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V

SCENE VI.

OLIMPIAS, DORIS:

OLIMPIA S.

Ien, ma chére Doris, prendre part à ma joïe!
Que mon cœur tout entier, à tes yeux, fe déploïe!
Mes foins, enfin mes foins, ne font pas fuperflus:
Je ne crains plus Téglis; je couronne Pyrrhus.
DORIS.

Je le dois avouer; ma surprise eft extrême!
Eh quoi! vous renoncez, Madame, au diadême!
Tranquiles fous vos loix, vos peuples & vos fils,
A vos moindres defirs, font toujours plus foumis;
Charmés de voir en vous la fuprême puiffance,
Ils font tout leur bonheur de leur obéïssance:
Quand rien ne vous en preffe, eh pourquoi quittez-vous
Un rang, dont votre cœur paroiffoit fi jaloux?

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Oui, Doris, il est vrai ; mon ame ambitieuse
N'afpiroit autrefois qu'à la douceur flateufe
De régler à fon gré, de tenir en fes mains.
Le repos, le bonheur & les jours des humains:
Mais à peine, à ce rang, hélas! fuis-je montée,
Que, de fon vain éclat, je me suis dégoutée ;

Je me fuis vue en proye à des troubles affreux.
Ah! Doris, quels écueils pour un cœur vertueux !
Des vils adulateurs la troupe facrilége,

Eft fans ceffe, d'un Roy, le malheureux cortége:
Leur foin eft d'ériger fes vices en vertus,

De lui cacher les maux des peuples abatus;

La vérité tremblante, en butte à leurs outrages,
Ne fe montre jamais, à fes yeux, fans

nuages;
Il couronne le vice, en voulant l'abaiffer,
Et profcrit la vertu, qu'il croit récompenfer.
Des plus nobles defirs, aujourd'hui je m'enflâme,
A de plus doux objets, j'abandonne mon ame:
Je cherche le bonheur d'un peuple obéïffant,
Et la grandeur d'un fils vertueux, bienfaisant:
A ces fublimes foins, que la gloire m'ordonne,
J'immole avec plaifir, l'honneur d'une couronne.
DORIS.

Quand votre ordre fecret fit enlever Téglis,
Et d'un coup fi terrible, étonna votre fils,
Je crus que, pour garder la grandeur fouveraine,
Vous aviez fait, contre elle, éclater votre haine,
Que votre ambition vous armanţ de rigueur......
OLIMPIA Š.

Que tu pénétres mal dans le fond de mon cœur!
Mon amour pour mon fils, le bonheur de l'Epire,
Sont les feules raifons qui la firent profcrire.

Pyrrhus n'avoit des yeux que pour voir fes apas,
Il me cachoit fes feux ; je ne m'y trompai pas;
Je m'aperçûs bien- tôt du fecret de fon ame,
Et prévis les effets de cette indigne flâme,
Je craignis que, contraire à mon jufte deffein,
D'Antigone, Pyrrhus ne refufât la main;

Ou plûtôt, je craignis que, pour monter au trône,
Se livrant, fans amour, à l'hymen d'Antigone,
A la feule Téglis, il ne gardât fes vœux.
Je redoutai d'abord les defordres affreux,
Où fe trouve plongé le malheureux Empire,
Dont le Prince fe livre à l'amour qui l'infpire.
Il ne fait plus régner la juftice & les loix ;
Une femme, en fon cœur, en étouffe la voix;
Elle règle l'état au gré de fon caprice,
De fon ambition, & de fon avarice;

Les emplois, les honneurs ne fe difpenfent plus
A la haute naiffance, aux talens, aux vertus,
Ils font en proye à ceux, qui peuvent fatisfaire
A la cupidité de fon cœur mercénaire;
Et cette Idole enfin perfécute à jamais

Qui, bravant le pouvoir qu'ont furpris fesattraits,
Ofe lui refufer un folemnel hommage,

Et lui ravir l'encens qu'elle croit fon partage.
Ah! devois-je expofer mon peuple à tant de maux,
Doris, quand je pouvois affurer fon repos?

Mais quand même Téglis n'eût pas caufé ma peine,
Eh quoi, n'avois je rien à craindre de Softhêne?
Je le connois trop bien; fous les plus beaux dehors,
Il cache adroitement d'ambitieux transports:
Il auroit tout tenté pour couronner fa fille,
Cu pour porter la guerre au sein de ma famille.
Il est chéri du peuple, & des grands eftimé;
Falloit-il rien de plus à mon cœur allarmé ?
Ainfi, diffimulant ma crainte & ma colere,
Par les plus grands bienfaits, je m'affurai du pere,
Et mon ordre en fecret, dans l'ombre de la nuit,
Fit enlever Téglis fans obftacle & fans bruit.
Je n'ai point oublié les marques de ton zéle;
J'en garderai toujours un fouvenir fidéle ;
Mon projet fut, par toi, fi bien exécuté,
Tu me fervis fi bien qu'aucun ne s'eft douté,
Que j'euffe quelque part à cette violence;
Je promis à Softhêne une prompte vengeance,
Je voulus.....

SCENE

SCENE

VII.

OLIMPIAS, DORIS, MITRANE.

U

MITRANE.

N Vaiffeau vient d'arriver au Port.

Madame; mais à peine a-t-il touché le bord, Qu'on a cru voir Téglis, & qu'on l'a reconnue, Elle va, dans ce jour, paroître à votre vûe, OLIMPIA S.

(à part.)

Qu'entens-je ! Quel fecours a pû la conferver (à Mitrane.)

O Dieux!.. Sçait-on comment elle a pû fe fauver?

MITRANE.

L'on n'en dit rien : bien tôt par un récit fidéle,

Vous pourrez d'elle-même....

OLIMPIAS,

Allez,

B

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