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C'eft à des cœurs communs, intereffés, fans foi,
D'aimer fans nulle eftime, & feulement pour foi;
L'effort de la vertu, c'est de sçavoir soi-même,
S'immoler à l'honneur de l'objet que l'on aime.
Voilà mes fentimens ; pour vous en assurer,
De ce fatal féjour, daignez me retirer:
Qu'une éternelle abfence acheve ma victoire;
Que, de mon triste amant, elle affure la gloire,
Et, pour tout dire enfin, qu'elle affure, en ce jour
Les vœux d'Olimpias, trahis par mon retour.

SOSTHENE.

Votre repos, ma fille, eft ce que je fouhaite:
Appaifez vos douleurs ; vous ferez fatisfaite:

Allez,

, voyez Pyrrhus; portez-lui vos adieux; `Dites-lui qu'à jamais, vous partez de ces lieux: J'y confens.

TEGLIS.

Ah! Seigneur, je retrouve mon pere 1

Voilà, de votre amour, la marque la plus chere.

( à part.)

Du moins, fi tu ne peux, cher Pyrrhus, être à moi,

Téglis ne vivra point pour un autre que toi.

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SOSTHENE feul.

J'Engage ainfi Pyrrhus à feconder mon zéle;

Mais fi toujours ce Prince à fon devoir fidéle, N'ofoit...qu'en puis-je craindre! il aime; & dans mes

mains,

De fon cœur amoureux, je tiens, feul, les deftins!
Jene prends plus fes loix ; c'eft moi qui lui commande ;
L'amour me l'affervit ; il faudra qu'il fe rende:
Je fçaurai... mais déja, lui-même vient à nous.

SCENE I V.

PYRRHUS, SOSTHENE.

PYRRHUS.

Ofthêne, mon bonheur ne dépend que de vous. Quand, du fein paternel, Téglis fut arrachée, Peut-être, plus que vous, mon ame en fut touchée; Je vous cachois mes feux, en attendant qu'un jour, Je fiffe, par l'hymen, éclater mon amour. Rien ne me retient plus; le Ciel même m'approuve; Tout me lie à fon fort, puifque je la retrouve

Dans le fatal moment qu'un projet inhumain

Vouloit
porter ailleurs & mon cœur, & ma main.
Les Héros comme vous, dont la valeur illuftre,

Du trône de leur maître, a foutenu le luftre,

Dont les fages confeils font adorer fes loix,
Sont faits pour s'allier au fang des plus grands Rois.
A mes tendres desirs, c'est à vous de foufcrire ;
Venez hâter les nœuds pour qui feuls je foupire.
SOSTHENE.

Que me demandez-vous! me connoiffez-vous bien ?
Moi, je confentirois à ce fatal lien!

Je pourrois approuver une honteufe chaîne,
Qui vous fait mépriser la grandeur fouveraine?
Non, Prince, non; en vain, jufques au fang des Dieux,
Vous voyez remonter le fang de vos Ayeux;

Cette haute naiffance honore peu ma fille ;

Et j'aime beaucoup mieux placer dans ma famille,
Un mortel vertueux, qui, né pour obeïr,
Mais, des feules grandeurs, fe laiffant éblouir,
Montreroit des vertus dignes du diadême,
Qu'un Prince,qui, formé pour cet honneur fuprême,
Par un aveugle amour, a démenti fon fang,
Et, pour une maîtreffe, abandonne fon rang.
Je connois mon devoir ; & dès cette journée,
Téglis fera, de vous, à jamais éloignée:
Votre gloire l'ordonne; adieu, Prince.

PYRRH US.

Arrêtez :

Pourquoi vous armez-vous de tant de cruautés? En croirez-vous toujours une vertu farouche? Barbare, mon amour n'a-t-il rien qui vous touche? SOSTHENE.

Aux fentimens humains, mon cœur n'eft point fermé,
J'excufe des tranfports qui vous ont trop charmé;
Mais ce qu'exige ici votre gloire & la mienne,
L'emporte dans mon cœur fur une pitié vaine.
PYRRHUS.

Eh! quoi, ne peut-on plus être grand fans régner;
Et, pour y parvenir, faut-il tout dédaigner?
La fiere ambition n'eft-elle plus un vice;
Dois-je, de mon amour, lui faire un facrifice?
SQSTHENE.

Eft-ce être ambitieux que foutenir fon rang;
Que défendre les droits que nous donne le fang?
Ce foin eft, d'un grand cœur, la plus illuftre marque;
Regner eft un devoir pour le fils d'un Monarque:
Plûtôt que de céder le trône, il doit mourir;
La honte eft d'en descendre & non pas d'y périr.
Voilà les fentimens que votre ame doit fuivre :
Ah! fans plus héfiter, Seigneur, qu'elle s'y livre!
PYRRHU S.

Eh bien, Softhêne, eh bien, je sçaurai vous montrer
Que, malgré mon amour, l'honneur peut m'infpirer!

Le

Le fier Etolien s'arme contre l'Epire;

Je vais porter la flâme au fein de fon Empire,
Le vaincre, le dompter; fur fes Etats conquis
Couronner, avec moi, l'adorable Téglis

SOSTHENE.

Je veux que le fuccès réponde à l'entreprife;
Que bien-tôt l'Etolie, à vos loix, foit foumife!
Sur ce trône étranger, comment vous foutenir,
Vous, qui, de vos Etats, aurez pû vous bannir?
Devez-vous écouter ces projets téméraires!
Non, c'eft un plus haut rang, c'eft le rang de vos peres;
C'est un trône plus ferme, où vous devez monter;
Et la gloire & l'honneur, tout doit vous y porter.
Sans aller entreprendre une vaine conquête,

La couronne, en ces lieux, eft, pour vous, toute prête i
Vous n'avez qu'à paroître, ou qu'à dire un feul mot
Seigneur, fur votre tête, on la met auffi.tôt.
Tout le Peuple eft pour vous; il fe plaint, il murmure;
Il veut que l'on refpecte un droit de la nature:
Impatient déja de vous avoir pour Roi,

Ce n'est que de vous feul qu'il veut prendre la loi
Ah! ne balancez point; profitez de fon zéle;
Venez; vous allez voir un peuple fi fidéle,
Faire éclater, pour vous, fes fentimens fecrets.
Ne penfez pas pourtant que, pour mes interêts,

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