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surrection; vous traversez le siècle sans être souillées par sa corruption, égales aux anges eux-mêmes, lorsque vous êtes fidèles à vos engagements. Appliquez-vous seulement à les remplir; persévérez dans vos généreuses résolutions, sans rechercher jamais d'autres ornements que ceux de la vertu. Que vos yeux, sans cesse fixés sur Dieu et sur le ciel, ne s'abaissent jamais sur les concupiscences de la chair et d'un monde terrestre. Un premier oracle recommanda aux hommes de croître et de multiplier'; un nouvel oracle leur apprit les priviléges de la chasteté. Le monde, à ses commencements, avait besoin de se propager par la voie de la génération. Aujourd'hui que le genre humain s'est étendu jusqu'aux extrémités du monde, ceux qui peuvent supporter la continence se font eunuques spirituels 2. Le Seigneur ne nous y oblige pas, mais il nous y invite; il n'y a point là de commandement absolu, mais un choix déterminé par l'exercice d'une volonté libre. Parmi les habitations diverses dont se compose le royaume de Dieu son père, Jésus-Christ nous indique la meilleure. C'est à celle-là que vous tendez, assurées que le sacrifice des désirs charnels vous méritera dans le ciel les plus précieuses faveurs de la grâce. Tous ceux qui sont admis au saint baptême déposent le vieil homme dans son eau régénératrice, où, renouvelés par la grâce de l'Esprit divin, ils sont lavés de l'antique souillure, ils reçoivent une autre naissance spirituelle. Non moins heureuses, vierges chrétiennes, vous recevez dans votre consécration le sceau d'une nouvelle naissance par un sureroît de sainteté qui vous dégage des impressions de

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la chair et des sens, et laisse à votre vertu l'exercice nécessaire pour parvenir à la gloire du triomphe. Écoutons l'Apôtre que le Seigneur appelle son vase d'élection, envoyé par lui pour répandre sur la terre ses divins commandements: Le premier homme, dit-il, est le terrestre, formé de la terre; et le second est le céleste, qui vient du ciel. Comme le premier homme a été terrestre, ses enfants sont aussi terrestres; et comme le second homme est céleste, ses enfants sont aussi célestes. Comme donc nous avons porté l'image de l'homme terrestre, portons aussi l'image de l'homme céleste'.

Telle est l'image que réfléchit la virginité; l'image que portent, imprimée sur leurs personnes, les vrais disciples de Jésus-Christ, fidèles aux lois de la justice et de la religion, fermes dans la foi, humbles avec crainte, forts dans toutes les épreuves, faciles à pardonner, à exercer la miséricorde, unis entre eux par le lien d'une réciproque charité. Tels sont les devoirs que vous avez à remplir, mes chères filles; qu'ils vous soient chers, inviolables. Libres de tout autre service que de celui qui vous attache à Dieu et à Jésus-Christ, vous marchez devant les autres comme la plus grande et la meilleure part du troupeau, et les menez au Seigneur, à qui vous vous êtes consacrées. Que celles d'entre vous qui approchent du terme de la carrière y dirigent et y soutiennent celles qui en sont plus éloignées; qu'il y ait entre les unes et les autres une sainte émulation de vertu et de bonnes œuvres pour arriver à la gloire céleste. Du courage, de la persévérance: avec cela l'on arrive heureusement. Tout ce que je vous demande pour

I Cor., XV, 47-49.

moi, c'est que vous ne m'oubliiez' point dans le lieu où vous recevrez la récompense de la virginité ".

a Cum incipiet in vobis virginitas honorari. Ces derniers mots laissent quelque obscurité. Certains commentateurs y découvrent l'annonce d'une persécution prochaine à laquelle saint Cyprien veut que les vierges chrétiennes se préparent par les exercices de la pénitence: Ad martyrium præparat disciplina continentiæ, dit Fell. Ce n'est là qu'une conjecture. L'Eglise était en paix lorsque cet écrit fut composé. Dèce ne régnait pas

encore.

II.

DE CEUX QUI SONT TOMBÉS DURANT LA persécutioN a.

La paix a donc été rendue à l'Église, nos trèschers frères; et ce qui paraissait naguère difficile aux incrédules, impossible aux apostats, la justice toute-puissante du Dieu vengeur l'a opéré. Nous respirons enfin; nos cœurs peuvent se rouvrir à la joie. L'orage qui grondait sur nos têtes et les vapeurs sombres dont nous étions enveloppés se sont dissipés, et nous voyons luire les rayons d'un jour plus serein. Au Seigneur en appartient la gloire; que notre re

a Le titre général de ce traité porte de Lapsis. Par ce mot l'antiquité chrétienne entendait particulièrement ceux dont la foi avait succombé durant la persécution. On en comptait de plusieurs classes: 1° ceux qui, amenés devant le magistrat et présentés devant un autel idolâtre, avaient brûlé de l'encens ou sacrifié, thurificati, sacrificati; 2° ceux qui, joignant le blasphème à l'infidélité, avaient chargé d'opprobres le nom de Jésus-Christ, apostatæ ; 3o ceux qui n'avaient point sacrifié, mais avaient reçu des billets attestant qu'ils l'avaient fait, libellatici.

La persécution suscitée par l'empereur Dèce dès le commencement de son règne, en 249, avait fait, dit Tillemont, non-seulement beaucoup de martyrs et de confesseurs, mais un beaucoup plus grand nombre d'apostats ou de tombés (Mém. ecclés., t. 4, pag. 62). Saint Cyprien, qui n'y avait échappé que par une protection spéciale de la divine miséricorde, n'avait pas

connaissance en rapporte l'hommage à sa bienfaisante miséricorde. Au sein même de la persécution, nos voix n'avaient pas cessé de lui adresser nos actions de grâces car la puissance donnée à l'ennemi n'ira jamais jusqu'à pouvoir nous empêcher, nous qui aimons le Seigneur de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces, de le louer, de célébrer sa gloire en tout temps et en tout lieu. Oui, le voilà ce jour que tous les vœux appelaient, et la triste, l'effroyable obscurité où nous étions plongés a cédé enfin à l'éclat de la lumière que le Seigneur vient de répandre sur tout l'univers.

Quelle joie pour nous de contempler ces illustres confesseurs dont la foi courageuse s'est montrée avec tant de gloire, de leur témoigner par nos saints embrassements et le regret de leur séparation et le désir où nous étions de les revoir! Les voilà ces généreux athlètes de Jésus-Christ, dont l'héroïque fermeté a triomphé des plus violents efforts de la persécution. Prêts à endurer et les cachots et les horreurs de la mort, vous avez constamment résisté au siècle

cessé un seul moment de se livrer à tous les exercices du ministère épiscopal. La mort de Dèce, après trente mois de règne seulement, rendit la paix à l'Eglise et la liberté au saint évêque de Carthage : Inde plena pax Ecclesiæ, non tantum sedata aut sopita, sed et prorsus finita persecutione a Deo indulta est, dit l'auteur des Annales cypriennes, pag. 26, col. 2.

Saint Cyprien en profita pour revenir à Carthage. Son premier soin fut d'y assembler un concile qui eut lieu avant Pâques de l'an 251. (Tillemont dit 252.) Il avait pour but de régler de quelle manière on devait agir avec ceux qui avaient eu le malheur de fléchir durant la persécution. Saint Cyprien, souvent consulté à ce sujet pendant sa retraite, ne publia cet écrit qu'après en avoir donné communication à ses collègues. Il le lut en plein concile, où il obtint une approbation géné. rale, et l'envoya à Rome.

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