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SCENE VI.

PYRRHUS, TEGLIS.

PYRRHU s.

Nfin, belle Téglis, de l'amour de Pyrrhus,

Enfin,
EN

Et de fon changement, vous ne vous plaindrez plus: Mes feux ont éclaté même aux yeux de la Reine; Elle m'offroit envain la grandeur fouveraine... TEGLIS.

Qu'avez-vous fait, Seigneur !

PYRRHUS.

Quoi, vous me condamnez?
TEGLIS.

Ah! fongez aux honneurs que vous abandonnez !
PYRRHUS.

Quel langage nouveau me faites-vous entendre !
Votre amour feroit-il plus timide, ou moins tendre ?
TEGLIS.

Pourriez-vous le penfer! mon cœur n'a pas changé ;
Et fous les mêmes loix, il est toujours rangé ;
Toujours tout mon bonheur & ma plus douce envie
Sont de vous confacrer tous les jours de ma vie..
Mais quand votre intérêt s'oppose à tous mes vœux,
Ce cœur tendre doit-il n'être plus généreux? - 201

Si

Si tantôt, à vos yeux, allarmée, inquiette,
Je n'ai pû déguifer une crainte fecrette;
Si je vous reprochois votre manque de foi,
Ma tendreffe, pour lors, ne regardoit que moi.
Voulez-vous que, pour prix d'une flâme fi belle,
Je fouille votre nom d'une tache éternelle ?
Que, d'un tel fentiment, mes vœux font éloignés !
Aimez-moi, je l'exige; aimez-moi; mais régnez.
PYRRHU S.

Non non, fur votre cœur tout mon bonheur fe fonde; J'aime mieux l'obtenir que l'empire du Monde.

TEGLIS.

Que ces tendres difcours, en des tems plus heureux,
Ranimeroient, Seigneur, & combleroient mes vœux]
Mais enfin, trop long-tems, c'est vous laiffer féduire ;
C'est trop croire un efpoir qui ne peut que vous nuire;
Nous ne vivrons jamais dans un même lien;
L'hymen n'unira point votre fort & le mien;
Il faut nous féparer; hélas ! tout le demande ;
Votre gloire l'attend; mon devoir le commande.
PYRRH US.

Eh! l'amour connoît-il une gloire, un devoir,
Qui ne doive, Téglis, céder à fon pouvoir!
Cependant, à mes vœux, quel devoir vous arrache?
TEGLIS.

O Dieux lau fort d'un autre,on veut que je m'attache;

D

Vous feul, montant au trône, au lieu d'y renoncer,
De ce cruel devoir, pourrez me difpenfer.
PYRRHU S.

Ah! fans former des noeuds que mon ame détefte,
Je fçaurai m'oppofer à ce projet funefte!

Et quel heureux mortel doit être votre époux ?
Quel ordre, quel pouvoir, qui difpofe de vous ?
TEGLIS.

Un pouvoir légitime ; & la Reine, & mon pere;
Ils m'ordonnent, tous deux, d'époufer votre frere.
PYRRHUS.

Ptolomée lah, grands Dieux !... quel foupçon.. frere ingrat,

Quoi, contre mon amour, un fi noir attentat,

De ma tendre amitié, feroit la récompenfe?
Ne crains-tu pas l'effet de ma jufte vengeance?
Mais pourquoi m'allarmai-je, & dequoi m'émouvoir?
Cet hymen doit plûtôt réveiller mon espoir :

Si la Reine prétend vous accepter pour

fille

Et vous veut, en ce jour, unir à fa famille,
Ne verra t'elle pas accomplir fon deffein,
Si, de l'heureux Pyrrhus, vous recevez la main?

TEGLIS.

Ceffez de vous flatter d'une efpérance vaine :
La Reine, en me liant de cette augufte chaîne,
Prétend moins fignaler fon amitié pour moi,
Que féparer nos cœurs & vous ravir ma foi :

Par de feintes faveurs, fa colere m'accable;

Elle eft, de notre amour, l'ennemie implacable: Quelle autre a pû, Seigneur, m'enlever à vos yeux ; Et, fi cruellement, m'arracher de ces lieux ?

PYRRHUS.

Ah! fi je le croïois... Eh quoi, tout fe fouleve!
Parens, amis hélas!.... deftin barbare, acheve!
Viens, contre nous, encor armer tout l'Univers;
Viens épuifer fur moi la rage des Enfers;
Et m'accabler de coups encor plus redoutables
Toujours mes fentimens feront inébranlables:
Les malheurs augmentant accroîtront mon amour;
Tu me peux, à ton gré, cruel, priver du jour ;
Mais tu ne peux jamais étouffer une flâme,
Qui feule anime, embrafe & pofféde mon ame?
TEGLIS.

Ah I modérez, Seigneur, modérez ce transport:
Hélas! cédons plûtôt à la rigueur du fort.
De la Reine, fur moi, tomberoit la colere:
Ah! quelle horreur pour vous, fi fa haine févere;
En répandant mon fang, vous privoit à jamais....
Je ne crains point la mort, la vie à mes fotihaits
Ne fçauroit plus, Seigneur, offrir rien d'agréable ;
Mon fort fera, fans vous, toujours plus déplorable;
Mais n'importe,mes yeux vous verront quelquefois ;
Ils feront les témoins de vos fameux exploits;

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Tout mon cœur.... je m'égare, & mon ame étonnée....
Adieu, Prince; fongez que, dans cette journée

Il vous faut, de la gloire, applanir le chemin,

Où Ptolomée, hélas !.... va recevoir ma main.

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No

SCENE VII.

PYRRHUS, feul.

On, je mourrai cent fois plûtôt que de fouscrire A ces ordres cruels que vous m'ofez prefcrire. Hélas! vous foupirez en me les annonçant ;

Et je vous trahirois en vous obéiffant.

Ce jour ne verra point mon hymen, ni le vôtre,
Et je fçaurai fans doute éloigner l'un & l'autre.
Que dis-je, malheureux ! ainfi donc, dans ton cœur,
De la gloire, l'amour demeurera vainqueur !

Ah,

prens enfin des foins que l'Univers contemple! Téglis même, Téglis t'en donne un bel exemple : Malgré fes feux pour toi, fa générofité

Lui fait, de tes projets, haïr la lâcheté.
Pourras-tu moins!.... hélas ! cet effort admirable
La préfente, à mes yeux, encor plus adorable!
C'eft, pour mon trifte cœur, le lien le plus fort;
Amour, pour m'accabler, c'eft ton dernier effort!

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