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M'a fait revoir des lieux à mon cœur fi charmans,: Et me laiffe jouir de vos embraffemens.

SOSTHENE.

Je ne puis revenir de ma surprise extrême!
Et j'adore, des Dieux, la clémence fuprême;
Ils ont, en ta faveur, fignalé leur pouvoir;
Et leur bonté pour moi furpaffe mon efpoir.
Je veux, pour reconnoître un fecours fi propice,
Ordonner, pour demain, un pompeux facrifice.
Pourquoi le zéle ardent dont je me fens brûler,
Dès l'inftant, ne peut-il, grands Dieux, se signaler?
Mais l'hymen folemnel & la fuperbe fête,
Qui, dans cet heureux jour, fe publie & s'apprête,
De ma reconnoiffance, éloigne un jufte effet.

TEGLIS.

Quel hymen, quelle fête, arrête ce projet?

SOSTHENE.

Pyrrhus monte aujourd'hui fur le trône d'Epire;
Olimpias le nomme héritier de l'Empire;
Et, dans le même tems, achevant un traité,
Du fang Etolien, tant de fois, cimenté,
Ma fille, il va donner la main à la Princesse.

TEGLIS bas.

Voilà le coup affreux que craignoit ma tendresse!
Ciel!

SOSTHENE.

Je vais chez la Reine, & dois, de ton bonheur,

Lui faire part, ma fille.

TEGLIS, avec trouble.

A la Reine, Seigneur!

SOSTHENE.

Quel trouble vous faifit!

TEGLIS.

Penfez-vous qu'avec joïe,

Dans l'Epire, Seigneur, la Reine me revoïe?

Quel autre......

SOSTHENE.

Quel foupçon tu me fais concevoir!

Tu croirois.... par l'accueil que j'en vais recevoir, >
Je verrai fi ta crainte eft justement placée,
Et je vais pénétrer au fond de fa pensée.

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Nfin il eft donc vrai, je n'arrive en ces lieux

Que pour être témoin d'un hymen odieux?
Ah! du moins fi l'ardeur de monter.fur le trône
Le déterminoit feule à l'hymen d'Antigone,
Si fon cœur..... mais il vient...

SCENE VI I.

PYRRHUS, TEGLIS.

PYRRH US.

Est-il vrai,

St il vrai, juftes Dieux !

Téglis, je vous revois ! Puis-je en croire mes yeux?

TEGLIS.

N'en doutez point, Seigneur; oui, c'eft Téglis, c'est elle, Que ramene en ces lieux la fortune cruelle.

PYRRH US.

Que dites-vous, que vois-je! ô ciel, quelle froideur,
Madame! me revoir, c'est pour vous un malheur !
Eh quoi, dans ce moment qui me comble de joïe,
M'enviez-vous le bien qu'un fort heureux m'envoïe !
Ouvrez les yeux, voyez Pyrrhus à vos genoux,
Pyrrhus, dont le bonheur eft de vivre pour vous;
C'est le plus tendre amant qui toujours vous adore,
Dont le fort eft trop doux, fi vous l'aimez encore.
TEGLIS.

Ce n'eft plus à l'amour, Seigneur, de vous toucher;
A de plus nobles foins, il faut vous attacher:
La gloire vous destine une plus digne épouse,
Şuivez fes loix; Téglis n'en fera pas jalouse.

PYRRHUS.

Qu'entens je! quoi, Madame, oferiez-vous penser
Qu'une autre, de mon ame, ait pû vous effacer!
Quoi, vous foupçonneriez qu'à l'abfence infenfible,
Mon cœur, d'une autre flâme, ait été fufceptible?
Eft ce donc là le prix dont vous récompenfez
Les maux que j'ai foufferts, les pleurs que j'ai verfez!
Quand je me livre entier à ce bonheur fuprême,
Qui, vous offrant à moi, me rend tout ce que j'aime,
Lorsqu'après un long-tems, le Ciel nous réunit,
Par un cruel foupçon, votre cœur me punit?
TEGLIS.

Parjure, fur le point d'époufer Antigone,

Vous vous plaignez encor que Téglis vous foupçonne! Et par un vain rapport, par de tendres difcours,

Vous voulez colorer vos nouvelles amours!

Mon cœur, ma main, de vous ne font pas affez dignes;
Le trône vous oblige à des nœuds plus infignes;
Vous avez dû céder aux douceurs de régner,
Et mon deffein n'est pas de vous en éloigner;
Mais j'efpérois du moins qu'avant que de fe rendre,
Votre ame....

PYRRHUS.

A ces discours, je n'ai pas dû m'attendre: Hélas! un feul moment, me fuis-je démenti! A ce fatal hymen, avois-je confenti!

C'est en vain qu'entraîné par l'honneur & la gloire,
Qu'occupé quelquefois du foin de ma mémoire,
Du fceptre & des grandeurs, je voyois les appas ;
Ils ébranloient mon cœur, mais ne le gagnoient pas;
Et votre fouvenir plus puiffant fur mon ame,
En revenoit bien-tôt banuir toute autre flâme.
C'est en vain qu'en ce jour, par un choix folemnel,
La Reine m'élevoit au trône paternel,

Pour mon amour, en vain je vous croyois perdue,
Sans efpérer qu'un jour, vous lui feriez rendue ;
Loin que, d'un autre hymen, j'euffe pû me lier,
J'étois prêt à l'instant à tout facrifier :

Cet amour fans efpoir, mes foupirs, mes allarmes,
Autant que ces grandenrs avoient pour moi de charmes.
Votre cœur eft d'un prix à qui tout doit céder,
Et ma plus grande gloire eft de le pofféder.
Qu'un autre déformais obtienne la couronne;
Qu'un autre foit choifi pour l'époux d'Antigone!
De ces foibles honneurs, je ne fuis point épris:
Grands Dieux ! vous me rendez l'adorable Téglis;
Tous vos autres bienfaits, & tous ceux de ma mere
N'offrent plus, à mon cœur, rien qui puiffe lui plaire.
TEGLIS.

Pardonne à mon amour cet aveugle transport;
Mon cœur s'eft abufé par le premier rapport.

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