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Déclaration du prince de Metternich, adressée au comte de Narbonne, ambassadeur de France, lors de la rupture des négociations entamées à Prague. (1813.)

Le soussigné, ministre d'État et des affaires étrangères, est chargé, par ordre exprès de son auguste maître, de faire la déclaration suivante à S. Exc. M. le comte de Narbonne, ambassa – deur de S. M. l'empereur des Français, roi d'Italie :

Depuis la dernière paix signée avec la France, en octobre 1809, S. M. I. et R. Apostolique a voué toute sa sollicitude, non-sculement à établir avec cette puissance des relations d'amitié et de confiance dont elle avait fait la base de son système politique, mais à faire servir ces relations au maintien de la paix et de l'ordre en Europe. Elle s'était flattée que ce rapprochement intime, cimenté par une alliance de famille contractée avec S. M. l'empereur des Français, contribuerait à lui donner, sur sa marche politique, la seule influence qu'elle soit jalouse d'acquérir, celle qui tend à communiquer aux cabinets de l'Europe l'esprit de modération, le respect pour les droits et les possessions des États indépendants, qui l'animent elle-même.

S. M. I. n'a pu se livrer longtemps à de si belles espérances. Un an était à peine écoulé depuis l'époque qui semblait mettre le comble à la gloire militaire du souverain de la France, et rien ne paraissait plus manquer à sa prospérité, pour autant qu'elle dépendait de son attitude et de son influence au dehors, quand de nouvelles réunions au territoire français d'États jusqu'alors indépendants, de nouveaux morcellements de l'empire d'Allemagne, vinrent réveiller les inquiétudes des puissances et préparer, par leur funeste réaction sur le nord de l'Europe, la guerre qui devait s'allumer en 1812 entre la France et la Russie.

Le cabinet français sait mieux qu'aucun autre combien S. M. l'empereur d'Autriche a eu à cœur d'en prévenir l'éclat par toutes les voies que lui dictait son intérêt pour les deux puissances et pour celles qui devaient se trouver entraînées dans la grande lutte qui se préparait. Ce n'est pas elle que l'Europe accusera jamais des maux incalculables qui en ont été la suite.

Dans cet état de choses, S. M. l'empereur ne pouvant conserver à ses peuples le bienfait de la paix, et maintenir une heureuse neutralité au milieu du vaste champ de bataille qui, de tous côtés, environnait ses États, ne consulta, dans le parti qu'elle adopta, que sa fidélité à des relations si récemment établies, et l'espoir qu'elle aimait à nourrir encore que son alliance avec la France, en lui offrant des moyens plus sûrs de faire écouter les conseils de la sagesse, mettrait des bornes à des maux inévitables, et servirait la cause du retour de la paix en Europe.

Il n'en a malheureusement pas été ainsi : ni les succès brillants de la campagne de 1812, ni les désastres sans exemple qui en ont marqué la fin, n'ont pu ramener dans les conseils du gouvernement français l'esprit de modération qui aurait mis à profit les uns et diminué l'effet des autres.

S. M. n'en saisit pas moins le moment où l'épuisement réciproque avait ralenti les opérations actives de la guerre, pour porter aux puissances belligérantes des paroles de paix, qu'elle espérait encore voir accueillir, de part et d'autre, avec la sincérité qui les lui avait dictées.

Persuadée toutefois qu'elle ne pourrait les faire écouter qu'en les soutenant de forces qui promettraient au parti avec lequel elle s'accorderait de vues et de principes l'appui de sa coopération active pour terminer la grande lutte, en offrant sa médiation aux puissances, elle se décida à l'effort, pénible pour son cœur, d'un appel au courage et au patriotisme de ses peuples. Le congrès proposé par elle, et accepté par les deux partis, s'assembla au milieu des préparatifs militaires, que le succès des négociations devait rendre inutiles si les vœux de l'empereur se réalisaient, mais qui devaient, dans le cas contraire, conduire par de nouveaux efforts au résultat pacifique que S. M. eût préféré atteindre sans effusion de sang.

En obtenant de la confiance qu'elles avaient vouée à S. M. I. le consentement des puissances à la prolongation de l'armistice que la France jugeait nécessaire pour les négociations, l'empereur acquit, par cette preuve de leurs vues pacifiques, celle de la modération de leurs principes et de leurs intentions.

Il y reconnut les siens, et se persuada, dès ce moment, que ce

serait de leur côté qu'il rencontrerait des dispositions sincères à concourir au rétablissement d'une paix solide et durable. La France, loin de manifester des intentions analogues, n'avait donné que des assurances générales, trop souvent démenties par des déclarations publiques qui ne fondaient aucunement l'espoir qu'elle porterait à la paix des sacrifices qui pourraient la rétablir en Europe.

La marche du congrès ne pouvait laisser de doute à cet égard; le retard de l'arrivée de MM. les plénipotentiaires français, sous des prétextes que le grand but de la réunion aurait dû faire écarter; l'insuffisance de leurs instructions sur les objets de forme qui faisaient perdre un temps considérable, lorsqu'il ne restait plus que peu de jours pour la plus importante des négociations; toutes ces circonstances réunies ne démontraient que trop que la paix, telle que la désiraient l'Autriche et les souverains alliés, était étrangère aux vœux de la France, et qu'ayant accepté, pour la forme et pour ne pas s'exposer au reproche de la prolongation de la guerre, la proposition d'une négociation, elle voulait en éluder l'effet, ou s'en prévaloir peut-être uniquement pour séparer l'Autriche de puissances qui s'étaient déjà réunies avec elle de principes, avant même que les traités eussent consacré leur union pour la cause de la paix et du bonheur du monde.

L'Autriche sort de cette négociation, dont le résultat a trompé ses vœux les plus chers, avec la conscience de la bonne foi qu'elle y a apportée. Plus zélée que jamais pour le noble but qu'elle s'était proposé, elle ne prend les armes que pour l'atteindre, de concert avec les puissances animées des mêmes sentiments. Toujours également disposée à prêter la main au rétablissement d'un ordre de choses qui, par une sage répartition de forces, place la garantie de la paix sous l'égide d'une association d'États indépendants, elle ne négligera aucune occasion de parvenir à ce résultat; et la connaissance qu'elle a acquise des dispositions des cours devenues désormais ses alliées, lui donne la certitude qu'elles coopéreront avec sincérité à ce but salutaire.

En déclarant, par ordre de l'empereur, à M. le comte de Nar

bonne que ses fonctions d'ambassadeur cessent de ce moment, le soussigné met à la disposition de S. Exc. les passe-ports dont elle aura besoin pour elle et pour sa suite.

Les mêmes passe-ports seront remis à M. de La Blanche, Chargé d'affaires de France à Vienne, ainsi qu'aux autres personnes de l'ambassade.

Il a l'honneur d'offrir, etc.

Prague, le 12 août 1813.

Metternich.

Déclaration de tord Castlereagh, donnée au nom de S. M. Britannique au ministère autrichien, sur le sens de l'art. 8 du traité signé à Vienne le 25 mars 1815.

(1815.)

Le soussigné, à l'occasion de l'échange des ratifications du traité du 25 mars dernier, au nom de sa cour, déclare, par ordre exprès, que l'art. 8 dudit traité, par lequel S. M. T. C. est invitée à y accéder, sous certaines conditions, doit être entendu de manière qu'il oblige les parties contractantes, d'après les principes d'une sûreté mutuelle, à un effort commun contre le pouvoir de Napoléon Buonaparte, par suite des huit articles dudit traité, mais qu'il ne doit pas être entendu de manière qu'il oblige S. M. Britannique à poursuivre la guerre dans la vue d'imposer à la France un gouvernement particulier.

Quel que soit le vœu que le prince régent doive former pour voir S. M. T. C. rétablie sur le trône, et quelle que soit son envie de contribuer, conjointement avec ses alliés, à un événement si heureux, il se croit cependant obligé de faire, à l'échange des ratifications, cette déclaration, aussi bien par la considération de ce qui est dû aux intérêts de S. M. T. C. de France, qu'en conformité des principes d'après lesquels le gouvernement britannique a invariablement réglé sa conduite.

Au département des affaires étrangères, le 25 avril 1815.

Castlereagh.

88 CHAP. II. DÉCLARATIONS ET CONTRE-DÉCLARATIONS.

Déclaration du prince de Metternich, en réponse à la précédente déclaration du ministère anglais.

(1815.)

Le soussigné, ministre d'État et des affaires étrangères de S. M. l'empereur d'Autriche, ayant rendu compte à son auguste maître de la communication que S. Exc. lord Castlereagh lui a faite, relativement à l'art. 8 du traité du 25 mars dernier, a reçu ordre de déclarer, que l'interprétation donnée par le gouvernement britannique à cet article est entièrement conformé aux principes d'après lesquels S. M. I. et R. A. s'est proposé de régler sa politique durant la présente guerre. Irrévocablement résolu de diriger tous ses efforts contre l'usurpation de Napoléon Buonaparte, ainsi que ce but est exprimé dans l'article 3, et d'agir à cet égard dans le plus parfait accord avec ses alliés, l'empereur est néanmoins convaincu que les devoirs que lui impose l'intérêt de ses sujets, ainsi que les principes qui le guident, ne lui permettraient pas de prendre l'engagement de poursuivre la guerre dans l'intention d'imposer un gouvernement à la France.

Quels que soient les vœux que S. M. l'empereur forme de voir S. M. T. C. replacée sur le trône, ainsi que sa constante sollicitude à contribuer, conjointement avec ses alliés, à obtenir un résultat aussi désirable, S. M. a cru cependant devoir faire répondre, par cette explication, à la déclaration que S. Exc. lord Castlereagh a remise à l'échange des ratifications, et que le soussigné est pleinement autorisé à accepter de sa part.

Le prince de Metternich.

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