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les Princes Catholiques à réunir leurs forces, & OCTOB. 23. il envoya Jean de Capiftran prêcher une Croifade dans l'Allemagne & la Hongrie. Mahomet, après la prife de Conftantinople, comptoit que la conquête de l'Empire d'Occident lui coûteroit peu, & il fe regardoit déja comme maître de toute la Chrétienté. Ainfi, ne doutant point qu'il ne dût bientôt arborer le Croiffant Ottoman dans

dée, parce qu'il n'étoit point en état de la défendre. Les deux fucceffeurs immédiats de Mahomet; favoir, Amurat II & Mahomet II, furent les plus fameux Conquérans que la nation des Turcs eût jamais produits. Le premier fut cependant battu par Huniade & Scanderbeg. Huniade défit deux armées qu'il envoya dans la Hongrie, en 1442, & fit faire une paix avantageufe au Roi Ladiflas IV. Mais ce Prince, comptant fur la Croisade, viola le Traité, de l'avis du Cardinal Julien, fous le faux prétexte que les Infideles ne gardoient les Traités qu'autant que leur intérêt s'y trouvoit; comme fi l'injustice des autres pouvoit être jamais une excufe légitime. Au refte, cette perfidie ne fut point impunie car, tandis que le brave Huniade mettoit en déroute l'aile gauche des Turcs dans les plaines de Varne en Bulgarie, en 1444, le Roi par fa témérité perdit la bataille & la vie. Il eut pour fucceffeur Ladiflas V,

fils d'Albert d'Autriche, lequel n'avoit encore que cinq ans. On confia le gouvernement du royaume à Huniade, & il fut le défendre par fa valeur.

Dans le même temps régnoit en Epire le fameux George Caftriot, appellé per les Turcs Scanderbeg; c'eftà-dire, SEIGNEUR ALEXANDRE. Il étoit fort connu de ces peuples, chez lefquels il avoit été en ôtage pendant fa jeuneffe. Ses exploits & fes victoires fur Amurat & Mahomet font très-célebres. Etant au lit de la mort, il mit fes enfans fous la protection des Vénitiens: mais fes Etats furent envahis par les Turcs peu de temps après. On peut voir fa Vie, par Marin Barlet, Prêtre d'Epire, lequel étoit contemporain. Le Pere Poncet, Jéfuite François, a donné aufli la Vie de Scanderbeg, en 1609.

Mathias Corvin, fils du brave Huniade, fut élu Roi de Hongrie en 1458. Tant qu'il vécut, il garantit fes Etats des infultes des Infi deles.

les villes de Vienne & de Rome, il fit avancer fon armée dans la Hongrie, & mit le fiege devant OCTOB, 23, Belgrade, le 3 Juin 1456. Le Roi Ladiflas s'enfuit de Vienne. Mais le brave Jean Corvin, communément appellé Huniade, Vaivode de Tranfylvanie, & Gouverneur de Hongrie, lequel avoit fi fouvent battu les Turcs fous Amurat, raffembla toutes fes forces le plus promptement qu'il lui fut poffible. En même temps, il envoya prier Jean de Capistran de faire preffer la marche des Croifés qu'il avoit engagés à prendre les armes. Cependant les Turcs couvrirent le Danube de vaiffeaux d'une conftruction particuliere & adaptée à ce fleuve, fur lefquels ils embarquerent de vieilles troupes accoutumées à vaincre. Huniade, à la tête d'une flotte compofée de vaiffeaux plus légers, & conféquemment en état de mieux manœuvrer, attaqua les Infideles & les vainquit, puis entra dans la petite ville fituée au confluent du Danube & de la Save. Jean de Capiftran qui étoit avec lui, animoit les foldats au milieu des dangers, tenant à la main une Croix qu'il avoit reçue du Pape. Les Turcs revinrent à la charge, & réfolurent d'emporter la ville. Quoique repouffés avec de grandes pertes, ils ne reculoient point, & paffoient fur les cadavres de leurs compatriotes étendus çà & là. Une telle opiniâtreté ramenoit la victoire fous leurs étendarts, & déja les Chrétiens prenoient la fuite. Lorfque tout paroiffoit défefpéré, le Saint fe montra dans les premiers rangs, avec fa Croix à la main. Il exhorta les foldats à vaincre ou à mourir, en répétant ces paroles: Victoire, Jefus, victoire. Les Chrétiens animés fondent fur les Infideles, les précipitent des remparts de la ville, & les taillent en pieces. Mahomet veut inutilement rallier fes troupes qui fuient de toutes parts; elles

font infenfibles aux promeffes & aux menaces. Il OCTOB, 23. eft bleffé lui-même, & obligé de lever honteufement le fiege. La précipitation avec laquelle il se retira, ne lui permit point d'emporter fon artillerie, ni fes bagages. Les Hiftoriens attribuerent cette victoire autant au zele & à l'activité de Jean de Capiftran, qu'à la conduite de Huniade.

Ce Prince tomba malade des fatigues de cette pénible campagne, & mourut à Zemplin, le 10 Septembre de la même année. Il voulut aller recevoir le Saint Viatique à l'Eglife, difant qu'il ne méritoit pas que le Roi des Rois vint dans fa maifon. Jean de Capiftran qui l'avoit affifté dans fa maladie, prononça fon éloge funebre. Le Pape Calixte III fut très-affligé de la mort de ce héros, & tous les Chrétiens la pleurerent. Mahomet lui-même le regretta, & dit qu'il ne reftoit plus fur la terre de Prince digne de lui.

Saint Jean de Capiftran furvécut peu de temps à Huniade. Il fut attaqué d'une complication de maux qui termina fa vie dans le Couvent de Willech ou Willack, près de Sirmich. Le Roi, la Reine, & un grand nombre de Princes & de Princeffes vinrent le vifiter dans fa derniere maladie. Sa patience & fa réfignation édifioient tout le monde. Son humilité lui faifoit confeffer publiquement fes fautes. Il reçut le Saint Viatique & l'Extrême-Onction avec la plus grande ferveur. Sans ceffe il répétoit que Dieu ne le traitoit pas comme il le méritoit. Il expira tranquillement le 23 Octobre 1456, à l'âge de foixante-onze ans. Les Turcs s'étant emparés de Willech, on porta fon corps dans une autre ville. Les Luthériens pillerent depuis fa Châffe, & jetterent fes Reliques dans le Danube. Mais on les en retira, & on les garde encore aujourd'hui. Le Pape Léon X

approuva

approuva un Office en l'honneur du Serviteur de Dieu, pour la ville de Capiftran, & pour le OCTOB. 23. Diocèfe de Sulmone. Alexandre VIII le béatifia en 1690, & Benoît XIII publia la Bulle de canonifacion en 1724 (1).

SAINT IGNACE, PATRIARCHE DE CONSTANTINOPLE: Tiré de fa Vie, écrite avec élégance par Nicétas David qui l'avoit connu, & qui occupa fucceffivement les Sieges de Paphlagonie & de Conf tantinople; de Zonare, de Cedrene, & du huitieme Tome des Conciles. Voyez le P. Alexandre, Diff. 4. in Sec. 9 & 10. la nouvelle édition de Baronius, donnée à Lucques par Veturini; le P. le Quien, Or. Chr. in Ignatio & Photio, T. 1. p. 246, &c.

L'AN 878.

L'ORIGINE du Schifme des Grecs commencé
par Photius, qui perfécuta faint Ignace, & qui
ufurpa fon Siege, fait de la Vie de ce Saint une
partie très-intéreffante de l'Hiftoire Eccléfiaftique.
Il étoit d'une naiffance illuftre; il eut pour mere
Procopie, fille de l'Empereur Nicéphore. Michel,
pére d'Ignace, fut d'abord Curopalate ou Maître
du Palais; & à la mort de Nicéphore, qui fut
tué par les Bulgares, on l'éleva lui-même fur le
trône impérial. Sa douceur & fa piété annon-
çoient qu'il feroit le bonheur de l'Eglife & de
l'Etat, mais le monde ne mérita pas d'être gou-
verné par un fi bon Prince. Léon l'Arménien,
Général de l'armée, s'étant révolté, il quitta de
(1) Bullar. Roman. T. 13. p. 34.
Tome X.

X

lui-même, pour éviter les malheurs d'une guerre OCTOB. 23. civile, la pourpre qu'il n'avoit portée qu'un an & neuf mois. Il avoit trois fils dont un mourut l'année suivante, & deux filles. Accompagné de l'Impératrice & de fes enfans, il fe retira dans les Ifles Princeffes, & tous embrafferent l'état monaftique. Théophilacte, l'aîné de fes fils, pric le nom d'Euftrate, & l'autre qui fe nommoit Nicétas, voulut être appellé Ignace. Ce dernier avoit alors quatorze ans. C'eft celui dont nous écrivons la Vie. Michel fut nommé en Religion Atha nase, & il vécut encore trente deux ans ; c'està-dire, jufqu'en 845. Le nouvel Empereur, pour n'avoir rien à craindre, fépara cette vertueufe famille; il affigna une demeure différente à chacun de ceux qui la compofoient, & les fit tous garder exactement; il fit les deux jeunes Princes eunuques, pour qu'ils ne puffent laiffer de poftérité.

Ils furent tous tranquilles fous les regnes de Léon l'Arménien, de Michel le Begue, & de Théophile; & ils vécurent uniquement occupés des pratiques de la piété & des exercices de la pénitence. Soumis à la divine Providence qui difpofe de tous les événemens pour fa gloire & pour le falut des Elus, ils goûtoient dans la folitude des confolations inconnues à la Cour des maîtres de la terre. Ils régloient leurs penchans d'après les maximes de l'Evangile, & ils étoient dédommagés des efforts qu'ils faifoient pour vaincre la concupifcence, par une paix intérieure que rien n'étoit capable de troubler. Ignace, à la vérité, avoit beaucoup à fouffrir; il vivoit dans un Monaftere dont l'Abbé étoit Iconoclaste, & d'un caractere violent. On tendit des pieges à la foi, mais il fut les éviter; & il continua de fe déclarer ouvertement pour la doctrine de l'Eglife. Il fit fervir à fa fanctification les épreuves

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