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!

Dieux que fait Éronime en ce fatal moment?
Elle accufe... elle plaint peut-être fon amant.
Elle fent que l'arrêt que j'ai porté contre elle
Doit accabler ce cœur qu'elle a connu fidele.

(Il s'affied.)

Elle fait trop, hélas!... Je ne me foutiens plus
Après ce grand effort tous mes fens abattus
Sont demeurés fans force, & mon ame affaiblie,
Dans l'excès de fes maux' demeure enfevelie.

SCENE V I.

TIMOPHANE,

TIMÉE.

TIMÉE.

Q

UOI! vous-même, Seigneur, démentez vos
projets !

Ce départ dont j'ai vû les funeftes apprêts,
C'est vous qui l'ordonnez ! vos amis, Éronime,
Tous ceux qu'à vous fervir un même zèle anime,
Sont aujourd'hui par vous trahis également !
Votre amante, tranquille en fon accablement,
Veut cacher fes douleurs & paraître infenfible.
Son défespoir muet en devient plus terrible.
La pâleur fur le front & les yeux égarés,
Elle quitte ces murs à jamais abhorrés,
Et je crains....

TIMOPHANE.

Elle fuit!..& va mourir peut-être.

A tant de cruauté puis-je me reconnaître ?
Ah! c'eft trop étouffer un fentiment vainqueur.
Dieux vous me pardonnez, fi vous voyez mon

cœur.

Je ne fouffrirai point cette fuite cruelle.
Volons, je veux regner, vivre, mourir pour elle.

Fin du troifieme Ate.

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moi-même.

par

Jugez, jugez plutôt de mes tour-
mens affreux

Quand j'ai pû prononcer cet arrêt malheureux.
Concevez ces combats d'une ame qui s'abhorre;
Qui s'arrache à des nœuds qu'elle idolâtre encore,
Qui promet de les rompre, & jure en même tems
De n'accomplir jamais ces horribles fermens.
Tel était mon état ; & tandis que ma mere
Oppofait à mes vœux le courroux de mon frere,

1

Les feux de la difcorde entre nous allumés,
Tous ces Républicains contre moi seul armés
Ses frayeurs, fa tendreffe, & fa mort résolue;
Tandis qu'elle ordonnait à mon ame éperdue,
Cet effort fi fatal au bonheur de mes jours,
Je jurais, dans fes bras, de t'adorer toujours.
J'épanchais dans fon fein tout l'amour qui m'anime;
Je nommais, j'implorais, j'atteftais Éronime;
Et Timophane en pleurs, te confervant sa foi,
N'a rien promis enfin que de mourir pour toi.

É RONIM E.

Je fuis loin d'ajoûter à l'horreur qui t'accable.
Si je t'euffe aimé moins, tu ferais moins coupable.
Je te pardonne tout, en voyant ton amour.
Conçois par la douleur qui t'accable à ton tour,
Quel fut mon défefpoir à cet ordre barbare,
Qui m'annonçait l'affront que cet inftant répare.
Hélas! As-tu prévu ce que j'allais fouffrir?
En fongeant à mes maux, n'as-tu pas dû frémir?
T'es-tu représenté ton amante trompée;
Ton amante par toi d'un coup mortel frappée ?
Et tout prêt à former ce projet plein d'horreur,
L'image de ma mort n'a pas glace ton cœur !
Hélas! j'allais mourir: c'était-là ma vengeance.
Je ne me vante point d'une fauffe conftance.
Je voulais voir mon pere à mes derniers momens ;
Je voulais expirer dans fes embraffemens..
Heureufe encore, hélas ! fi le Ciel, dans ton ame,
Effaçait, par ma mort, les traces de ta flamme;

1

Trop heureuse, en perdant tous mes droits fur ton

cœur ›

Que mon trépas, du moins, affurât ton bonheur !

TIMOPHANE.

Il n'en eft point pour moi, je n'en dois point prétendre,

Qu'en poffédant ce cœur, fi généreux, fi tendre.
Ma mere, déformais, ne faurait m'ébranler :
Va, c'est en l'éclairant qu'on peut la confoler.
Je préviendrai les maux qui caufent fes allarmes,
Et nos mains vont s'unir pour effuier fes larmes,
J'entends du bruit : mon frere approche de ces
lieux :

Mon cœur va fe montrer tout entier à fes yeux.
Enfin voici l'inftant de me faire connaître.

:

Laiffe-nous devant lui tu ne dois point paraître. Eloigne-toi.

SCENE I I.

TIMOPHANE, TIMOLÉON; CRATÈS, SÉNATEURS.

TIMOLÉO N.

L'ÉTAT qui parle par ma voix,

Qui va reprendre enfin & fon luftre & fes droits;

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