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plus ou moins complète, selon que les cabinets ont intérêt à y recourir, ou qu'ils se croient dans l'impossibilité de s'y soustraire par suite du droit qu'ont les assemblées délibérantes, dans les gouvernements représentatifs, de demander le dépôt des actes et offices diplomatiques dont la connaissance peut leur servir à contrôler la politique ministérielle (').

Indépendamment des mémoires spécialement destinés à l'exposition des faits importants et à la discussion des questions que ces faits soulèvent, c'est par des lettres et des notes que les agents diplomatiques suivent les affaires qui leur sont confiées; qu'ils développent des principes ou protestent contre l'applica

(1) La prévision de la production possible des correspondances diplomatiques à la tribune des chambres législatives met l'agent dans la nécessité de se précautionner contre cette publicité intempestive, et de rédiger ses dépêches avec plus de réserve qu'il ne l'eût fait si elles n'eussent été exposées à cette chance : cette gêne ajoute un inconvénient de plus à ceux qui résultent de cet usage. En effet, dans la pensée qui doit préoccuper l'esprit de tout agent diplomatique d'un gouvernement représentatif, que les assemblées parlementaires pourront ne pas se trouver satisfaites de la production, par le ministre des affaires étrangères, de fragments ou de résumés de sa correspondance, l'agent se voit dans la nécessité, d'une part, de borner ses rapports à l'exposé exact, mais succinct, des faits, sans les accompagner de commentaires et de réflexions dont la divulgation pourrait nuire à sa position et à son crédit à la cour où il réside; d'autre part, d'entretenir avec le ministre des affaires étrangères une correspondance plus intime (en dehors de la série de ses dépêches officielles): c'est dans ces lettres confidentielles uniquement qu'il peut se livrer avec plus d'abandon, et souvent avec utilité, à des raisonnements sur l'état actuel des affaires, à des opinions conjecturales sur leur dénoûment. Le ministre des affaires étrangères, de son côté, est obligé, par le même motif, d'avoir recours au même système et d'entretenir avec ses agents une correspondance confidentielle en dehors de la correspondance officielle.

tion de principes opposés ('); qu'ils justifient une mesure prise ou appuient une opinion avancée : c'est encore par des lettres qu'ils réclament des audiences ou des passe-ports; qu'ils font part soit au gouvernement auprès duquel ils résident, soit à leurs collègues, des événements heureux ou malheureux qu'ils ont reçu l'ordre ou qu'ils jugent convenable de leur communiquer, et qu'à la fin de leur mission ils prennent congé du souverain s'ils sont absents de sa résidence au moment de leur rappel.

A côté des notes signées, l'usage admet la remise de notes dites verbales que l'Envoyé s'abstient de signer pour ne point engager sa responsabilité d'une manière définitive, ou lorsqu'il s'agit simplement de rappeler les points essentiels d'une conversation politique sur une question traitée de vive voix.

C'est au moyen des écrits dont nous venons de parler que l'agent s'acquitte de ses fonctions officielles auprès de la cour où il réside; quant aux relations qu'il entretient avec le cabinet qui l'y a accrédité, elles ont lieu au moyen de lettres, qualifiées dépêches, dans lesquelles il rend compte de toutes ses démarches, et transmet

(1) La protestation est l'acte par lequel l'agent diplomatique réclame contre une mesure quelconque prise ou à prendre par le gouvernement auprès duquel il est accrédité, et contraire soit au caractère public dont il est revêtu, soit aux droits et aux intérêts de son pays, de son commettant ou de ses nationaux.

Cet acte, sous forme de note ou de lettre, porte déclaration que ce qui a été ou pourrait être fait ne saurait préjudicier aux droits de la partie dont on soutient et défend les intérêts, et l'agent s'y réserve expressément la faculté de se pourvoir en temps et lieu contre ce qui fait l'objet de sa protestation.

toutes les informations que son zèle et son habileté le mettent à même de recueillir.

Les principes de rédaction de la plupart de ces pièces échappent à une analyse rigoureuse que l'écrivain s'exprime à la première ou à la troisième personne, qu'il emploie certaines locutions propres au genre de composition qu'il rédige, certaines formules convenues plutôt que d'autres, le fond reste invariablement le même; il s'agit toujours de transmettre d'un gouvernement à un autre les communications de tout genre dont l'échange est le but de ces écrits.

Quant au style en général, nous nous bornerons à rappeler ce que nous en avons dit ailleurs moins succinctement (1), qu'il ne saurait être trop simple et naturel, trop clair et précis, trop souple et facile. La lecture des rares modèles en ce genre, le tact, le bon goût, la fréquentation d'une société polie enseigneront au diplomate, mieux qu'aucuns préceptes, l'art de dire bien et juste tout ce qu'il importe de dire, de parler et de diversifier la langue des affaires sans que la recherche laborieuse des mots trahisse l'effort de la pensée.

Mémoires et Mémorandum.

On donne, en diplomatie, le nom de mémoires aux écrits politiques d'une certaine étendue destinés à l'exposition circonstanciée d'affaires qui sont ou qui deviennent l'objet d'une négociation politique, d'événements donnant matière à une justification de conduite

(1) Voy. Observations générales sur le style diplomatique.

ou motivant des mesures dont on énonce le but et la portée, et à la discussion des questions que ces affaires soulèvent. Ce qui distingue les notes des mémoires, c'est moins encore l'extension de ces dernières pièces que l'absence convenue des formules de courtoisie et des formes consacrées par le cérémonial. On y parle toujours à la troisième personne, et le nom du signataire s'y place, en terminant, à côté de la date, sans autres formalités.

Quand le mémoire, à raison de son importance, émane directement du ministère des affaires étrangères, l'agent diplomatique qui en fait la remise l'accompagne, surtout s'il ne porte pas la signature du ministre rédacteur, d'un office rédigé sous forme de lettre ou de note, et signé de lui, afin de donner à la pièce qu'il a charge de transmettre l'authenticité nécessaire (1).

Les règles générales du bon sens et de la logique, qu'on ne néglige indifféremment nulle part, sont d'une application plus particulièrement rigoureuse dans la rédaction d'écrits dont l'importance s'accroît en proportion des intérêts qu'ils discutent ou qu'ils défendent.

Dès l'abord, les faits qui donnent lieu au mémoire doivent être énoncés avec ordre et précision, les suites qu'ils ont eues ou qu'ils peuvent avoir établies exactement, les réflexions qu'ils font naître exposées avec clarté, les plaintes avec mesure, les justifications avec dignité. Si la prudence interdit toute parole offensante, le respect de soi toute parole injurieuse, ni la circonspection, ni le sentiment des convenances n'excluent

(1) L'agent diplomatique peut aussi certifier conforme à l'original resté entre ses mains la copié signée dont il fait la remise.

la fermeté du langage, pas plus que la modération ne proscrit la défense des droits attaqués, la sauvegarde des intérêts compromis. S'agit-il de récriminations et de reproches, la puissance qui récrimine doit toujours exprimer l'espoir et le désir d'une conciliation amiable, et le vif regret qu'elle éprouverait de se voir contrainte à recourir à des mesures de rigueur.

En général, dans ces écrits comme dans tous ceux qui ont pour but de ramener ou d'éclairer, les moyens de persuasion, étayés sur la justesse des raisonnements, doivent se fortifier l'un l'autre en s'enchaînant, et la conviction s'opérer d'elle-même. Il serait peu honorable de dénaturer les faits et d'en forcer les conséquences, d'exagérer les torts réels ou d'en supposer d'imaginaires; il serait puéril d'éluder les objections, impolitique de leur opposer une réfutation superficielle : la bonne foi provoque la confiance, et c'est se donner des armes que de se montrer soucieux de son honneur.

S'il y a des rapprochements à faire entre le cas actuel et des circonstances antérieures analogues, il faut s'appuyer sur ces précédents, si l'on en peut tirer un argument favorable aux prétentions qu'on soutient ou aux questions qu'on discute; comme il faut en reconnaître loyalement l'autorité si cette analogie les réfute ou les condamne.

Les cabinets répondent aux mémoires qui leur sont adressés par des écrits rédigés dans la même forme, et que l'on désigne sous le nom de contre-mémoires. Ces pièces ont naturellement pour but de réfuter celle à laquelle ils servent de réplique, soit en rectifiant les

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