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L'Etat qui ne doit rien au Citoyen fidèle,
Mais qui fait diftinguer les vertus & le zèle;
Quand vous l'allez fervir, applaudit aujourd'hui
Au généreux deffein qui vous rend fon appui ;
Et je puis ajoûter....

TIMOPHANE.

C'en eft affez, mon frere. Durant quelques momens j'ai paru vous complaire: J'ai réfléchi depuis fur mes vrais intérêts. J'ai pefé vos raifons, j'ai pefé mes projets. Rien ne peut me changer; je fuis inébranlable. Mon pouvoir, à vos yeux, doit être refpectable. Demain le peuple entier m'élève au rang des Rois. Citoyen, c'eft à vous de révérer fon choix. Ne vous oppofez plus à ma grandeur prochaine ; Je yeux votre amitié, fans craindte votre haine. Cette haine, qu'en vain j'ai voulu prévenir, Peut affliger mon cœur, & non pas l'affervir.

Adieu.

SCENE

SCENE III.

TIMOLÉON,

CRATES,

SÉNATEURS.

QUOI!

CRATÉS.

Uoi! c'eft à vous que l'on tient ce langage!

Et vous fouffrez....

TIMOLÉON.

Ami, laiffons-là mon outrage.

C'eft celui de l'Etat que nous devons venger.
Je vois tout mon malheur & tout votre danger.
Ah! Dieux !

CRATE S.

Vous gémiffez! Eh bien ! devons-nous croire Que l'intérêt commun, le foin de votre gloire, L'emportent dans ce cœur fidele à fon pays Sur les liens du fang que le crime a flétris. Nous avons un Tyran : fa mort eft néceffaire. J'ofe oublier ici que vous êtes fon frere. J'attends un grand effort d'un cœur fi généreux. Je parle devant vous comme devant les Dieux.

TIMOLÉON.

Oui, tu m'as vu frémir.... tu dois affez comprendre Que je l'ai condamné, puifque j'ai pu t'entendre.

D

Hélas! en le frappant, tous vos traits, aujourd'hui,
Pafferont par mon cœur pour arriver à lui.
Grands Dieux! dont aujourd'hui la pitié favorable
Lui préfentait, du moins, un trépas honorable,
Vous nous ferviez tous deux : votre heureuse ri-

gueur

Prévenait à la fois fon crime & mon malheur. Dieux ! m'avez-vous permis, dans vos décrets fuprêmes,

De repouffer des traits dirigés par vous-mêmes Pour me faire un devoir de plonger dans son sein Le glaive de la mort détourné par ma main?

Que dis-je? en ce moment, vous m'éclairez peutêtre.

'Aux yeux de tout ce peuple, amis, je vais paraître. O mes braves amis ! ne précipitez rien :

Ce Ciel qui m'a conduit, qui me doit fon foutien
Lui-même animera le zele qui m'enflamme.
Parlons aux Citoyens, rappellons dans leur ame
La liberté, les loix, l'amour de mon païs,
Que, fans doute, un Tyran n'a point anéantis.
Joignez-vous à ma voix, chers amis que j'implore;
Allons, & dans ces murs, s'il en eft tems encore,
De mon coupable frere arrêtons les projets ;
Forçons-le, malgré lui, d'échapper aux forfaits.
Suivez-moi tous.

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SCENE IV.

TIMOLÉON, ISMÉNIE;

SÉNATEURS,

DEME

ISMÉNIE.

EMEURE, & raffure ta mere. L'amour a triomphé dans le cœur de ton frere; Il a tout oublié, je n'en attends plus rien: Mais ton cœur n'eft pas fait pour imiter le fien. Tu fauras plus que lui refpecter la Nature, Tu ne veux point aigrir mes maux & ma bleffure. Mon fils eft criminel : mais peux-tu le haïr? C'est aux Dieux à juger, c'est aux Dieux à punir. Timophane m'oppofe une indigne tendreffe: Ta vertu m'épouvante autant que fa faibleffe. Quoi! tu leves au Ciel un front morne & troublé : De quelque grand fardeau tu sembles accablé. O mon fils!

TIMOLÉON.

Efpérez; mais plaignez-nous, ma mere, Vous, d'avoir trop d'un fils ; & moi,d'avoir un frere.

Adieu.

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IS MÉNIE feule. PUISQU'IL gémit, je dois trembler...

O Ciel !

Qui de mes deux enfans eft pour moi plus cruel?
Vous, mes fils, vous, ingrats! 'auteurs de ma mifere!
Quoi! c'est donc quelquefois un malheur d'être mere!
Je n'ai plus qu'un efpoir: tu me l'as infpiré;
Ciel! conduis les projets de ce cœur égaré.
Je vais voir Éronime.... Elle approche.

SCENE VI.

ISMÉNIE, ÉRONIME.

ISMÉNIE.

M

ADAME,

Je vais vous étonner: peut-être qu'en votre ame
Vous pensez avoir droit, furtout en ce moment,
De nourrir contre moi quelque reffentiment.
J'ai condamné l'hymen où Timophane aspire ;
J'ai voulu, dans fon cœur, balancer votre empire.

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