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Sa pafon encor jufques-là le ravale
Qu'il prétend, en ma place, élever ma rivale!
N'entends-tu pas les cris d'un peuple audacieux
Armé pour foutenir fes deffeins odieux?
Céphife, c'en eft trop ! fortons de cet Empire ;
A fon trifte deftin, abandonnons l'Epire;
Allons, pour nous venger, foulever nos Etats;
Portons le feu,, le fer au fein de ces climats ;
Que, dans des flots de fang, s'effacent mes injures;
Et don'nons, s'il fe peut, à trembler aux parjures!
CEPHISE.

Le peuple, pour Pyrrhus, envain est révolté,
Leur funefte projet n'est point exécuté :
Madame, penfez-vous que la Reine y confente?

Croyez-vous que bien-tôt fa vengeance

Ne diffipera pas un complot criminel;

éclatante

Laifferoit-elle rompre un ferment folemnel!

Autant que vous, contre eux, fa haine eft animée ;
Vos Gardes, fes Soldats ont fuivi Ptolomée;

Il fera tout pour vous, il fçaura vous venger.
ANTIGONE.

Il ne fera peut-être, hélas ! que m'outrager.

Oui, s'il fçavoit aimer, j'en pourrois tout attendre,
Et lui feul fuffiroit, fans doute, à me défendre ;
Mais, inutile efpoir ! l'amour le touche peu ;
Avec quelle froideur, il immoloit fon feu ;

Prefque fans murmurer, il cédoit Antigone.

Quand un cœur tout entier, à l'amour, s'abandonne,
Ah! qu'il fait éclater de plus ardens transports!
Juges en par Pyrrhus; regarde quels efforts

Il tente, dans l'ardeur dont fon ame eft charmée,
Pour couronner l'objet dont elle cft enflâmée.
L'excès de cet amour irrite mon ennui;
Heureufe, fi fon frere aimoit autant que lui!

SCENE I I.

OLIMPIAS, ANTIGONE, CEPHISE.

J

OLIMPIAS.

E conçois les douleurs dont votre ame eft atteinte;
Mais, Madame, calmez une inutile crainte.

Votre gloire, ma foi, tout eft en fureté;

Et vous verrez bien-tôt accomplir le traité:
Toutes deux, d'un ingrat, nous fommes outragées ;
Toutes deux, à la fois, nous en ferons vengées.
Envain, pour affurer d'ambitieux projets,
Softhêne a fait fortir fa fille du Palais,

Et, dans le Fort, envain fa crainte l'a cachée,
Mes Gardes l'ont furpris, & l'en ont arrachée :
Ceux qui la défendoient font tombés fous leurs coups,
Et l'on vient de la rendre à mon jufte courroux.

Je ne crains plus Pyrrhus avec un tel ôtage;
Il ne peut, à mes vœux, résister davantage.
ANTIGONE.

Il ne feroit plus tems: après l'indigne affront,
Dont ce Prince, en ce jour, a fait rougir mon front,
Entre nous deux, Madame, il n'eft plus d'hymenée !
J'aime mieux retourner aux lieux où je fuis née,
Que d'unir mon deftin à celui d'un époux,
Qui, d'obtenir mon cœur, ne feroit point jaloux ;
Qu'un autre retiendroit dans un vilefclavage,
Et qui m'auroit enfin pû faire çet outrage
D'aimer mieux obéir, que régner avec moi,
En un mot, fi c'eft lui qui doit devenir Roi,
Qu'il fe livre, Madame, au feu qui le furmonte !
Je ne dois m'occuper que de cacher ma honte,

Α

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OLIMPIAS feule.

Ces juftes tranfports elle peut fe livrer!

A Magyverran hon for fonceur fe

Mais je verrai bien-tôt fon cœur fe raffurer, Croit-on, lorfque je tiens fur qui punir l'offense, Que je laiffe au hazard le foin de ma vengeance? Traîtres, bravez mes loix, revenez en vainqueurs ; Je ne redoute plus vos perfides fureurs!

SCENE IV.

OLIMPIAS, MITRAN E.

OLIMPIA S.

EH bien, triomphons

H bien,triomphons-nous, Mitrane? & Ptolomée....

MITRANE.

Tout fuccede à vos vœux, la révolte eft calmée.
Le perfide Softhêne, à grands cris, vers ces lieux,
Conduifoit fiérement un peuple furieux,

Quand Ptolomée épris d'une plus noble audace,
Et tel que le vainqueur de l'Inde, ou de la Thrace,
Paroît accompagné de vos braves Soldats,
Et, d'un traître Sujet, vient arrêter les pas.
Déja rien ne réfifte à fon ardeur guerriere;
Déja les plus hardis tombent fur la pouffiere;
Infatigable Chef, intrépide Soldat,

Il commande partout, & partout il combat;
Il fembloit que ce Prince héritoit du courage
De ceux qu'il immoloit pour venger votre outrage,
Tant, à chaque trépas qu'il venoit de porter,
On voyoit fon ardeur & fa force augmenter.
La valeur dont la gloire & le devoir font guides
A l'avantage heureux fur celles des perfides,

Que le crime des uns fait trembler leur fierté,
Lorfque tout, des premiers, accroît la fermeté.
Softhêne envain jadis répandoit les allarmes,
Aujourd'hui, dans fes mains, il voit brifer fes armes,
Et, pour premier exploit, le plus jeune vainqueur
Charge de fers un bras qui portoit la terreur;
Celui qui défioit la plus fiére cohorte,
Sans gloire, eft ramené fous une fûre escorte.
Mais cependant Pyrrhus, à travers mille morts,
Vole, & vient, de Softhêne, appuyer les efforts:
Il ne le trouve plus ; & fa bouillante rage
Cherche, fur Ptolomée, à venger cet outrage.
De cet affreux combat, chacun déja gémit ;
Et Peuples, & Soldats, tout tremble, tout frémit:
L'Epire, en un feul jour, craint de perdre fes Maîtres,
Et le refte du fang de leurs fameux Ancêtres.
Mais, loin de fe défendre, ou d'attaquer Pyrrhus,
Celui, par qui déja les plus fiers font vaincus,
Lui cédant, tout-à-coup, une triste victoire,
S'ouvre un nouveau chemin, pour marcher à la gloire:
Il jette fon épée, & découvrant fon fein

» Frere ingrat, lui dit-il, achéve ton deffein ;

» Abreuve de mon fang la rage qui te dompte ;

כב

» Frappe; je t'aime trop pour furvivre à ta honte;

» Pour voir tremper tes mains dans cet augufte flanc,

» Dont nous avons tous deux fuccé le plus pur fang;

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