Images de page
PDF
ePub

Nous ne combattons ni les institutions ni les hommes; nous déplorons le désordre là où il se glisse; voilà tout.

Vous êtes des républicains; vous aviez des gouvernements aristocratiques, vous les avez renversés pour en prendre de démocratiques. On peut faire de l'ordre avec une constitution démocratique comme avec une constitution aristocratique : seulement c'est plus difficile, peut-être aussi est-ce plus sûr.

Nous n'avons blâmé personne comme démocrate, mais plusieurs comme radicaux, c'est-à-dire comme destructeurs, attaquant à la fois et systématiquement les principes sur lesquels repose l'ordre social.

Est-ce à dire pour cela que nous devions entreprendre de renverser les radicaux, aujourd'hui maîtres des trois quarts des gouvernements de la Suisse, ou que nous les croyons incapables de devenir des hommes d'ordre et de faire de l'ordre ? C'est précisément dans l'esprit contraire que le conseil que je vous donne est conçu : « Que chacun reste chez soi. »

Prenez M. Ochsenbein ou M. Furrer. Tant qu'il s'agira pour l'un de renverser le gouvernement de Fribourg, pour l'autre de renverser celui de Lucerne, ce seront des hommes d'anarchie, de vrais radicaux. Pourquoi cela? Non-seulement à cause de l'œuvre qu'ils auront en vue, mais parce que, pour l'accomplir, il leur faut vivre avec des pensées de désordre, avec des hommes de désordre, et se faire eux-mêmes les hommes de ces hommes.

Que MM. Ochsenbein ou Furrer n'aient plus à s'occuper que de se maintenir au pouvoir chez eux, leur existence, leurs pensées, leur être même changent presque immédiatement: on pourra continuer, par habitude, à les appeler radicaux, ils seront devenus conservateurs; car, pour se conserver eux-mêmes, ils devront nouer leurs relations et leurs alliances avec les hommes et les principes qui appartiennent à l'ordre, au bon gouvernement, à la moralité publique. Voilà pourquoi j'en reviens à mon idée : Que chaque canton reste chez soi, et laisse les autres cantons se gouverner comme ils l'entendent.

Je m'arrête ici, monsieur; après six jours passés dans les trois villes fédérales à étudier cette société si profondément atteinte,

j'ai été conduit à regarder le moyen que j'indique comme le plus propre à attaquer le mal qui la travaille. Le dernier mot du radicalisme en Suisse est d'arriver à la république unitaire : « Nous » ne pourrions l'obtenir encore, disait, il y a quinze ans, l'habile » M. Menziger; posons-en seulement le principe. » Depuis ce temps le parti a réussi à maintenir au recès la révision du pacte quand il aura obtenu cette douzième voix qu'il poursuit par tant de révolutions, qu'il vient de manquer à Fribourg, que Bâle peut lui apporter dans quelques jours ou Saint-Gall dans quatre mois, et qu'il aura d'abord fait prévaloir, dans la question des jésuites, ce principe que la majorité oblige malgré le pacte, il marchera plus droit à son but, et, s'il ne l'ose encore, à la souveraineté de la majorité qui lui livrera infailliblement la Suisse. Il ne peut décidément trouver sa vie dans ces existences cantonales; c'est pour cela qu'il veut en sortir, c'est pour cela que je l'y voudrais voir définitivement fractionné il y serait absorbé ou transformé par les éléments conservateurs que possède encore chacune des vingt-deux sociétés politiques de la Suisse.

:

Le radicalisme a trop ce sentiment pour se laisser persuader par nos notes et par nos conseils, il ne se désistera de son plan que forcé; il ne reculera que devant l'impossibilité, et il ne verra l'impossibilité que dans la volonté des puissances étrangères. Il a douté, et il veut encore, quoique ébranlé, douter de celle de la France. Il fera tout pour en empêcher la manifestation; s'il ne peut y réussir, il est possible que la position puisse encore être dominée et changée par la déclaration que feraient les puissances qu'elles ne permettront pas que l'on détruise dans aucun des vingt-deux États suisses l'indépendance qui leur a été reconnue par les actes de Vienne.

A défaut d'une déclaration formelle, si le gouvernement du roi ne croyait pas devoir aller jusque-là, le langage des légations pourrait être combiné de manière à faire craindre ce que l'on ne jugerait pas à propos d'annoncer ouvertement. Mais tout ce que je vois ici concourt à me persuader que plus notre langage sera positif, plus il aura de chances de prévenir la guerre civile avec tous ses malheurs, et, à sa suite, l'intervention armée avec tous ses inconvénients.

LETTRES OFFICIELLES ADRESSÉES A DES SOUVERAINS. 483

Cette action exercée, soit séparément mais d'accord, soit en commun avec les autres puissances, loin d'avoir rien de contraire à notre système général en présenterait l'application sur ce théâtre spécial: elle ne serait pas le désaveu de notre politique dans l'affaire de Cracovie, elle en serait la confirmation; nous ferions parmi les vingt-deux États de la Suisse ce que nous faisons parmi les États de l'Europe: nous y protégerions les États les plus faibles contre l'oppression des plus puissants; nous n'attaquerions pas l'indépendance de la Confédération, nous y protégerions l'indépendance des petits cantons qui, fidèles à l'esprit qui a fait la Suisse, repoussent aujourd'hui la violence que les radicaux de Berne veulent leur faire subir chez eux, comme leurs ancêtres repoussaient la tyrannie des baillis de l'Autriche.

Lettres officielles adressées à des souverains.

Il peut se présenter des cas assez graves pour qu'un secrétaire d'État s'adresse directement à un souverain étranger, lorsque le cabinet dont il est l'organe n'a pas d'agent qui le représente auprès de lui.

Il peut arriver aussi, dans quelques circonstances exceptionnelles, qu'un agent diplomatique se croie dans la nécessité d'écrire directement au souverain auprès duquel il est accrédité ou au chef d'une puissance étrangère. Des communications de ce genre sont une dérogation à l'étiquette des cours et aux usages établis, qui veulent qu'un Envoyé en fonctions ne puisse s'adresser officiellement à un souverain que par l'intermédiaire obligé de son ministre des affaires étrangères.

Ces lettres sont ordinairement très-courtes. Le si

gnataire y donne au chef de l'État les titres et qualifications qui lui appartiennent; il y parle ordinairement à la première personne, et s'y sert, quel que soit l'objet de la lettre, des termes et des formules les plus propres à exprimer sa soumission et son respect.

LETTRES OFFICIELLES ADRESSÉES A DES SOUVERAINS.

Lettre adressée à l'Electeur de Mayence, par le comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères de France, au sujet de la légitimation du ministre du roi accrédité auprès de ce prince. (1778. )

Monseigneur,

Le désir du roi de donner un témoignage particulier de sa bienveillance aux États qui composent le cercle du Haut-Rhin a déterminé S. M. à accréditer auprès d'eux M. le baron de Groschlag en qualité de ministre plénipotentiaire. Cette nomination a été notifiée à V. A. Élec. comme prince-évêque de Worms, dès le mois de septembre de l'année dernière, et vous étiez entièrement le maître, Monseigneur, de déterminer s'il vous convenait mieux que le baron de Groschlag vous remît en personne ses lettres de créance, ou qu'il vous les adressât, en les accompagnant d'une lettre de sa part. Il y a actuellement onze mois que cette alternative a été proposée à V. A. Élec.; mais elle n'a pas encore jugé à propos de s'expliquer, et elle a empêché par là de son chef, et contre ses devoirs, comme directeur du cercle, la légitimation du représentant de S. M. Si vous voulez bien, Monseigneur, faire un retour sur cette conduite, vous jugerez de vous-même combien elle blesse la dignité du roi mon maître, et combien S. M. doit en être offensée. Je ne saurais vous dissimuler, Monseigneur, que si le roi n'eût suivi que l'impulsion de son juste ressentiment il aurait depuis longtemps employé les moyens les plus efficaces pour faire cesser un procédé aussi peu régulier que décent; mais S. M. n'a voulu jusqu'ici prendre conseil que des sentiments qui l'atta

chent au corps germanique. Elle se persuadait d'ailleurs qu'après mûres réflexions vous chercheriez de vous-même, Monseigneur, à revenir sur vos pas et à marquer au roi les égards qui lui sont dus. Sa longanimité ne saurait durer plus longtemps, et S. M. rompt le silence en vous demandant, Monseigneur, une réponse prompte et catégorique sur la réception des lettres de créance de M. le baron de Groschlag.

S. M., en m'ordonnant de vous expliquer ses intentions, m'a chargé de déclarer en même temps à V. A. Élec. qu'elle n'admettra plus ni obstacle ni retard à la légitimation de son ministre, et qu'elle est invariablement résolue à maintenir sa nomination. Je suis avec un profond respect, Monseigneur, de V. A. Élect. le très-humble et très-soumis serviteur,

Le comte de Vergennes.

Lettre écrite au roi de Prusse, par le comte de Broglie, ambassadeur de France près la cour de Pologne, pour se plaindre des entraves que ce prince met à l'exercice de ses fonctions. (1756.)

Sire,

Les époques diverses que M. le baron de Malzhau, ministre de V. M., m'a fixées successivement, de sa part, pour le temps où il me serait possible d'exercer librement les fonctions de mon ministère auprès de S. M. polonaise, étant passées depuis longtemps sans que j'aie reçu à ce sujet de nouveaux éclaircissements, je prends la liberté de supplier directement V. M. de vouloir bien donner les ordres nécessaires pour que je ne rencontre plus d'obstacles à me rendre au camp du roi de Pologne.

J'ai reçu hier, Sirc, des ordres du roi mon maître, qui exigent que j'aie moi-même l'honneur d'entretenir S. M. polonaise et de remettre à ce prince des lettres de sa part et de celle de madame la Dauphine. V. M. sentira mieux que personne de quelle nature ces ordres peuvent être dans les conjonctures présentes: les liens

« PrécédentContinuer »