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Marchons

pour réchauffer ma veine refroidie.

LÉANDRE.

( Elle s'éloigne.)

De ce moment faififfons-nous,

Pour marier mes vers avec fa Poëfie.

( Il écrit fur le même papier qu'Isabelle a laiffe fur la table. )

Je l'entends qui revient, mettons-nous à l'écart.

(Il fe cache en un coin. )

ISABELLE, revenant fur fes pas.

Un démon envieux vient de tarir ma veine :
Que je demeure affise, ou que je me promene,
De mon cerveau maudit rien ne fort, rien ne part,
Sur ce papier, il faut que je me venge.
Que vois-je! jufte Ciel! par quel prodige étrange,
A la fuite des miens, ces vers font-ils écrits?
Mon cœur en eft émû, mes yeux en font furpris.
(ELLE LIT.)

Et des globes des Cieux je vois l'onde embellie.
Un fpectacle plus beau jamais ne fe fit voir.

Dieux! qu'il eft doux pour moi ! J'y fuis près de

Ce

Silvie.

(Après avoir lú. )

que je lis ne peut fe concevoir !

Ma furprise redouble, & je fuis bien fervie.

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On ne peut mieux me feconder.

Eft-ce un efprit, est-ce un génie,

Qui, fenfible à ma peine, & qui prompt à m'aider,
M'a fait cette galanterie ?

Léandre, que j'attends, eft le feul aujourd'hui
Que d'un pareil trait je foupçonne.

Mais je ne vois, ni je n'entends perfonne.
Il paroîtroit, fi c'étoit lui

Je fuis feule en ces lieux, & voilà qui m'étonne!
Qui que tu puiffes être, homme, efprit, ou démon,
Je fens qu'en ce moment tu me fers d'Apollon.
Oui, tu m'infpires, tu m'animes.

Ecrivons, écrivons, je tiens déjà trois rimes.
( Elle écrit & récite tout haut.)

Fixez vos yeux fur ce palais charmant
Et regardez, Daphnis, cette étincelle.

Vous l'allez voir dans un moment ... Y répandre l'éclat d'un vafte embrafement. LÉANDRE, derriere le fauteuil d'Isabelle. Ainfi le regard d'une Belle

Met tout en feu dans le cœur d'un Amant;
Des jeux d' Amour c'eft l'image fidelle.
ISABELLE.

Dieux ! quel furcroît d'étonnement!
Mais, que vois-je ? C'est vous, Léandre?
LEANDRE.

Pardon, j'ai voulu vous furprendre.

ISABELLE.

Le tour eft trop galant pour ne pas l'excufer. Vous êtes donc l'Apollon qui m'infpire, Et qui vient me favoriser? LÉANDRE.

Vous êtes, vous, la Muse qui m'attire; D'exciter mes tranfports vous avez la vertu : Signalons tous les deux le feu qui nous anime, Et prenons un chemin qui ne foit point battu.

ISABELLE.

Converfons en vers impromptu ;

Et dans cet entretien n'employons qu'une rime.
LÉANDRE.

Soit. Il me fera doux d'être par vous vaincu.
Quelle rime choisir?

ISABELLE.

Faites ce choix vous-même. LÉANDRE.

Mais, fans chercher plus loin, prenons la rime enême.
ISABELLE.

Elle est pour les rimeurs d'une ressource extrême.
LÉANDRE.

D'elle j'attends mon bien fuprême.
IS A BELLE.

Pour furprendre mon cœur, elle eft un ftratagême.
LÉ ANDRE.

La chanter de concert eft le plus doux fyftême.

ISABELLE.

Je fens qu'elle m'arrête, & devient un emblême.
LÉANDRE.

Par elle, vous pouvez réfoudre le problême.
ISABELLE.

Le Serpent eft caché fous les fleurs qu' Amour féme.

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Je vous fuivrai, fuffiez-vous en Bohême.

J'arracherai l'aveu.....

ISABELLE.

Grace, au nom de Barême.

LEANDRE.

Non, je cours après vous à pas
pas de Poliphême.

Rimez.

ISABELLE.

Pour vous répondre, il faut que je blafphême.
LEANDRE.

Un mot, de mes tourmens peut être l'apozême.
Prononcez.

ISABELLE.

Je ne puis, je rougis, deviens blême; Comme un jeune écolier qui n'a pas fait fon thême. LEANDRE.

Eh! quoi! me ferez-vous languir jufqu'au Carême? ISABELLE.

Dieux ! pour me secourir je ne vois

que Thelême.

LEANDRE.

Pour vous réduire à fec, je faifis Harpagême.
ISABELLE.

Ah! la rime me force à dire, je vous aime.
LÉANDRE.

O rime désirée, & qui fait mon bonheur!
ISABELLE.

Modérez ce transport flatteur.

Dans un tel badinage où votre art me furmonte, Ce n'eft que de l'efprit que vous êtes vainqueur. LEANDRE.

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A le donner je ne fuis pas fi prompte.... Mais, j'entends mon pere qui monte. Le cruel contretemps ! J'en ai le cœur faifi.

tici?

O Ciel! que va-t-il dire en vous voyant i

LEANDRE.

Mais ne pouvez-vous pas me soustraire à sa vue, Et me cacher dans quelque coin. ISABELLE.

Non, je voudrois en vain prendre ce foin.

Il entre : le voilà. Je demeure éperdue.

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