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GERONTE.

Seroit-il bien poffible!

LÉANDRE.

Oui, pour n'en plus douter,

Un moment daignez écouter.

Il chante le morceau de la Gerbe foudroyante, & le charge beaucoup.)

(A Lucinde, après avoir chanté.)

Hem ! Vous fentez, Mademoiselle,

Combien cette Mufique eft perfide & cruelle.
Sous ces accords chargés la nature gémit.

LUCINDE.

Elle a de l'harmonie.

LÉ ANDRE.

Ah! ce n'eft qu'un vain bruit.

GERONTE.

C'est un charivari, rien n'eft plus miférable.

LEANDRE.

C'eft un cahos de fons dont le grand nombre accable; li étourdit les fens, fans rien peindre à l'esprit.

GERONTE.

Oui, ce difcours eft véritable.
LÉANDRE.

Préfentement, Monfieur, jugez fi ces accens,

Et la façon dont je les rends,

Doivent vous allarmer, & font faits

pour

féduire.

GERONTE.

Non, j'avois pris le change, & n'ai plus rien à dire.
Pardonnez, je vous prie, à ma vivacité.
C'est un écart où m'a jetté

Mon zèle ardent pour le chant que j'admire.
En faveur du motif vous devez l'oublier.
C'eft à moi maintenant de vous remercier.
Pour corriger ma fille,on ne peut mieux s'y prendre.
Continuez, mon cher Léandre,

Cultivez le bon goût au fein de ma maison.
Je veux qu'à l'avenir vous y donniez le ton,
Et que de vos confeils tout le monde y profite.
LÉANDRE, à part.

Courage ; & de deux. Paffons vîte
A notre troifiéme leçon.

Fin du fecond Acte.

ACTE I I.

SCENE

PREMIERE.

ISABELLE, LUCINDE,

ISABELLE.

CE que vous venez de m'apprendre

Me paroît fingulier, vraiment.

LUCINDE. ·

J'ai frémi quand mon pere eft venu nous furprendre.

ISABELLE.

Votre Amant, de ce pas, s'eft tiré joliment.

LUCINDE.

Mon Amant! Vous ufez d'un terme qui me pique, Et c'eft bleffer les loix de notre arrangement; Dites, plûtôt, mon confrere en mufique.

ISABELLE.

J'ai tort.

LUCINDE.

Mais dans ce jour, ma fœur,

Admirez avec moi quel eft mon fort Aatteur !
Celui qui me diftingue, & que je confidere,
Eft l'ami parfait de mon pere,

Qui veut par un bonheur, qu'à peine je conçoi ;
Le choifir pour fon gendre ; il l'a dit devant moi.
ISABELLE.

Et fans peine, entre nous, votre cœur le préfere? Sa figure....

LUCINDE.

Il est vrai qu'elle eft faite pour plaire; Mais ma raison agit bien plus que mon penchant. par moi, dans le fond, la chose est souhaitée, C'est que plus que tout autre il a le goût du chant, Et qu'étant mariés, l'on eft plus à portée

Si

De profiter...

ISABELLE.

Certainement;

Vous raisonnez fort jufte, & je vous rends juftice.

LUCIND E.

Ce n'eft point un mari que je veux...

ISABELLE.

Non,

vraiment ;

Vous ne cherchez uniquement

Qu'un jeune habile homme, qui puisse
Fortifier votre talent.

LUCINDE.

C'est ce que je veux justement.

ISABELLE.

De votre heureuse destinée

Je fens d'autant plus la douceur,

Que je viens, puifqu'il faut vous ouvrir tout mon

cœur •

D'éprouver dans cette journée

Le même contre-temps & le même bonheur.

LUCINDE.

Avec l'objet de votre estime,
On vous a donc furprise auffi ?
ISABELLE.

Qui, ma fœur, mais loin qu'aujourd'hui
Mon pere m'en ait fait un crime,

Il a paru charmé de le trouver chez lui.
L'amitié les unit du nœud le plus intime.
LUCIND E.

Rendons grace au hazard; il est de nos amis.
Cet heureux incident doit exclure Damis.

ISABELLE.

Ma fœur, j'ai tout lieu de l'attendre.
pere doit, ce foir, m'entretenir

Mon

Sur un fujet, dit-il, qui me fera plaifir.

C'eft, je n'en doute point, cela qu'il veut m'apprendre.

LUCINDE.

Rien n'eft plus fortuné, je m'en réjouis fort.
La pauvre Mélanie, elle feule est à plaindre.

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