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ISMÉNIE.'

Je veux revoir mon fils, c'eft l'efpoir qui me refte.
Il n'eft que faible, hélas ! & n'eft point né cruel,
Mon fils n'était pas fait pour être criminel.
Je voudrais éclairer fa fatale imprudence,
Et des pleurs d'une mere effayer la puiffance.
Je cherche le moment de le voir fans témoins.
LEOSTHENE.

Allons, puiffe le Ciel favorifer vos foins!
Mais fi l'Amour le veut... Timophane s'avance,
La foule des flatteurs qui le fuit & l'encenfe,
Le doit difpofer mal à fuivre vos avis.

ISMÉNIE.

Par ces objets encor tous mes fens font aigris.

Retirons-nous.

SCENE I I.

ISMÉNIE, LÉOSTHENE, TIMOPHANE, TIMEE, Suite de Timophane.

TIMOPHANE.

EH quoi! vous me fuyez, ma mere!

Pouvez-vous offenfer un cœur qui vous révere, Qui fut toujours à vous?

ISMÉNIE.

Je vous crois. Votre cœur Ne peut avoir fi-tôt démenti fa candeur. Pour toutes les vertus, ce cœur eft né fans doute. Si Timophane, hélas! en a quitté la route, Un pouvoir étranger dont il devrait rougir... Vous vous troublez!... Voici l'inftant du repentir. Un moment nous féduit, un moment nous éclaire. Vous connaissez encor la voix de votre mere, Vous m'avez entendue., . . Eh! bien, j'éprouverai Si votre égarement peut être réparé; J'ofe au moins efperer que ma trifte Patrie Par mon fils à mes yeux ne fera point trahie ; Que vous n'en croirez point des confeils dangereux. Oui, vous avez le temps d'être encor vertueux. Cette heure qui vous refte eft précieuse & chere ; Mon fils, avant d'aimer, vous aviez une mere. Ah! n'en auriez-vous plus !... Adieu.

SCENE III.

TIMOPHANE, TIMEÉ, Suite.

TIMOPHANE.

Q

UE fa vertu

Trouble en fecret mon cœur, hélas! trop combattu!
Eh quoi! de tous côtés des chagrins, des allarmes !
Et pourquoi mon bonheur fait-il verfer des larmes ?
O ma mere! eft-ce à toi de me perfécuter?
Pourrais-tu me haïr! peux-tu me redouter?
Crois-tu, fi je fuis Roi, que mon pouvoir t'opprime?
Ah! cet affreux projet ferait mon premier crime.,
(A fa Suite.)

Je n'en ai point commis. Allez, je puis du moins
Attendre tout de vous, & compter fur vos foins.
Si de votre amitié j'ai mérité le zèle,

Vous allez m'en donner une preuve nouvelle. Je regnerai par vous. Puiffiez-vous, fous ma loi, Vivre plus fortunés, plus tranquilles que moi!

Allez.

SCENE IV.

TIMOPHANE, TIMÉE.

NE

TIMOPHANE.

E les fuis point; demeure, cher Timée;

Et raffure cette ame incertaine, allarmée.

As-tu vû les regards de haine & de courroux
Que le fier Léofthene ofoit lancer fur nous?
Que je dois craindre, ami, le retour de mon frere
Dans fes préventions ce citoyen févere

De notre liberté chérit encor l'erreur.

TIMÉE.

L'éclat dont vous brillez pourra bleffer fon cœur.
TIMOPHANE.
Non, à Timoléon je dois plus de justice.
Ne crois pas que fon ame à ce point s'aviliffe.
Il est trop au-deffus d'un fentiment jaloux:
Il croira qu'en tyran je veux régner fur vous,
Que l'État avec lui va gémir fous un maître :
Contre un frere qui l'aime il va s'armer peut-être.
Je lui pardonne, hélas ! il eft né citoyen;
Son cœur ne connaît pas les intérêts du mien.
Il n'a jamais conçu cet invincible empire....
TIMÉE.

Si l'amour de l'État & l'anime & l'inspire,
Tout effroi dans fon cœur doit être diffipé,
Tout ce peuple, à l'envi de vos vertus frappé,

Apportant à vos pieds l'hommage volontaire,
Que des enfans heureux viennent rendre à leur
pere,
Tout l'État raffsemblé devant son bienfaiteur,
Vous offrant un pouvoir qui fera fon bonheur,
Ces tributs mérités, ces refpects unanimes
Sont votre récompenfe, & ne font point vos crimes.
Timoléon lui feul ofant vous accufer,

A tous nos citoyens voudra-t-il s'oppofer?
Voudra-t-il préferer au parti de fon frere
Quelques Républicains dont l'âpre caractere
N'eft pas fait pour goûter la douceur de vos loix,
Veut balancer un peuple, & combattre fon choix?
TIMOPHANE.

Ecoute. Quand l'État me donne un diademe, Quand fa voix aujourd'hui m'appelle au rang fuprême,

Quand s'eftimant heureux de vivre fous ma loi,
D'un Magiftrat qu'il aime il veut faire fon Roi,
J'ai le droit d'accepter ce préfent refpectable,
Et mon cœur en un mot ne fe fent point coupable.
Mais ce cœur pour toi feul n'a point eu de fecrets;
Tu fais fi du pouvoir j'ai chéri-les attraits,
Si de l'ambition les erreurs orgueilleufes
M'ont jamais engagé dans fes routes trompeuses.
Je n'aurais point cherché cet honneur dangereux
De régir les mortels & de veiller pour eux,
De payer de mes foins leur vaine obéiffance,
De vivre fous le joug de ma propre puiffance,
Au milieu des travaux, des périls, des combats,
Pour d'aveugles humains toujours prêts d'être ingrats.
Un autre objet me touche, un autre efpoir m'anime.
Je vais avec ce Thrône obtenir Eronimę.

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