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fe plaifoit fur-tout au Mont Varalli, fitué dans le Diocéfe de Novarre, fur les frontieres de la Nov. 4. Suiffe. Les Mysteres de la Paffion y font repréfencés dans différentes Chapelles, dont l'architecture eft eftimée, ainfi que celle de l'Eglife qui eft deffervie par les Francifcains. Il s'y rendic en 1584, avec le P. Adorno, auquel il vouloit faire fa Confeffion annuelle, & qui devoit lui propofer les points de fes méditations. Il avoic prédit à plufieurs perfonnes que le moment de fa mort approchoit auffi pendant fa retraite, redoubla-t-il de ferveur dans fes auftérités & dans fes autres exercices. Il y parut plus que jamais absorbé en Dieu, & dégagé de toutes les chofes de la terre. L'abondance de fes larmes l'obligeoit fouvent de s'arrêter durant la célébration de la Meffe. Un Evêque dépofa depuis, 'qu'il vic un jour à l'Autel fon vifage rayonnant de lumiere; ce qui venoit fans doute de la lumiere intérieure qui rempliffoit fon ame, & ce qui fembloit être un préfage de la gloire dont il alloit être couronné. Le Saint paffa la plus grande partie de fon temps dans la Chapelle, dite de la Priere au Jardin, & dans celle du Sépulcre. Là, il fe mettoit dans un état de mort avec le Sauveur, par un parfait renoncement à lui-même ; il demandoit avec inftance que tout ce qui reftoit en lui de la vie d'Adam, pût être entiérement détruit par la mort du Fils de Dieu.

Le 24 d'Octobre, il fut pris d'une fievre tierce, qu'il cacha; le 26, il eut un fecond accès, & il abrégea fes prieres, par l'ordre du P. Adorno. Il confentit auffi à laiffer mettre un peu de paille fur les planches qui lui fervoient de lit, & à prendre une nourriture plus analogue à fon état. Le cinquieme jour de fa retraite, il pria huit heures à genoux avec tant de ferveur,

qu'il ne s'apperçut point de la longueur du temps. NOV 4. Il fit enfuite fa Confeffion annuelle, & le len

demain, qui étoit le 29 d'Octobre, il partit pour Arone, & defcendit chez le Curé, où il prit une panade. Quoiqu'il fût nuit, il paffa le Lac pour aller mettre la derniere main à la fondation du College d'Afcone. Il repofa un peu dans la barque, & expédia fes affaires le lendemain matin. Il retourna par eau à Conobbio, malgré la fievre qui étoit revenue. Le lendemain i fe rendit à Arone; & comme c'étoit la veille de la Touffaints, il jeûna à fon ordinaire. Il prit cependant les remedes que les Médecins lui avoient prefcrits. Au lieu de loger au Château, comme René Borromée fon parent l'en preffoit, il alla chez les Jéfuites, où il paffa la nuit affez tranquillement. A deux heures du matin, il fe leva pour prier, felon la coutume; il fe confeffa enfuite, & dic la Meffe. Les Médecins lui défendirent de fortir, parce que c'étoit le jour de la fievre, & lui firent boire une grande quantité de tifane. Mais cette tifane eut un effet tout contraire à celui qu'on attendoit. La fievre augmenta & devint continue.

Le jour des Morts, il fe fit porter en litiere à Milan; on appella les plus habiles Médecins, & il promit d'exécuter fidelement tout ce qu'ils lui prefcriroient. Sa maladie fut jugée très-dangereuse. La fievre ayant beaucoup diminué, le lendemain on conçut de grandes efpérances. Charles ne donna aucuns fignes de joie à cette nouvelle; il continua fes exercices, en quoi il fe faifoit aider par des perfonnes pieufes, & fur-tout par les PP. Adorno & Charles Bofcapé. Le redoublement de la fievre s'annonça par des fymptômes fi fâcheux, que les Médecins perdirent toute efpérance. Il l'apprit avec une tranquillité furprenante, & demanda

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les Sacremens de l'Eglife qu'il reçut avec la plus grande ferveur. Il expira au commencement de Nov. la nuit du trois au quatre Novembre, en prononçant ces mots, Ecce venio, voilà que je viens. Par fon Teftament, il laiffa fon argenterie à fa Cathédrale, fa bibliotheque à fon Chapitre, fes manufcrits à l'Evêque de Verceil, & inftitua l'Hôpital-Général fon héritier. Il régla ses funérailles, & ordonna qu'on les fît avec la plus grande fimplicité. Il choifit pour fa fépulture un caveau qui étoit auprès du Choeur, & ne voulut d'autre Infcription que celle qui fe lit encore aujourd'hui fur une petite pierre de marbre, & qui eft conçue en ces termes :,, Charles, Cardinal du Titre de Sainte Praxede, Archevêque de Milan, implo rant le fecours des prieres du Clergé, du peuple, & du fexe dévot, a choifi ce tombeau, de fon ,, vivant". On y fit cette addition,, Il vécut qua

rante-fix aris, un mois & un jour il gouverna ,, cette Eglife vingt-quatre ans, huit mois, vingt,, quatre jours, & mourut le 4 Novembre 1584":

Peu de temps après la mort, le P. Adorno eut un fonge, où il le vit environné de lumiere & de gloire; & le Saint lui dit :,, je fuis heu,, reux vous me fuivrez bientôt ". Adorno raconta ce fait à plufieurs de fes amis, & l'artefta une fois publiquement en prêchant. Il retourna à Genes fa patrie, & y mourut peu de temps après en odeur de fainteté (13).

Il s'opéra plufieurs guérifons miraculeufes par l'interceffion & par la vertu des Reliques du ferviteur de Dieu (14). En 1601, le Cardinal Baronius, Confeffeur de Clément VIII, envoya au Clergé de Milan un ordre de Sa Sainteté,

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pour qu'on fubftituât la Meffe du Saint à celle NOV. 4. de Requiem, que Charles lui-même avoit fon

dée à perpétuité dans le grand Hôpital, & qui devoit fe dire tous les ans le jour anniversaire de fa mort. Neuf ans après, le vénérable Archevêque fut canonifé folemnellement par le Pape Paul V. Ses Reliques, renfermées dans une Châffe très-précieuse, font préfentement dans une magnifique Chapelle fouterraine, bâtie fous la coupole de la Grande Eglife. L'Autel de cette Chapelle eft d'argent maffif, & la plus grande partie de la voûre eft revêtue de plaques du même métal. On y entretient nuit & jour plufieurs lampes d'or & d'argent. On y voit auffi de riches préfens, faits par des Princes, des Cardinaux & des Evêques. Nous apprenons de Guiffano (15), que ces préfens, dans l'efpace de huit années, monterent à plus de cent cinquante mille écus d'or, indépendamment des étoffes précieufes & des autres ornemens de la Chapelle. C'eft ainsi qu'eft honoré fur la terre celui qui méprifa le monde pour Jesus-Christ.

Dieu fufcita faint Charles Borromée pour faire revivre l'esprit eccléfiaftique parmi le Clergé. Les Prêtres font appellés le fel de la terre; & c'eft à eux qu'il eft réfervé de préferver le monde de la corruption, en infpirant l'amour & la pratique des vertus chrétiennes. Mais comment les infpireront-ils s'ils n'en font eux-mêmes des modeles? De quoi leur ferviroit-il d'en connoître feulement les noms? Etre détaché du monde, être mort à foi-même, aimer la retraite, être toujours occupé de la gloire du Pere célefte, voilà ce qui caractérise les vrais Miniftres de la nouvelle Loi. Tels furent les Pafteurs qui formerent tant de

(15) L. 7. c. 18. p. 336.

Saints. La réformation des mœurs du peuple dépend en grande partie de la réformation de Nov. 4. celles du Clergé. Il faut que le jugement commence par la maifon de Dieu (17). Les Clercs, comme l'annoncent & le nom qu'ils portent, & l'office qu'ils rempliffent, doivent être féparés du peuple, non-feulement par leur éducation & leur miniftere, mais encore par leur maniere de vivre & de converfer parmi les hommes. Mais s'ils ne prennent de fages mefures, l'efprit propre de leur état fe perdra bientôt ; à force de fréquenter le monde, ils en contracteront les vices, & on pourra malheureusement leur appliquer ces paroles du l'rophete Le Prétre fera comme le peuple (18).

(17) 1. Petr. IV. 17. (18) Ifa. XXIV. 2.

LE MEME JOU R.

S. VITAL ET S. AGRICOLE,

MARTYRS.

Nous apprenons de faint Ambroife, qu'Agri

cole étoit un Gentilhomme de Bologne, qui par fes vertus fe faifoit aimer des Païens mêmes parmi lefquels il vivoit. Il inftruifit dans la Religion Chrétienne, Vital fon efclave. Ils furent arrêtés l'un & l'autre, durant la perfécution de 304; c'eft du moins l'opinion la plus probable. Vital fut le premier qu'on appliqua à la torture; il ne ceffa de louer Dieu tant qu'il put faire ufage de fa langue. Voyant enfin que tout fon corps étoit couvert de fang & de bleffures, il pria JefusChrift de lui donner la couronne qu'un Ange lui avoit montrée. Sa priere finie, il rendit l'efprit. On différa l'exécution d'Agricole, dans l'efpé

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