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PREFACE.

S

I je me conforme à l'usage affez ordinaire, en mettant ici une Préface, ce n'eft pas qu'enorgueilli par le fuccès de cette Piéce, je veuille apprendre avec emphase à ceux qui, dans quelques années, la pourroient trouver dans la pouffiere de quelque Bibliothéque, qu'elle a obtenu les fuffrages du Public; & prendre de-là occafion de tâcher de prouver, par de vains raifonnemens, qu'elle méritoit d'être encore plus applaudie.

Cet encens, qu'un Auteur offre à fon amour propre, lui devient fouvent plus funefte qu'il ne penfe: ceux, entre les mains de qui tombe son Ouvrage, indignés de tant de vanité,ne le lifent que pour le critiquer; ou du moins trop préve nus en fa faveur, & trop préparés à être frappés par des traits admirables, font fort furpris de le trouver au-deffous de l'idée qu'ils s'en étoient formée: & fans égard, alors, à l'approbation du Public, dont fe vante l'Auteur, ils accufent celui-ci d'arrogance, & l'autre de mauvais goût.

Perfuadé que je ne dois l'accueil favorable

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que

qu'a reçû ma Tragédie, qu'à l'indulgence qu'on a eue pour un coup d'effai; & convaincu qu'on m'a tout pardonné en faveur de quelque talent qu'on a crû reconnoître en moi, je fuis bien éloigué de penfer qu'on n'a fait que me rendre la juftice qui m'étoit dûe, & que l'Ouvrage eft digne, par lui-même, des applauniffemens qu'on a daigné lui accorder. Je ne demandois du Public de n'être pas rebuté; il a fait plus, il m'a encouragé : trop fatisfait de fes bontés, jecroirois m'en rendre indigne, fi je laiffois échapper l'occafion de l'affurer de ma reconnoiffance. C'eft ce motif, qui, non feulement, m'engage à faire une Préface, mais qui me détermine encore à me faire imprimer. "Il eft vrai que je fuis raffuré par la premiere grace qu'il m'a déja faite; je me flatte que, fe reffouvenant des raifons qui l'ont defarmé en ma faveur, il daignera lire la Piéce, avec le même efprit qu'il l'a vûe représenter.

Je fçais bien qu'il exige de ma reconnoiffance d'autres marques que de foibles remercîmens: mais plus il a eu de bontés pour moi, plus il me faut de tems pour travailler à les mériter. J'y ferai mes efforts; j'étudierai fon goût, je profiterai de fes décisions: mais quelque foin que je puiffe prendre, je ne compterai jamais que fur fes nouvelles graces, parce que je n'aurai rien oublié pour me les attirer.

Je n'ai

pas deffein non plus de répondre ici

aux diverses objections qui m'ont été faites : de pareilles differtations font prefque toujours fort inutiles, & font rarement revenir la victoire du côté de l'Auteur. Elles prouvent feulement qu'il fe croit infaillible, & qu'il eft affez orgueilleux pour s'imaginer d'avoir fait un Ouvrage fans défaut. La meilleure façon de répondre aux Critiques, c'est de tâcher de ne plus retomber dans les mêmes fautes; je fuivrai cette maxime autant que je pourrai: Heureux, fi voulant éviter Carible, je ne vais pas échouer dans Scylla !

que

Cependant comme le fujet de cette Piéce n'eft pas fort connu, on ne fera peut-être pas fâché que je le rapporte ici: & fans me parer d'une vaine érudition, j'avouerai de bonne foi le hazard me l'ayant préfenté dans le Dictionnairede Bayle, je crus y découvrir tout d'un coup un fonds affez heureux pour une Tragédie. Mon âge, & fur-tout la fituation où étoit mon cœur, me le firent envifager comme celui où je réussirois le mieux. Je n'eus d'abord que le deffein de me fatisfaire moi-même, & de vaincre l'ennui, où l'oifiveté & le féjour de la Province m'expofoient. Mais quelques amis auprès de qui je voulus me faire honneur de mes amusemens,m'ayant excité à retoucher mon Ouvrage, étant enfuite venu moi-même à Paris, on m'a engagé insensiblement de correction en correction, à le mettre en état d'être hazardé fur le Théatre.

Voici l'article tel qu'on le trouvera dans le

Dictionnaire qui m'a fourni la premiere idée de la Piece, tome 3. pag. 2315. de l'édition de Rotterdam en 1720. au troifiéme art. Pyrrhus.

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D

Pyrrhus Roy d'Epire, petit fils du précedent*, fuccéda à fon pere Alexandre, & fut » d'abord fous la tutelle de fa mere Olimpias. » Sa minorité rendit les Etoliens affez injuftes pour entreprendre de lui enlever une partie de » l'Acarnanie..... Olimpias eut recours à Démetrius Roy de Macedoine; & pour l'engager plus fortement à la fecourir, elle lui don(a) Fuftinus. na en mariage Phthie fa fille. L'Hiftorien (4) Zib.xxvIII. » nous laiffe là, fans nous apprendre d'autres Cap. I. 5 fuites du deffein des Etoliens, que l'irruption qu'ils firent fur les frontieres de l'Epire au

feq.

1

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> tems de Ptolomée, frere & fucceffeur de no» tre Pyrrhus. Il faut qu'il y ait là du vuide ; car fans doute il fe paffa quelques années entre la minorité & la mort de Pyrrhus. Quoiqu'il en foit, la Princeffe Olimpias recourut à des moyens trop violens, quand elle voulut s'oppofer aux amourettes de fon fils; car elle fit (b) Athen, empoifonner une Maîtreffe qu'il avoit. (b) A, Ptolomée qui lui fucceda ne lui furvêcut paş beaucoup; leur mere les fuivit bientôt, ayant été accablée de la perte de fes deux fils.

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lib. XIII. D

pag. 58).

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Et dans les remarques.

A. Une Maitreffe qu'il avoit. Elle étoit de

*C'est celui qui s'eft rendu fameux par Les Guerres contre les Romains.

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ככ

כל

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lib. XII.

Leucade, & fe nommoit Tigris. (a) M. de (a) Athen. Boiffieu (b) rejettant toutes les interprétations qu'on a données à ces deux vers d'Ovide,

Uique nepos dicti, noftro modo carmine, regis

Cantharidum fuccos dante parente bibas. » a conjecturé qu'il s'agit là de notre Pyrrhus, & qu'Olimpias fa mere ne lui fit pas plus de quartier qu'à Tigris * fa concubine. Si cela eft, Justin a été bien bon d'imputer la mort de » cette Princeffe au regret d'avoir perdu fes deux fils. Il ne faut pas donner un nom honorable » au desespoir qui accableroit une mere bourrelée des remords de fa confcience, après » avoir fait mourir fon fils.

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3)

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pag. 58 (b) In ibi. pag. 65.

On voit par là qu'il n'eft rien dans l'Hiftoire dont je n'aye fait ufage; & que rien de ce que j'ai ajouté ne lui eft contraire. Je crois plûtôt avoir rempli le vuide dont fe plaint M. Bayle, & avoir concilié les deux Hiftoriens & le Com mentateur d'Ovide,par le caractere que j'ai donné à Olimpias. J'en fais, felon Justin, la plus tendre des meres ; felon Athenée, une Reine qui s'oppofe avec vigueur à la folle paffion de fon fils; & felon M. de Boiffieu, je la rends du moins la caufe de la mort de fon fils,par le defefpoir où elle le réduit en faifant mourir ce qu'il aime. Pour qu'ils ayent raifon tous trois,elle n'a pû agir de la façon, & par les motifs que je fuppofe.

que

Je ne crois pas qu'on me blâme d'avoir changé ce nom, qui ne convenoit guéres à une Héroïne de Tragédie & qui n'étoi pas fait pourdes vers françois.

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