SCENE V.
TIMOPHANE, TIMÉE.
TIMOPHANE.
UEL fuperbe langage! Que prétend-il me dire ? Il me fert, il m'outrage. Penfe-t-il m'impofer d'un mot ou d'un coup d'œil? Mon cœur n'obéit point aux ordres de l'orgueil. Ce cœur foumis aux loix qu'il a voulu fe faire, Rejette avec horreur un joug involontaire. J'aime Timoléon, je le veux, je le dois.
Mais s'il m'ofe braver, il me rend tous mes droits. Viens, il eft temps...
SCENE V I.
ÉRONIME, TIMOPHANE, TIMÉE.
bien, tu viens de voir ton frere.
Parle, raffure-moi; que faut-il que j'efpere? Tu ne me réponds rien : ton front trifte & baiffé Eft couvert des ennuis de ton cœur oppreflé.
De ces nouveaux chagrins ton frere eft-il la caufe? Ah! je fens tous les maux où notre amour t'expofe. Je dois t'en aimer plus: tu les fouffres Timoléon s'eft-il déclaré contre toi ?
Non; fon bras même ici s'arme pour nous défendre. Mais s'il faut t'expliquer ce qu'il m'a fait entendre, Ne nous attendons pas qu'il puiffe confentir A me voir dans un rang que fon cœur doit haïr. La rupture entre nous paraît inévitable.
Quoi! tout ce qui m'eft cher me poursuit & m'ac
Par ton abattement je conçois nos malheurs. J'en prévois de plus grands..... Pardonne à mes frayeurs.
Tout allarme l'Amour : peut-être dans ton ame, Tant d'obftacles divers qu'on oppofe à ta flamme Éteindront à la fin cette ardeur d'être à moi, Cet efpoir qui toujours femblé fuir loin de toi. Je vois tous tes combats : les plaintes de ta mere, Des efprits foulevés, l'afcendant de ton frere, Mêlent à nos liens l'amertume & l'horreur ; Et je n'ai rien pour moi que l'Amour & ton cœur. TIMOPHANE.
Ah! crois que c'eft affez: va, ce foupçon m'outrage. Avec plus d'ennemis j'aurai plus de courage. Ce cœur digne du tien & non moins généreux, Pouvant t'immoler tout, en fera plus heureux. ÉRONIME.
Ah! tu me rends l'efpoir: oui, ta noble affurance Me répond des deffeins dont j'ai craint l'inconftance.
Oui, tel eft le pouvoir que l'amour a fur moi, Je n'efpere, ne crains, ne vois rien que par toi. Et dans ces murs enfin que peut-on entreprendre? Tout briguerait ici l'honneur de te défendre. Eftimé du Sénat, & du Peuple adoré,
Par-tout de leur amour tu marches entouré.
Je vois dans tous les cœurs le penchant qui m'entraîne :
Eft-ce donc près de toi qu'on peut fentir la haine ? TIMOPHANE.
J'embraffe avec transport ces présages heureux. Ta voix m'eft un garant de la faveur des Dieux. Mais on m'attend fans doute, & pleins d'impatience, Nos Guerriers de leur Chef demandent la préfence. Je vais du Spartiate humilier l'orgueil.
Nos champs, qu'il ravageait, vont être fon cercueil. Il faut combattre ; allons.
Dans l'ardeur qui t'anime, Veille au moins fur des jours pour qui tremble Éro
Songe que nos deftins dépendent de ce jour, Et même en combattant fonge encore à l'amour,
SCENE PREMIERE.
TIMOLÉON, TIMOPHANE, Soldats.
Our,ce jour qui nous fauve a comblé votre gloire.
Il eft de vos deftins d'enchaîner la victoire. Sur fes bords étonnés l'orgueilleux Eurotas Reverra fes guerriers vaincus par notre bras; Et le vôtre illuftré par un nouveau trophée A triomphé dans l'Ifthme, ainfi que fur l'Alphée. Corinthe vous doit tout, & je vous dois des jours Du fer de l'ennemi fauvés par vos fecours: Je m'en fais un bonheur, & déformais ma vie Appartient à mon frere autant qu'à ma Patrie. TIMOLÉON.
(Aux Soldats) Je m'en vais l'éprouver. Allez, & laiffez-nous.
'COUTEZ. Quand mon bras a combattu
Quand j'ai fervi l'État, je n'ai pas cru fans doute Au pouvoir des Tyrans vous frayer une route. "J'ai fçu tous vos deffeins; j'en ai fenti l'horreur; Mais j'ai vu des vertus au fond de votre cœur. Je m'en fouviens toujours ; & l'exemple d'un frere, Sa générofité, fon procédé fincere,
'Doivent vous ramener des fentiers de l'erreur A l'amour du devoir qui feul mene au bonheur. Pourriez-vous abufer de l'ivreffe imprudente, Des tranfports paffagers d'une foule inconftante, Qui fe laffe des loix, & peut-être demain Déteftera fon Roi couronné par fa main? L'État doit-il changer au gré de fon caprice? Ah! fi vous refpectez la loi de la Justice, Songez à ces mortels, fages & révérés, Soutiens de cet État, par vous-même honorés : Citoyens vertueux, guerriers encor plus braves, Croyez-vous qu'ils foient nés pour être vos efclaves? Je ne rappelle point à votre fouvenir
Les dangers d'un projet qu'ils ont droit de punir.
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