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IV.

DE L'ORAISON DOMINICALE".

Les préceptes évangéliques ne sont, mes très-chers frères, autre chose que les commandements de notre divin maître, les fondements qui servent à l'édifice de l'espérance, les appuis de la foi, les aliments dont le cœur se nourrit, les guides qui nous dirigent dans la voie. En même temps qu'ils éclairent les intelligences des lumières de la vérité, ils assurent nos pas et nous font parvenir au royaume céleste.

Dieu avait daigné souvent parler aux hommes par ses prophètes; mais ici ce ne sont pas les serviteurs portant la parole au nom du maître; c'est le maître lui-même, c'est Dieu en personne s'énonçant par sa propre bouche. Il ne nous envoie plus des messagers chargés d'annoncer sa venue, et de commander qu'on lui prépare les voies par où il doit passer; il vient lui-même, lui-même il nous les découvre; il nous la montre cette voie qu'il éclaire des rayons de sa grâce et de sa lumière, pour nous arracher aux ténèbres de la mort où nous étions égarés depuis si

a ce beau traité est cité avec éloges par saint Hilaire de Poitiers, et par saint Augustin qui le recommande particulièrement à ses religieux d'Adrumet. (De lib. arbit, cap. 13.)

longtemps, voulant nous y précéder et y marcher à

notre tête.

Parmi les salutaires enseignements que le Seigneur a bien voulu donner à son peuple pour le sauver, il a daigné nous instruire de la manière de le prier, en nous dictant jusqu'à l'expression des demandes que nous avons à lui présenter. Sa bonté, qui nous a donné la vie, et avec elle tant d'autres biens, l'a porté à nous apprendre à le prier. Par là il nous a ménagé un accès plus facile auprès de lui, en l'abordant par les mêmes paroles que la bouche de son divin Fils a dictées.

Il avait prédit que le jour n'était pas loin où les vrais adorateurs adoreraient en esprit et en vérité1; il a accompli sa promesse. Admis par la sanctification de sa grâce à la communication de son esprit et de sa vérité, nous pouvons désormais l'adorer véritablement et spirituellement par la prière qu'il nous a laissée. Peut-il y avoir, en effet, prière plus spirituelle que celle dont l'expression même nous vient du divin Rédempteur, qui nous a envoyé son Esprit saint? En est-il de plus efficace auprès du Père céleste que celle dont son propre Fils est l'auteur? Prier autrement que dans les termes proférés par lui-même, ce serait non-seulement ignorance, mais prévarication, à l'exemple de ce peuple juif à qui il reprochait de rejeter ses commandements pour y substituer leurs traditions2.

Prions donc, mes très-chers frères, de la manière que le divin législateur nous a appris à le faire. La prière qui, en s'adressant à Dieu, lui transmet ses propres paroles sorties d'une bouche si chère à son

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cœur, est sûre de parvenir à son oreille. Dans le langage qui lui exprime nos demandes, le Père de JésusChrist reconnaîtra le langage de son Fils: habitant au fond de nos cœurs, qu'il se montre également présent sur nos lèvres; et puisque c'est lui qui veut bien intercéder auprès du Père pour nos péchés, quand nous lui demandons qu'ils nous soient pardonnés, n'employons pas d'autres paroles que celles de notre intercesseur, et puisqu'il nous assure que ce que nous demanderons à son Père en son nom, nous sera accordé 2, combien plus abondamment n'obtiendronsnous pas ce que nous aurons demandé, non pas seulement en son nom, mais par ses propres paroles!

Quand nous prions, que ce soit avec une certaine méthode. La prière doit être accompagnée du calme de l'esprit et d'une crainte respectueuse. Songeons que nous sommes en la présence du Seigneur, que nous devons chercher à lui plaire par notre contenance aussi bien que par le ton de la voix. C'est un manque de bienséance de donner à la voix un essor bruyant. La prière veut un accent modeste, timide; Jésus-Christ nous commande de prier en secret, loin du bruit et de toute agitation, dans l'intérieur de nos maisons; ce qui convient mieux à la foi. Par là nous reconnaissons que Dieu est présent partout, qu'il voit et entend tout, qu'il remplit de sa majesté souveraine les lieux les plus cachés, suivant cet oracle de l'Ecriture Ne suis-je Dieu que de près, dit le Seigneur; ne le suis-je pas aussi de loin? Celui qui se cache, se dérobe-t-il à moi, et ne le vois-je point? dit le Seigneur. N'est-ce pas moi qui remplis le ciel et la tèrre3? Et cet autre Les yeux du Seigneur contemplent en

1
1 I Joan., II.

2 Joan., xvi, 23. – 3 Jérém., xxIII, 23-24.

tout lieu les bons et les méchants '. Lors donc que, réunis à nos frères et à l'évêque, nous offrons le divin sacrifice, ne perdons point de vue le précepte de la modestie qui doit régler chacune de nos actions. Que la prière ne s'évapore pas en sons confus; que l'humble demande adressée au Seigneur ne s'exhale pas en cris tumultueux; c'est le cœur que Dieu écoute, non la voix. Il n'a pas besoin qu'on l'excite par des vociférations, lui qui lit au fond des cœurs et voit les pensées des hommes, ainsi que Jésus-Christ le témoignait lui-même par cette parole de son Evangile: Pourquoi pensez-vous du mal au fond de vos cœurs 2? Ailleurs nous lisons: Toutes les Eglises sauront que c'est moi qui sonde les reins et les cœurs 3. Nous voyons au premier livre des Rois qu'Anne, mère de Samuel, figure de l'Eglise nouvelle, évitait soigneusement tout éclat de voix; priant dans le secret de son cœur, l'on voyait seulement remuer ses lèvres, sans qu'on entendit aucune parole: l'ardeur de sa foi suppléait à l'action de sa bouche. Elle savait bien que Dieu entend le langage du cœur, et elle fut exaucée; elle obtint ce qu'elle demandait, parce qu'elle le demandait avec foi. L'Ecriture sainte en rend ce témoignage: Elle parlait dans son cœur et elle remuait les lèvres, mais on n'entendait pas ce qu'elle disait, et Dieu l'exauça. Nous lisons aussi dans les Psaumes : Parlez dans vos cœurs, sur les lits où vous reposez, et soyez touchés de componction 5. Et dans le prophète Jérémie Il faut adorer Dieu en esprit. Ce que c'est qu'adorer Dieu en esprit, nous l'apprenons par l'exemple du Publicain de l'Evangile, qui s'était rendu dans

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le temple pour y prier, en même temps que le Pharisien. Le premier n'affectait pas de lever au ciel les yeux ni les mains, mais frappant sa poitrine et se reconnaissant intérieurement comme pécheur, il implorait le secours de la miséricorde divine. Le Pharisien, au contraire, bien éloigné de l'humilité du Publicain, établissait l'espérance du salut sur l'opinion où il était de son innocence, quand il n'y a personne qui soit sans péché, tandis que le Publicain confessait humblement n'être qu'un pécheur. Le Dieu qui fait grâce à l'humilité exauça sa prière. Ecoutez le récit que Jésus-Christ lui-même nous en fait : Deux hommes, dit-il, montèrent au temple pour prier; l'un était Pharisien et l'autre Publicain. Le Pharisien, se tenant debout, priait ainsi en lui-même : Mon Dieu, je vous rends grâces de ce que je ne ressemble pas aux autres hommes, qui sont injustes, voleurs et adultères, comme ce Publicain. Je jeûne deux fois la semaine, et je donne la díme de tout ce que je possède. Le Publicain, au contraire, se tenant bien loin, n'osait pas seulement lever les yeux au ciel, mais frappait sa poitrine en disant: Món Dieu, ayez pitié de moi, qui suis un pécheur. Je vous déclare, dit le Fils de Dieu, que celui-ci s'en retourna dans sa maison plus justifié que l'autre, parce que quiconque s'élève sera humilié, et quiconque s'humilie sera élevé1.

Quelle est donc cette formule de prière qui nous a été apportée par notre Seigneur Jésus-Christ? La voici Notre Père qui étes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite au ciel comme sur la terre, donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour, et remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à ceux qui nous

1 1 Luc., xvIII, 10.

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