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Vous vous montrez tous deux dignes de commander;
Mon amour tremble, hésite, & n'ofe décider.
Il faut pourtant, il faut qu'en ce jour je prononce :
Ma gloire, fur ce choix, exige ma réponse;
Je la dois à l'Epire, à l'Univers, à vous,
Aux ordres d'un Monarque, aux manes d'un époux ;
Impatient de voir l'effet de ma promeffe,
Par fes Ambassadeurs, Démétrius m'en preffe:
Et quand ce feul motif, Princes, l'exigeroit,
Pour me déterminer enfin, il fuffiroit.

A peine, fous les coups de la parque cruelle,
Votre pere plongé dans la nuit éternelle,
A fon trône, en mourant, ne laiffoit pour appui,
Que deux fils hors d'état de regner après lui,
Qu'efpérant profiter du tems de votre enfance,
Les fiers Etoliens arment en diligence;

Les cruels dans l'Epire entrent de toutes parts,
Et déja, fous leurs coups, tombent mille remparts,
Rien ne peut résister : toute l'Acarnanie,

Bien-tôt à leurs Etats, eût été réunie.

Au Roy de Macedoine, auffi-tôt j'ai recours;
Dans ce péril preffant, j'implore fon fecours:
Softhêne, auprès de lui, chargé de l'ambaffade,
Au gré de mes defirs, enfin le perfuade.
Démétrius confent à fervir mon courroux,
Et même, de ma fille, il veut être l'époux;

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Il veut que je promette à fa fœur Antigone?
Que ce fils, par mon choix, élevé fur le trône,
Avec elle unira fa gloire, fon deftin,

Et ne deviendra Roy qu'en lui donnant la main.
Avec empreffement, je fignai ces promeffes:
De ce Roy généreux, les armes vengereffes
Me défirent bien-tôt de tous mes ennemis ;
Je les vis, par fes coups, abatus & foumis.
La moitié du traité, dès lors, fut accomplie;
Avec Démétrius votre fœur fut unie;
Et la fienne auffi-tôt amenée à ma Cour,
Vint, de fon himénée, attendre l'heureux jour.
Je croi que cet himen, où ma foi vous engage,
Vous fait voir, à regner, un nouvel avantage:
Mais telles, de mon fort, font les cruelles loix,
Qu'il faut qu'un feul des deux tienne tout de mon choix;
Que, malgré mes fouhaits, que, malgré ma tendreffe,
Un feul doit obtenir le trône & la Princeffe.
Mais auffi le deftin a foin de défigner

Lequel de vous, mes fils, je dois faire regner:
Si je puis, fans égard au droit de la naiffance,
Au plus digne des deux, donner la préférence,
Voyant même vertu d'un & d'autre côté,
Par ce droit feul, le choix me doit être dicté.
C'est donc à vous, Pyrrhus, qu'eft dû le diadême ;
Que l'Epire bien-tôt vous admire, vous aime,

Et fecondant enfin mes fouhaits les plus doux,

D'Antigone, en ce jour, foyez l'heureux époux.

PYRRHUS.

Ce n'eft point le deftin, qui, dans ce rang, me place,
A vos feules bontés, je dois en rendre grace,
Madame: mais pourquoi hâtez-vous ce grand jour,
Où le Sceptre devient un don de votre amour ?
Penfez-vous qu'ébloui de la grandeur fuprême,
J'envie à votre front l'honneur du diadême !
Non, l'unique defir digne de votre fils,

Eft d'atteindre au grand nom que vous avez acquis.
Ah! fouffrez que mon cœur,inftruit par votre exemple,
Se forme à des vertus, que l'Univers contemple.

OLIMPIA S.

Si j'avois pû penfer, Prince, que votre cœur
Eût été lâchement jaloux de ma grandeur,
En vain le fort, pour vous, m'auroit voulu féduire,
Je n'aurois, en vos mains, jamais remis l'Empire.
Mais qui, d'un beau devoir, cherche à fuivre la loi,
Qui n'en veut qu'à la gloire eft digne d'être Roy.
Un fi noble defir dans votre cœur domine,
Mon fils, montez au trône, où mon choix vous destiné.
(à Ptolomée.)

Je crois

que fans regret, Prince, vous allez voir Dans les mains de Pyrrhus, le fouverain pouvoir :

Aux ordres d'une Reine, à la gloire d'un frere,
Un Prince tel que vous ne fera pas contraire:
J'ai lieu de m'en flatter, je le dois espérer,
Par toutes les vertus qui vous font admirer.
Si, fecondant les vœux de mon amour extrême,
Sur ma tête, le Ciel laiffoit un diadême,
Pour vous en couronner, je m'en dépouillerois,
Qu'avec ardeur, mon fils, je vous le céderois ;
Mais je me vois réduite en cet état funefte,
Qu'une amitié stérile est tout ce qui me reste.

PTOLOME'E.

Et ce refte fi doux eft tout ce que je veux:
Il me fuffit, Madame, & me rend trop heureux.
Quelque prétention que j'eufse à cet Empire,
Je n'efpérai jamais de regner en Epire :
Prévenu qu'à Pyrrhus cet honneur étoit dû,
A demeurer fujet je m'étois attendu;
Loin de voir fa puiffance avec un œil d'envie,
Je voudrois la défendre au péril de ma vie.
PYRRHUS

Mon frere, vous fçavez que ma tendre amitié,
Vous a fait, de ce trône, efpérer la moitié :
Vous même difpofez de la premiere place;
Pour prix de mon amour, j'exige cette grace;
Et, de la Reine, ainfi fecondant les fouhaits.
Tous trois, en ce grand jour, nous ferons fatisfaits.

OLIMPIAS.

Dans cet inftant, mes fils, que mon ame eft ravie !
O mere trop heureufe; ô fort digne d'envie!
(en fe levant.)

Mais, felon vos defirs, je ne puis diviser

Un rang dont, pour tous deux, je voudrois difpofer. Ce feroit renverfer les loix de cet Empire;

Et détruire peut-être un amour que j'admire. (à Pyrrhus.)

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Nos peuples, de vous feul doivent prendre des loix:
Je vais dès ce moment leur annoncer mon choix ;
Et dégageant enfin une augufte promeffe,
Remplir en même-tems les vœux de la Princeffe.
Mon fils, pour cette fête, allez tout préparer ;
Dans le Temple bien-tôt, il faut la célebrer.
Par votre empreffement à vous montrer fidéle
Aux fermens que pour vous a prononcé mon zéle,
Inftruifez l'Univers combien vous respectez
La foi des Souverains, & l'honneur des traités.

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