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XXIII. JOUR D'OCTOBRE.

SAINT THÉODORET

PRETRE, MARTYR.

Tiré de fes Actes authentiques, dont il eft fair
mention dans Sozomene, 1. 5. c. 8. & dans
Théodoret, 1. 3. c. 13. Ils ont été publiés par
Mabillon, Vet. Analect. T. 4. p. 127. & par
Ruinart, Act. finc. p. 592. Voyez Baillet, &c.
L'AN 362.

J

ULIEN, oncle de l'Empereur de ce nom, & Apoftat comme lui, étoit devenu Comte ou OCTOв. 23 Gouverneur de l'Orient, dont Antioche étoit la capitale. Ayant appris qu'il y avoit une grande quantité de vafes d'or & d'argent dans le tréfor des principales Eglifes des Catholiques, il réfolut de s'en emparer; & pour y parvenir plus facilement, il publia un Edit qui banniffoit tous les Eccléfiaftiques de la ville. Le faint Prêtre Théodoret qui, durant le regne de l'Empereur Conftance, avoit montré beaucoup de zele pour la deftruction des Idoles, & qui avoit bâti des Eglifes & des Oratoires fur les tombeaux des Martyrs, étoit chargé de la garde des vafes facrés qui appartenoient aux Catholiques (a). Il ne voulut point abandonner ceux qu'on lui avoit confiés ; & il continua d'affembler les Fideles

(a) La grande Eglife étoit alors entre les mains des Ariens. Ainfi Théodoret n'étoit le garde que du tréfor de quelques Eglifes des Catholiques. V. Théodoret, 1. 3. c. 8. & les Bollandiftes. T. 3. Maii, in Tr. prælim. p. 9. n. 34.

pour les inftruire, & pour offrir le facrifice. Le OCTO. 23. Comte Julien le fit arrêter, & on le lui amena

les mains liées derriere le dos. Lorfqu'il le vit devant lui, il lui fit des reproches fur ce qu'il avoit renversé les ftatues des Dieux, & bâti des Eglifes fous le regne précédent. Théodoret avoua tout; mais en même temps il dit à Julien qu'il avoit autrefois adoré le Dieu des Chrétiens, & qu'en abandonnant fon culte, il s'étoit rendu coupable de la plus criminelle apoftafie. Le Comte ordonna qu'on le battît fous la plante des pieds, & qu'on le frappât au vifage. Enfuite il le fit attacher à quatre pieux, & on lui tira les jambes & les bras avec des cordes & des poulies. Ses os furent tellement difloqués & fes nerfs fi allongés, que fon corps paroiffoit avoir huit pieds de long. Julien le railloit pendant tout ce tempslà. Mais le Martyr l'exhortoit à rentrer en luimême, & à rendre gloire au vrai Dieu & à Jefus Chrift fon Fils, par qui toutes chofes ont été faites. On l'étendit fur le chevalet ; & tandis que fon fang ruiffeloit de toutes parts, Julien lui difoit,, Je vois que vous ne fentez point affez vos tourmens. Je ne les fens point, ré"pondit le Martyr, parce que Dieu eft avec

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moi". Le Comte lui fit appliquer des torches ardentes fur les côtés. Durant cette horrible torture, le Saint levoit les yeux au ciel, & prioit Dieu de glorifier fon nom dans tous les fiecles. A ce moment les bourreaux tomberent le vifage contre terre. Le Comte lui-même fut d'abord effrayé; mais, reprenant fon caractere cruel, il ordonna aux bourreaux d'appliquer de nouveau leurs torches contre le corps du Martyr. Ceuxci refuferent d'obéir, en difant qu'ils avoient vu des Anges s'entretenir avec Théodoret. Julien,

furieux,

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furieux, commanda qu'on allât les précipiter dans la mer. Devancez-moi, mes freres, leur dit ocTUR. 23, Théodoret. Je vous suivrai en vainquant l'ennemi"; & comme Julien demandoir quel étoit cet ennemi :,, C'eft, reprit le Martyr, le Démon » pour lequel vous combattez. Jefus Chrift le

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Sauveur du monde, eft celui qui donne la vic,, toire". Il expliqua enfuite comment Dieu avoit envoyé fon Verbe dans le monde ; de quelle maniere le Verbe s'étoit revêtu de la nature humaine dans le fein d'une Vierge, pour fauver les hommes par fes fouffrances & fa mort. Julien, qui ne pouvoit plus contenir fa fureur, menaça Théodoret de lui ôter la vie fur-le-champ. ,, C'est tout mon défir, lui dit le Saint. Pour ,, vous, vous mourrez dans votre lit, en fouffrant d'horribles tourmens. Votre maître, qui fe flatte de vaincre les Perfes, fera lui-même vaincu; une main inconnue lui ôtera la vie, & il ne verra plus les terres des Romains". Le Comte condamna le Saint à être décapité, & la Sentence fut exécutée en 362. Notre Sainc eft nommé Théodore ou Théodoric en quelques endroits; mais fon vrai nom eft Théodoret.

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Le jour même du martyre de ce Saint, Julien, conformément à l'ordre que lui avoit donné l'Empereur, fe transporta dans la grande Eglife d'Antioche, pour en enlever les effets. Il étoit accompagné de deux. autres Apoftats, Félix & Elpidius, qui occupoient l'un & l'autre des places diftinguées à la Cour. Les vafes facrés furent profanés de la maniere la plus indigne (2). Mais les indignités de ces Apoftats ne

(1) Voyez Tillemout, Hift. Eccl. T. 7. p. 395. & les
Remarques de Jortin fur l'Hist. Eccl. vol. 3. p. 277.
Tome X.
V

refterent pas long-temps impunies. Le Comte OCTOB. 23. Julien paffa la nuit fuivante dans des inquiétudes mortelles. Le lendemain matin, il préfenta à l'Empereur un Inventaire de tous les effets qu'il avoit enlevés aux Chrétiens ; & il raconta ce qu'il avoit fait par rapport à Théodoret. Il s'imaginoit faire par-là fa cour à l'Empereur. Mais le Prince lui dit ouvertement qu'il n'approuvoit point que l'on mît les Chrétiens à mort pour caufe de Religion; c'est donner, dit-il, de l'avantage aux Chrétiens contre nous ; & ils ne manqueront pas de faire de Théodoret un Saint & un Martyr. Le Comte, qui ne s'attendoit point à ce reproche, reita confondu. Saifi de crainte, il ne mangea prefque rien des viandes du facrifice, auquel il avoit affifté avec l'Empereur. Il fe retira dans fa maifon tellement troublé, qu'il ne put prendre aucune nourriture. Le foir, il reffentit une violente douleur d'entrailles; fes inteftins fe corrompirent, & il vomiffoit les excrémens par la bouche. Il fe forma dans les parties corrompues une quantité prodigieufe de vers; & tout l'art des Médecins fut inutile. Quand on appliquoit des remedes pour faire périr les vers, ils s'enfonçoient plus avant, & pénétroient jufqu'à la chair vive; ils alloient dans l'eftomac, & fortoient de temps en temps par la bouche. On lit dans Philoftorge que le Comte Julien fut quarante jours fans parole & fans connoiffance. Il revint enfuite à lui-même, reconnut fon impiété dont il recevoit le châtiment, conjura fa femme, qui étoit Chrétienne, de prier & de faire prier pour lui. Il conjura auffi l'Empereur de rendre aux Chrétiens leurs Eglifes, & de leur permettre de les ouvrir. Mais le Prince ne voulut point lui accorder ce qu'il demandoit; &

comme le malheureux Comte infiftoit, fe fondant fur ce qu'il n'avoit quitté le Chriftianifine OCTUB. 23. que par complaifance, l'Empereur ne lui fit que cette réponse:,, Vous n'avez point été fidele

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aux Dieux; & voilà pourquoi vous fouffrez de fi grandes douleurs". Enfin le Comte fe vit bientôt à l'extrémité. Les trois derniers jours de fa vie, il s'exhala de fon corps une puanteur qu'il ne pouvoit fupporter lui-même. L'Empereur le regretta peu, & continua de dire que le malheur dont fon oncle avoit été affligé, venoit de ce qu'il n'avoit point fervi les Dieux avec affez de fidélité. Félix & Elpidius eurent également une fin malheureufe. L'Empereur lui-même ayant été bleffé en Perfe d'un trait lancé par une main inconnue, prit de fon fang & le jetta vers le ciel, en difant:,, Tu me pourfuis donc encore, Galiléen? Raffafie-toi de mon fang, & glorifie-toi de m'avoir vaincu". On le porta dans un village voifin, où il expira quelques heures après, le 26 Juin 363, felon l'Auteur des Actes de nos faints Martyrs, lequel ajoute Nous étions avec lui dans le Palais à Antioche & en Perfe. Théodoret & Sozomene font du même fentiment. Mais on lit dans Philoftorge, que Julien adreffa les paroles que nous avons rapportées, au Soleil, le Dieu des Perfes, & qu'il mourut en blafphémant fes propres Dieux.

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De quelle horreur le pécheur n'eft-il pas faifi, quand la vengeance divine éclate fur lui, ou qu'il fe trouve dans les angoiffes de la mort! Enivré par la prospérité, il semble n'être occupé fur la terre qu'à s'oublier lui-même. S'il eft affez. malheureux que de tomber dans l'infenfibilité, fes frayeurs n'en font que plus vives lorsqu'il eft

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