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Et le favant s'y marie à l'aimable.
Il étoit fort, hardi, profond, harmonieux :
Dans ce dernier Ballet il devient agréable;
Il est tendre, amusant, doux, léger, gracieux;
Mais, que dis-je ? Il est plus, il est voluptueux.
Il remplit mes efprits d'une ivreffe nouvelle,
Et je me fens plonger dans des raviffemens...
Il eft, quand je me les rappelle,
Certains momens, Dieux! quels momens!
Où fuis-je ? Et qu'eft-ce que j'entends?
Ah! c'eft un Dieu qui chante. Écoutons, il m'en-
flamme;
Jufqu'où vont les éclats de fon gefier flatteur!
De la voûte des cieux ils percent la hauteur.
Sur l'aîle de fes fons je fens voler mon ame;
Je crois des Immortels partager la grandeur.
La voix de ce divin Chanteur

Eft tantôt un Zéphir qui vole dans la plaine,
Et tantôt un Volcan qui part, enleve, entraîne;
Et difpute de force avec l'art de l'Auteur.

L'ÉPINE.

Tout Paris avec vous eft fon admirateur :
Mais on me vante en vain la Musique nouvelle,
Je lui déclare une guerre mortelle.

Je fuis, jufqu'à la mort, ferviteur de Lully.
Ii fuffit qu'il ait fait, pour avoir mon appui,

L'Air de Charmante Gabrielle.
Je ne vois rien de fi joli.
LÉANDRE.

Eon ! la chanfon eft du temps d'Henri quatre.
L'ÉPINE.

En ce cas-là, tant pis pour lui;
Je fuis obligé d'en rabattre.
LÉ ANDRE.

Tu n'es qu'un ignorant, tais-toi.
L'ÉPINE.

Beaucoup d'honnêtes gens s'y trompent comme

moi

LÉ ANDRÉ.

Mais Géronte eft longtems! Ses trois filles, j'en

tremble,

Peuvent ici fe rendre ensemble.

Un pareil contre temps me déconcerteroit,
Et mon deffein avorteroit.

Dans le Palais Royal, où je m'en vais descendre,
Je fonge que je puis plus fûrement l'attendre.
Toi, pour l'en informer, ne quitte point ces lieux.
Il faut d'ailleurs que tu demeures,
que je ferai d'un repas ennuyeux.

Tandis

Je dois voir Lucinde à trois heures.

L'Épine, parle-lui, prends foin de t'éclaircir

Si le rendez-vous doit tenir.

Quand elle aura pris les mesures
Les plus fages & les plus fûres,

D'abord tu viendras m'avertir

De l'inftant où je puis feule l'entretenir.
L'ÉPINE.

Il fuffit. Mais voilà Géronte qui s'avance.

SCENE I I.

LÉANDRE, GERONTE, L'ÉPINE.

LEANDRE,

GERONTE.

ANDRE, pardonnez; partons en diligence. Mais non, auparavant je veux vous présenter

Je veux

Aux

A ma famille réunie.

LÉANDRE.

Je craindrois de vous arrêter.

GERONTE.

que vous voyez Lucinde & Mélanie. graces d'Isabelle, elles ne cedent

L'ÉPINE, à part.

pas.

Pour mon maître, quel embarras !
GERONTE.

Je fuis forcé, quoique je fois leur pere,
De convenir qu'elles ont des appas,

Et des talens furtout, dont je fais plus de cas.

LÉANDRE.

Votre fang eft formé pour plaire.

Mais, Monfieur, pour les voir, je prendrai mieux

mon temps.

GERONTE.

Hé! pourquoi voulez-vous reculer ces inftans?

Venez.

LÉANDRE.

Monfieur, l'heure eft peu convenable. Ces Dames doivent être à table.

GERONTE.

Non,elles ont dîné;mais quand même,Monfieur... LÉANDRE.

C'eft un manque d'égards que je ne puis commettre.

GERONTE.

Mais étant avec moi, pourquoi cette frayeur?
LÉANDRE.

C'est un bien que je dois remettre ;

Je n'en pourrois jouir qu'un feul' inftant.
Il fe fait tard, notre Gascon attend.

GERONTE, à part.

Ce jeune homme a pour moi des façons qui m'en

traînent !

Voilà ce qui s'appelle un véritable ami!

Ce ne font point mes filles qui l'amenent,

C'est pour moi feul qu'il vient ici.

Je ferois trop heureux d'avoir un pareil gendre, Et préférablement il doit être choisi.

(A Léandre.)

A vos raifons il faut fe rendre.

J'ai mon deffein, quand je vous preffe ainfi. Mon estime pour Vous ne peut trop loin s'étendre. Partons; venez; de ce projet, Léandre, Tout en chemin faisant, vous ferez éclairci.

(Ils fortent.)

SCENE III.

L'ÉPINE, feul.

PAR bonheur, à la fin, mon maître fe dégage

D'un pas qu'il n'avoit pas prévû ;

Mais il ne peut longtemps jouer ce perfonnage; Et quelqu'art qu'il emploie, il fera fuperflu. Viser en même temps à courtifer trois filles, Dans la même maison, du

pere

étant connu,

L'une à l'infçu de l'autre! Oh! c'eft du temps perdu.
Également, dit-il, il les trouve gentilles,

Et leurs divers talens le divertiffent fort.
Il voudroit conferver cette bonne fortune.

Vraiment il n'a pas tout le tort;

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