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Il ne veut déformais expier cet outrage,

Cher Prince, qu'en t'aimant, s'il fe peut, davantage.
Cependant quel malheur me menace en ce jour !
Sort cruel! à quels maux, réduis-tu mon amour!
Dures extrémités ! malgré notre tendresse,
Il faut que vous donniez la main à la Princesse,
Ou

que, de la couronne, un indigne refus, Me gardant votre foi...

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J

E vous cherchois, Pyrrhus! (à part.)

Quoi, Téglis avec lui ! la fatale entrevûe!

(à Teglis.)

Par quel rare bonheur, nous êtes-vous rendue?
Que le fort, à propos, preffe votre retour!
Vous allez relever l'éclat de ce grand jour ;
Et vous ajouterez à la commune joïe,
Ce plaifir imprévû que le ciel nous envoie.

C

TEGLIS.

Du deftin, contre moi, fi long-tems déchaîné,
Le barbare courroux, Madame, eft terminé :
Je ne redoute plus ni fes coups, ni fa haine,
Puifqu'enfin mon retour a pû plaire à ma Reine.

SCENE IX.

OLIMPIAS, PYRRHUS.

OLIMPIA S.

H quoi, dans cet inftant, qui doit combler vos

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vœux,

Prince, faudra-t-il donc vous preffer d'être heureux ?

Vous ne répondez rien !... ah! diffipez ma crainte ; Détruifez le foupçon dont mon ame est atteinte!

PYRRHUS.

Parlez, mon fils.

Hélas!

OLIMPIAS.

Achevez....

PYRRHUS.

Je ne puis.

OLIMPIA S.

Ah! que vous redoublez ma crainte & mes ennuis!

Expliquez-vous enfin ; c'eft trop long-tems vous taire,

PYRRHUS.

Pourquoi tant me preffer d'éclaircir ce mystere?
Vous le pénétrez trop: Téglis eft dans ces lieux,

Et mon cœur........

OLIMPIAŠ.

Vous l'aimez !

PYRRHUS.

OLIMPIAS,

Je l'adore.

Grands Dieux!

D'un méprifable amour, vous feriez la victime!
Qu'ofez-vous avouer? quel espoir vous anime?
Avez-vous oublié qu'aux pieds des faints autels,
Vous devez, à l'inftant, par des nœuds éternels,
Engager votre cœur à celui d'Antigone?
N'eft-ce pas à ce prix que vous montez au throne?
PYRRHUS.

Du defir d'y monter, je ne fuis point épris,
Si ma main, avec moi, n'y peut placer Téglis;
Je fais tout mon malheur de ce vain diadêmę
S'il faut que je l'acquiere en perdant ce que j'aime ;
Nommez qui vous voudrez à ce fublime honneur,
Et laiffez-moi du moins difpofer de mon cœur.
OLIMPIAS.

Qu'entens-je! quel langage! ô Dieux! puis-je le croire!
Le Fils de tant de Rois démentiroit fa gloire,

Et livré, fans rougir, aux plus funeftes vœux,
Feroit paffer fa honte à nos derniers neveux !
Quelle tache pour moi de n'avoir pû connoître,
Qu'un lâche, de l'Epire, alloit être le maître!

PYRRHUS.

De mes feux, vainement, vous blâmez les transports, Je tenterois, contre eux, d'inutiles efforts:

Oui, je fens que mon cœur n'a point assez de forces, Pour combattre l'amour, pour brayer fes amorces : Ai-je pû m'arracher à fes puiffantes loix?

Eh, quels font les mortels toujours fourds à sa voix !
Aimer n'eft point un crime; & ce n'eft qu'un hommage
Que nous rendons aux Dieux dans leur plus digne ou-
vrage..

J'aime, c'eft mon deftin ; je ne puis l'éviter;
Et cent trônes offerts ne fçauroient me tenter.
OLIMPIAS.

D'un tel aveuglement, je ne puis que te plaindre! -
Mais, mon fils, en ce jour,ofe un peu te contraindre;
Paye ainfi l'amitié, qui toujours m'infpira :
Voi, de quel œil, bien-tot l'Univers apprendra
La folle paffion dont ton ame est féduite :
La honte & le mépris en vont être la fuite:
Voi les appas d'un trône ; une cour à tes pieds;
Des peuples, fous tes loix, tremblans, humiliés,

Attendant leur bonheur de leur obéiffance;
Confidére les fruits d'une augufte alliance:
Et fi tant de grandeurs ne peuvent te toucher,
Regarde à quel objet tu daignes t'attacher.
A peine un tendre hymen auroit fuivi ta flâme,
Que mille affreux dégoûts accableroient ton ame;
Tu fentirois alors tout le poids de tes fers;
Alors, tu pleurerois le fceptre que tu perds:
Il n'en feroit plus tems; un autre en feroit maître :
Quels remords, en ton cœur, cet objet feroit naître !
Dans cet abîme affreux, pourquoi te plonge-tu ?
Ouvre les yeux, mon fils, confulte ta vertu ;
Plus il t'en coûtera pour cet effort infigne,
Et plus, de commander, tu te montreras digne.
Mais c'eft t'en dire trop : un cœur tel que le tien
Sçaura fe dégager d'un funefte lien ;

Et fe rendra bien-tôt, rempliffant mes promeffes,
Fameux
par fes hauts faits, & non par fes foiblesses.
Je te laiffe y penfer.

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