Il ne veut déformais expier cet outrage,
Cher Prince, qu'en t'aimant, s'il fe peut, davantage. Cependant quel malheur me menace en ce jour ! Sort cruel! à quels maux, réduis-tu mon amour! Dures extrémités ! malgré notre tendresse, Il faut que vous donniez la main à la Princesse, Ou
que, de la couronne, un indigne refus, Me gardant votre foi...
E vous cherchois, Pyrrhus! (à part.)
Quoi, Téglis avec lui ! la fatale entrevûe!
Par quel rare bonheur, nous êtes-vous rendue? Que le fort, à propos, preffe votre retour! Vous allez relever l'éclat de ce grand jour ; Et vous ajouterez à la commune joïe, Ce plaifir imprévû que le ciel nous envoie.
Du deftin, contre moi, fi long-tems déchaîné, Le barbare courroux, Madame, eft terminé : Je ne redoute plus ni fes coups, ni fa haine, Puifqu'enfin mon retour a pû plaire à ma Reine.
H quoi, dans cet inftant, qui doit combler vos
Prince, faudra-t-il donc vous preffer d'être heureux ?
Vous ne répondez rien !... ah! diffipez ma crainte ; Détruifez le foupçon dont mon ame est atteinte!
Ah! que vous redoublez ma crainte & mes ennuis!
Expliquez-vous enfin ; c'eft trop long-tems vous taire,
Pourquoi tant me preffer d'éclaircir ce mystere? Vous le pénétrez trop: Téglis eft dans ces lieux,
OLIMPIAŠ.
Vous l'aimez !
PYRRHUS.
D'un méprifable amour, vous feriez la victime! Qu'ofez-vous avouer? quel espoir vous anime? Avez-vous oublié qu'aux pieds des faints autels, Vous devez, à l'inftant, par des nœuds éternels, Engager votre cœur à celui d'Antigone? N'eft-ce pas à ce prix que vous montez au throne? PYRRHUS.
Du defir d'y monter, je ne fuis point épris, Si ma main, avec moi, n'y peut placer Téglis; Je fais tout mon malheur de ce vain diadêmę S'il faut que je l'acquiere en perdant ce que j'aime ; Nommez qui vous voudrez à ce fublime honneur, Et laiffez-moi du moins difpofer de mon cœur. OLIMPIAS.
Qu'entens-je! quel langage! ô Dieux! puis-je le croire! Le Fils de tant de Rois démentiroit fa gloire,
Et livré, fans rougir, aux plus funeftes vœux, Feroit paffer fa honte à nos derniers neveux ! Quelle tache pour moi de n'avoir pû connoître, Qu'un lâche, de l'Epire, alloit être le maître!
De mes feux, vainement, vous blâmez les transports, Je tenterois, contre eux, d'inutiles efforts:
Oui, je fens que mon cœur n'a point assez de forces, Pour combattre l'amour, pour brayer fes amorces : Ai-je pû m'arracher à fes puiffantes loix?
Eh, quels font les mortels toujours fourds à sa voix ! Aimer n'eft point un crime; & ce n'eft qu'un hommage Que nous rendons aux Dieux dans leur plus digne ou- vrage..
J'aime, c'eft mon deftin ; je ne puis l'éviter; Et cent trônes offerts ne fçauroient me tenter. OLIMPIAS.
D'un tel aveuglement, je ne puis que te plaindre! - Mais, mon fils, en ce jour,ofe un peu te contraindre; Paye ainfi l'amitié, qui toujours m'infpira : Voi, de quel œil, bien-tot l'Univers apprendra La folle paffion dont ton ame est féduite : La honte & le mépris en vont être la fuite: Voi les appas d'un trône ; une cour à tes pieds; Des peuples, fous tes loix, tremblans, humiliés,
Attendant leur bonheur de leur obéiffance; Confidére les fruits d'une augufte alliance: Et fi tant de grandeurs ne peuvent te toucher, Regarde à quel objet tu daignes t'attacher. A peine un tendre hymen auroit fuivi ta flâme, Que mille affreux dégoûts accableroient ton ame; Tu fentirois alors tout le poids de tes fers; Alors, tu pleurerois le fceptre que tu perds: Il n'en feroit plus tems; un autre en feroit maître : Quels remords, en ton cœur, cet objet feroit naître ! Dans cet abîme affreux, pourquoi te plonge-tu ? Ouvre les yeux, mon fils, confulte ta vertu ; Plus il t'en coûtera pour cet effort infigne, Et plus, de commander, tu te montreras digne. Mais c'eft t'en dire trop : un cœur tel que le tien Sçaura fe dégager d'un funefte lien ;
Et fe rendra bien-tôt, rempliffant mes promeffes, Fameux par fes hauts faits, & non par fes foiblesses. Je te laiffe y penfer.
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