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Je ne veux pas pourtant accroître votre peine,
Ni me ressouvenir que je fuis votre Reine;
Et pour la foulager, je vous dirai bien plus :
Je prends part à vos maux ; j'estime vos vertus ;
Du thrône, de ma main, fi j'eufse été maîtreffe,
Peut-être que fenfible à l'ardeur qui vous preffe,
Mon cœur, pour vous, Seigneur, eût pû fe déclarer.
PTOLOME' E.

Ah, Madame ..

ANTIGONE.

Arrêtez, & ceffez d'espérer.

Vous connoiffez les loix, où nos traités m'obligent, Et ce que ma vertu, ce que ma gloire exigent; Etouffez un amour qui bleffe ce devoir;

Et commencez furtout par ne me plus revoir.

**

SCENE I I I.

PTOLOME'E feul.

Erois-je aimé, grands Dieux ! eh, puis-je m'y méprendre?

Que fais-je... hélas! pourquoi chercher à le comprendre! Pourquoi, dans mon malheur, mè voudrois-je affûrør D'un retour, qui ne peut que me defespérer ?

Je ne dois deformais travailler qu'à t'éteindre,
Fatal amour!... mais quoi, fuis-je le feul à plaindre?
Mon frere, dans ce jour, eft-il moins malheureux !
Lorfque le Ciel enfin rend Téglis à fes vœux,
A fa gloire, à l'honneur du ferment qui nous lie,
Ne faut-il pas qu'auffi Pyrrhus fe facrifie ?
Obfervons fes deffeins, & ceux d'Olimpias,
Ceux de Téglis... fon pere ici porte fes pas:
Il cherche cet objet qui coûta tant de larmes ;
De leurs premiers transports, je troublerois les char-

mes,

Il le faut éviter.

SssssssssssssssssssssssssssSSSS

SCENE I V.

SOSTHENE feul.

L'Ai-je bien entendu !

A ce bonheur fi grand, me ferois-je attendu ?
Je reverrois Téglis? quelle main fecourable.
Pourroit fécher les pleurs d'un pere déplorable?
Mais c'eft un faux rapport! elle ne paroît pas ;
Déja, vers ce palais, elle eût porté fes pas.
Je cours de tous côtés & rien ne fe présente !
Ahlje la vois...grands Dieux,vous comblez mon attente

SCENE V.

SOSTHENE, TEGLIS.

Ан

TEGLIS.

AH! Seigneur, permettez... • • • •

SOSTHENE.

Ah, ma fille! c'est vous?

Que cet embraffement, que ce retour m'eft doux?
Ah, Dieux! qu'en renvoyant une fille fi chere,
Je fens, avec tranfport, la douceur d'être pere!
Par ta préfence, enfin mes vœux font exaucés;
Et, de mon fouvenir, mes maux font effacés.

TEGLIS.

Dans ce tendre moment, je n'ai pas moins de joïe !
Et je rends grace au Ciel du bonheur qu'il m'envoïe.
SOSTHENE.

Ah! de combien de cris, de combien de regrets,
Ai-je fait rétentir les murs de ce Palais!

Mais par quel coup fatal vous avois-je perdue,

Et

par quel heureux fort m'êtes-vous donc rendue? TEGLIS.

Je revenois du Temple, où, non loin de ces lieux, On offre fon hommage au Souverain des Dieux;

1

Déja l'affreufe nuit, développant fes ombres,

Couvroit tout l'Univers des voiles les plus fombres,

Et, des flambeaux des Cieux, déroboit la clarté.
Cléonice & Phoenix marchoient à mon côté :

Juftes Dieux! des cruels, dans un lieu folitaire,
Ofent porter fur nous une main téméraire ;
Et tandis que les uns s'opposent à nos cris,
D'autres, nous enlevant dans leurs bras ennemis,
Nous privent auffi-tôt de la douce efpérance,
De trouver du fecours contre leur violence.

SOSTHENE.

Grands Dieux! ne pouviez-vous, en ce fatal moment,
Connoître les auteurs de cet enlevement?

TEGLIS.

Ils m'étoient inconnus: la nuit & le filence
Enhardiffoient encor leur coupable infolence.
Ils nous traînent ainfi jufques dans un vaisseau,
Qui fend, dès notre abord, l'humide fein de l'eau ;
Et le vent, des cruels, fecondant la furie,
Prefqu'auffi-tôt, l'Epire, à nos yeux, eft ravie.
De mes cris redoublés, rétentiffent les airs;
Je tente de m'ouvrir un tombeau dans les mers:
On s'oppose aux efforts de mes vives allarmes ;
Mais on ne peut tarir la fource de mes larmes.
Notre vaiffeau flottoit au gré de leurs defirs,
Et leur perfide joïe irritoit mes foupirs.

Après un mois enfin, de leur prifon obfcure,
Tous les vents échapés foulevent la nature :
Sous un nuage épais, le foleil s'obscurcit,
Et plonge l'Univers dans une horrible nuit:
Les élémens, entre eux, se déclarent la guerre ;
L'air ne raisonne plus que du bruit du tonnerre;
Avec fureur, le feu, de fon féjour, descend,
Il fait bouillonner l'onde & s'y perd à l'inftant;
L'eau s'irrite à fon tour, fe mutine & s'élance
Jufques aux régions où le feu prend naissance ;
Notre vaiffeau devient, en ce défordre affreux,
De l'eau, du feu, de l'air, le jouet malheureux:
Par des rochers aigus, dans cette nuit profonde,
Le navire brifé fe difperfe fur l'onde.

Mais touché du péril qui menace mes jours,
Le fidéle Phoenix accourt à mon fecours;
Et bien-tôt par fes foins j'aborde le rivage,
Qui nous fauve tous deux d'un malheureux naufrage.

SOSTHENE.

Quel bientfait, jufte Ciel!

TEGLI S.

Sur ces bords écartés,

Mes jours couloient, de trouble & d'horreur, agités
Le fort, après un an, y conduit un navire,
Qui, reprenant bien-tôt la route de l'Epire,

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