nouveau créé par le décret du 13 février 1908, art. 12.

2 Loi 20 avril 1810, art. 64 et 65.

109 bis. Un décret du 18 août 1905 avait institué un concours pour l'obtention du poste d'entrée dans la magistrature, celui de juge suppléant. Pour être admis à concourir, il fallait justifier. en outre des conditions générales imposées par la loi de 1810, de conditions à très peu près analogues à celles exigées par le décret du 13 févr. 1908. Le programme du concours était aussi fort semblable au programme de l'examen qui le remplace. Un arrêté du 24 juin 1907 (J. off.,

conditions générales, un décret du 13 février 19082 exige que les aspirants magistrals aient subi avec succès les épreuves d'un examen professionnel. Pour être admis à subir cet examen, il faut, mème pour les docteurs en droit, justifier d'un stage d'un an au ministère de la Justice, au parquet de la Cour de cassation, d'une cour d'appel ou d'un tribunal de première classe; ou, à défaut, d'un stage effectif de deux ans, contrôlé et certifié par les présidents de cour ou de tribunal, dans une étude d'avoué. Sont dispensés de tout stage les lauréats des facultés de droit de l'État et les secrétaires de la conférence des avocats de Paris. Ces conditions réunies ', le candidat s'inscrit, en vue de l'examen, au parquet du procureur de la République de son arrondisse. ment; il est l'objet d'une enquête, ou, tout au moins d'un rapport individuel, fait par le premier président; ce rapport est transmis au ministre de la Justice, qui, après enquête supplémentaire s'il y a lieu, accorde ou refuse au candidat le droit de subir l'examen. Le Gouvernement se prémunit ainsi, par avance, et c'est son droit, contre l'éventualité de voir reçu à l'examen et d'être obligé de nommer magistrat, un candidat très ouvertement et très nettement hostile aux institutions républicaines.

Il y a chaque année, à Paris, deux sessions d'examen, une en

25 juin, p. 4400) avait fixé la date du premier concours pour cent places au 27 décembre 1907. Un arrêté ministériel du 10 décembre 1907 l'a supprimé. L'insuffisance du nombre des candidats fut sans doute la cause de la suppression de cette épreuve; un seul candidat était inscrit dans le ressort de la cour d'Aix; mais cette insuffisance elle-même devait être attribuée au vote de la Chambre des députés du 26 février 1907 et à l'adoption de l'ordre du jour suivant : « La Chambre confiante dans le Gouvernement, approuve sa déclaration, prend acte tant du dépôt par lui d'un projet de loi organique sur l'organisation judiciaire que de la déclaration d'urgence sur la proposition de loi Gioux abrogeant l'article 38 de la loi de finances de 1906 ». Cet article 38 est celui qui avait chargé le Gouvernement d'élaborer le décret de 1906. Les députés ne voulurent pas se voir enlever leur influence, quelquefois trop prépondérante, sur la nomination des magistrats. Voy. Delpech, Revue du droit public, 1907, p. 67-91.

2 J. off., 18 février.

3 Art. 2, 3 et 4o.

Pour devenir juge suppléant en Algérie, il faudra produire, en plus, le certificat d'études de législation algérienne, de droit musulman et de coutumes indigènes (Décr. 31 déc. 1889,; en Tunisie, il faudra subir un nouvel examen portant sur les difficultés de la législation tunisienne dont le programme sera déterminé par décret. Cette condition supplémentaire n'est pas imposée aux juges de paix ou à leurs suppléants ayant quatre ans de fonctions rétribuées d'Algérie ou de Tunisie. V. infrà, le chapitre spécial consacré à l'organisation judiciaire aux Colonies.

5 En fait, notamment à l'occasion de l'examen de novembre 1909, on a refusé à certains candidats le droit de se présenter.

avril, l'autre en novembre. Elle est annoncée trois mois au moins à l'avance par arrêté ministériel. Dans le mois de cet arrêté ministériel les candidats doivent s'inscrire ".

L'examen imposé à tous les candidats comprend une composition écrite sur des matières de pratique judiciaire et des épreuves orales d'une heure au maximum comportant un exposé et des interrogations de droit civil, de droit criminel et des questions d'administration judiciaire".

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Un arrêté ministériel en date du 29 févr. 1908 3, a précisé ce programme. La composition écrite sur des questions de pratique judiciaire peut porter sur les livres I en entier et III titres 1, 2, 3, 4, 9, 20 du Code civil; sur les titres 8 et 9 du livre Il et le titre 7 du livre V du Code de procédure civile, les livres I et II et le titre 1, chap. 3, sect. 4 et 5 et le titre 2 du livre III du Code pénal, les livres I et II tit. 1, chap. 2; tit. 3, chap. 1 et 3, titre 7, ch. 4 et 5 du Code d'instruction criminelle, les livres I tit. 3 et III du Code de commerce. Le sujet est tiré au sort sur trois sujets choisis, le matin, par le jury, pour chaque série de 25 candidats. Trois heures sont accordées pour la composition. Les sujets de l'exposé oral, enfermés dans des enveloppes cachetées sont tirés au sort par le candidat et lui sont remis une heure seulement avant l'épreuve, cet exposé ne doit pas durer plus de dix minutes. Les Codes seuls sont laissés, pour la préparation, à la disposition des candidats. Les épreuves orales sont publiques. Le programme des interrogations est indiqué dans l'art. 9. Une question est posée sur le droit civil ou le droit commercial, ou la procédure civile 10; une seconde question est posée sur le droit fiscal ou l'instruction criminelle 11. Une troisième se réfère à un certain nombre de matières spéciales énumérées dans l'art. 9 12. Toutes les épreuves sont cotées de 0 à 10, avec les coefficients 4 pour la composition écrite,

Art. 3 et 4 du Dec. 13 févr. 1908.

7 Art. 7 du même décret.

J. off., 1er mars 1908, p. 518.

9 Art. 5, 6, 7, 8 de l'arrêté.

10 Mêmes matières que celles indiquées pour la composition écrite.

11 Même observation.

12 Principe de la séparation des pouvoirs. tence. Conflits.

Organisation judiciaire. Compé

L. 8 déc. 1897 sur l'instruction préparatoire.

- Assistance ju

diciaire. - - Exécution des peines et de la contrainte par corps. . L. 24 juill. 1889, sur la protection des enfants.

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L. 2 juill. 1907, sur la tutelle des enfants
Syndicats profes-

naturels. Régime des aliénés. Accidents du travail.
sionnels.
trôle et surveillance des officiers publics et ministériels.

- Associations. Loi de 1881 sur la liberté de la presse. Con

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