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sonne de M. Musurus, demanda une réparation dans un délai de trois jours, fixa les termes de cette réparation, et si elle était refusée ordonna à son ministre de quitter la Grèce.

Une résolution si précipitée causa au roi une douloureuse impression; cependant, ne perdant pas de vue le grand intérêt des bonnes relations entre les deux pays, voyant que les déclarations de la Porte élevaient l'incident jusqu'à la hauteur des deux couronnes, S. M. adressa, en date du 13 février, une lettre autographe à S. M. le Sultan, lettre concue dans les termes les plus propres à expliquer les paroles adressées à un agent qui semblait avoir oublié le but élevé de son mandat.

Cette lettre, tout le monde en conviendra, contient le désaveu le plus formel de toute intention blessante, et l'expression la plus franche du désir de maintenir les meilleures relations. Le président du conseil écrivit le même jour à A'ali-éfendi une lettre dont personne ne peut nier la parfaite convenance, et qui fut communiquée à M. Musurus, dans la ferme persuasion qu'informé de la démarche royale, il se déterminerait à attendre de nouveaux ordres. Un désir sincère de conciliation l'eût ainsi conseillé. D'autres inspirations l'emportèrent, et M. le ministre de Turquie, sur sa demande réitérée, reçut ses passe-ports.

La lettre autographe du roi ne trouva pas à Constantinople l'accueil qu'on était en droit d'attendre. S. M. le Sultan répondit en termes obligeants qu'il serait plus conforme à la dignité des deux couronnes de remettre la question à la sagesse des ministres. Ce fut dans le même sens qu'A'ali-éfendi répondit à M. Collettis.

On avait donc à Constantinople d'abord, sinon aggravé, au moins élevé la question en la plaçant entre les deux souverains; plus tard, on remettait le débat aux deux gouvernements. Celui de S. M. Hellénique ne put se méprendre sur la portée et le but de ces résolutions successives; en exprimant ses regrets, il entra dans la nouvelle voie, et ne tarda pas à tenter une seconde démarche conciliatrice. Tout en se prononçant par le motif même du désir d'un arrangement sincère et durable contre le retour de M. Musurus, il proposa, en date du 10 mars, d'envoyer à Constantinople un ministre dont le premier devoir serait d'exprimer

combien son gouvernement regrettait que des circonstances fâcheuses eussent amené une altération momentanée dans les bons rapports entre les deux pays. Le Chargé d'affaires de la Grèce dut en outre déclarer que tout ministre ottoman, représentant fidèle des sentiments et des intentions de son gouvernement, serait accueilli à Athènes avec tous les égards dus à l'Envoyé du sultan, et recevrait au premier moment de son arrivée les témoignages les plus précis du désir de faire ressortir de l'incident même une entente conforme aux intérêts réciproques.

Cette démarche, qui, si le sultan avait pu se croire offensé, pouvait être considérée comme une réparation; cet appel sérieux aux intérêts vrais des deux pays, ne triompha pas d'une prévention malheureusement trop profonde; on y répondit par l'interruption complète des rapports diplomatiques et par la menace de mesures coercitives.

Pendant que tout cela se passait, une des grandes puissances, gardienne jalouse de la paix en Europe, proposa spontanément, dans l'intérêt de la Porte, autant que dans l'intérêt de la Grèce et de tant d'autres intérêts solidaires, un mode d'arrangement. M. le prince de Metternich fit, en date des 10 et 13 mars, les propositions suivantes :

La Grèce devait déclarer à la Porte qu'elle recevrait tout ministre, fût-ce même M. Musurus, avec les égards dus au représentant d'une puissance amie, pourvu qu'il arrivât avec des instructions conformes aux sentiments manifestés dans la lettre du sultan. Le gouvernement de S. M. Hellénique devait s'engager à tenir à ce représentant arrivant à Athènes un langage qui, sans coûter à la dignité du roi et du pays, exprimât le regret de ce qui avait amené une fâcheuse complication.

La Porte devait se tenir pour satisfaite de cette déclaration, envoyer à la place de M. Musurus un musulman; ou si elle tenait à renvoyer M. Musurus, ce ne devait être que pour peu de temps.

Le gouvernement de S. M. Hellénique, appréciant les sages et bienveillantes intentions de M. le prince de Metternich, renonça à ses protestations contre le retour de M. Musurus et accéda, le 28 mars, à la proposition du médiateur. Le gouvernement de

S. M. Hellénique devait attendre l'accueil que cette même proposition rencontrerait à Constantinople. Il en reçut un premier avis le 29 avril, par la communication que lui fit M. le ministre d'Autriche à Athènes d'une dépêche de M. l'internonce, en date du 25. Voyant par cette communication qu'il planait à Constantinople un doute sur l'acceptation du gouvernement hellénique, M. Colettis en renouvela l'assurance par une lettre au prince de Metternich, en date du 10 mai.

Cette déclaration réitérée du gouvernement grec s'était croisée avec une lettre adressée le 8 mai par M. le prince de Metternich, et arrivée le 20 à M. le ministre d'Autriche à Athènes. La double proposition était ainsi précisée. Il est utile de citer ici textuellement le paragraphe officiellement communiqué: « Vous êtes au fait des conseils que j'ai donnés simultanément à la Porte et au cabinet d'Athènes; mes conseils sont les suivants : Que le gouvernement hellénique annonce au divan qu'il recevra avec tous les égards qui lui sont dus tout envoyé du sultan, fût-ce même M. Musurus; que la Porte se reconnaîtra satisfaite de cette déclaration, et qu'elle ne renvoie pas M. Musurus à Athènes, ou si elle le renvoie, que ce ne soit pas pour y rester.

>> J'ai, en retour de cette double ouverture, reçu une lettre du grand-vizir, qui renferme l'acceptation de ma proposition. Le comte de Sturmer a ajouté à l'envoi de la lettre de RéchidPacha l'expression de sa conviction qui est, à vue de pays, que le sultan, satisfait par la déclaration ainsi conçue de la cour d'Athènes, ne renverra plus M. Musurus. M. Colettis, de son côté, m'a adressé une lettre renfermant son plein assentiment à ma proposition. Les lettres des deux ministres me sont arrivées à vingt-quatre heures de distance; il est clair que j'ai dû dès lors regarder la question comme vidée..

Cette première annonce officielle de l'adhésion de la Porte fut confirmée par la réponse de M. le prince de Metternich à M. Colettis, en date du 22 mai. M. le ministre d'Autriche à Athènes accompagna la remise de cette lettre de l'information que la Porte insistait sur l'envoi de M. Musurus, et du conseil d'abandonner à l'entente directe et confidentielle du cabinet de Vienne et de Constantinople la question de la durée du séjour de M. Musurus

à Athènes. Le gouvernement du roi reçut cette communication le 1er juin. Tout en regrettant que la Porte n'eût pas apprécié complétement la valeur politique du sage conseil de l'Autriche de ne pas renvoyer M. Musurus, tout en regrettant que, malgré l'espérance d'une résolution plus amicale qu'elle avait fait naître dans l'esprit de M. l'internonce, la Porte insistât de nouveau sur le renvoi d'un agent peu propre à maintenir les bonnes relations; tout en ne se dissimulant pas les graves inconvénients de ce retour, les dangers mêmes qu'il pouvait faire naître, le gouvernement du roi tint à honneur d'être fidèle à l'engagement pris envers l'Autriche; et respectant l'intention qui faisait désirer au cabinet de Vienne le changement indiqué dans les termes de la conciliation, il renonça à la fixation préalable de la durée du séjour de M. Musurus; il renonça à un acquiescement formel de la Porte à la condition du séjour limité, acquiescement qui, dans la première proposition, était la condition de celui de la Grèce au retour de M. Musurus. Le gouvernement du roi alla plus loin encore, il consentit à renoncer à l'énonciation même de la condition. Par ce sacrifice, le gouvernement du roi voulut donner tous les gages possibles de ses sentiments conciliants; il considérait, en outre, comme de son devoir de répondre par une entière confiance à la spontanéité de l'intervention bienveillante de l'Autriche.

Le 6 juin, M. le président du conseil adressa à M. le prince de Metternich la lettre pour A'ali-éfendi ; l'accompagnant d'une nouvelle expression du désir de renouer avec l'empire ottoman des rapports de sérieuse et efficace amitié.

Par des instructions adressées à M. le général de Prokesch, en date du 28 juin, M. le prince de Metternich approuva le sens de la lettre de M. Colettis à A'ali-éfendi, la renvoya en recommandant quelques changements de rédaction, et conseilla la transmission directe d'Athènes à Constantinople. Par ces mêmes instructions, M. le prince de Metternich précisa le langage à tenir à M. Musurus à son retour, ainsi que les points d'étiquette convenus entre lui et l'ambassadeur ottoman a Vienne. A la même époque, M. le ministre d'Autriche informa le cabinet d'Athènes qu'une nouvelle lettre du grand-vizir à M. le prince de Metternich, en date du 2 juin, annonçait que la Porte avait admis les

conditions proposées par la médiation, telles qu'elles avaient été consignées dans les dépêches du cabinet de Vienne à Athènes, en date des 8 et 22 mai.

L'arrangement paraissait donc assuré; telle était encore la conviction du représentant de l'Autriche à Constantinople le lendemain de l'arrivée de la lettre de M. Colettis expédiée d'Athènes le 2 juillet. M. le général de Prokesch communiqua au gouvernement du roi le paragraphe suivant d'une dépêche de M. le comte de Sturmer, en date du 8 juillet :

« J'ai vu avec satisfaction que le gouvernement hellénique a suivi les conseils de notre cour dans toute leur extension. Quant à la crainte que vous m'exprimez que la réponse d'A'ali-éfendi ne renferme quelque chose de compromettant pour le gouvernement royal, je prie S. M. d'être complétement rassurée. J'aurai soin de veiller à ce que dans la rédaction de cette lettre, tout ce qui pourrait nuire au rétablissement des bons rapports soit soigneusement évité. »

Par le paquebot du 18 juillet, le gouvernement du roi reçut la réponse d'A'ali-éfendi. Elle était conçue en termes obligeants, disait que désormais tout était heureusement éclairci, et finissait par une exigence dont il n'avait jamais été parlé par le médiateur au gouvernement du roi. A'ali-éfendi demandait que M. Colettis lui fît parvenir l'autorisation de transmettre à M. Musurus l'expression des regrets de son gouvernement.

Quoique profondément blessé d'une demande aussi inattendue, le gouvernement du roi voulut tenir compte de la forme obligeante de la lettre d'A'ali-éfendi, et tint surtout à ne manquer à rien de ce qu'il devait au médiateur. S'abstenant donc de refuser ou de discuter, il s'empressa de faire part, le 25 juillet, à M. le prince de Metternich, de l'accueil que, contre la plus légitime attente, la lettre du cabinet d'Athènes avait trouvé à Constantinople, et il attendit le résultat de cette communication. C'est alors que furent adressées à M. le ministre d'Autriche les trois lettres ci-jointes. Elles avaient pour but de l'informer de la résolution prise de ne pas faire un pas en dehors de la route tracée par l'intervention; de faire observer que le gouvernement du roi, n'ayant pas mêlé son opinion sur la conduite de M. Musurus à la question

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