HONOR A. Allez, Mademoifelle, le Ciel eft jufte; il permettra que tout fe découvre ; &, en attendant, fi quelqu'un doit ici le protéger, c'eft plutôt vous qu'une autre. Pourquoi ? Je crains. SOPHIE. HONOR A. SOPHIE fe leve. Acheve. Tu dois fçavoir que je ne veux pas que l'on me cache rien. HONOR A. 1 Eh bien! écoutez-moi. C'étoit hier après le dîner, il fe promenoit dans le Bofquer: c'eft affez fon ufage. Je m'étais cachée, & je l'entendais qui difait, mais mille fois plus tendrement que je ne puis le répéter: ARIETT E. Oui, toute la vie, La belle Sophie Charmera mon cœur ; De toute ma vie La feule Sophie Ferait le bonheur. Cœur fenfible & tendre Qui peut chaque jour Du pouvoir d'amour? 2 Mais dans le filence, Oui, toute la vie, &e. SOPHIE, troublée. Honora... finiffez... fi vous me promettiez de ne plus parler de ceci... je vous pardonnerais. Mais prenez garde... Vous êtes indifcrette, ma Bonne... Vous l'êtes trop... Mon pere... Moi même. HONOR A. Soyez tranquile... Chut, j'entends quelqu'un : c'eft Madame votre Tante; la Gazette l'occupe fi fortement qu'elle ne nous apperçoit pas. Sophie & Honora fe remettent à leur Ouvrage. SCENE I I. HONORA, Madame WESTERN, SOPHIE. Madame WESTERN, tenant la Gazette, qu'elle lit. AH! H! je fuis bien-aife'de vous trouver ici : vous travaillez; tant mieux. J'aime qu'on s'occupe. Honora, fortez. Elle met la Gazette dans un porte-feuille qu'elle tire de fa poché. HONORA, en ferrant les deux ouvrages. (Elle fort.) Madame WESTERN.. Vous me voyez, ma nièce, fort inquiète : nos affaires dans les Couronnes du Nord prennent une tournure fi contraire à mes idées!... Il faut efpérer. SOPHI E. Madame WESTER N. Non; contre toute raifon le Danemarck prend les armes. On fe fiait fur une confédération. On avait projetté des articles, & point du tout en vérité, il eft bien difficile d'arranger des gens qui ne veulent pas s'entendre. SOPHIE. Mais, ma Tante, ne ferait-il pas plus fimple de les laiffer s'arranger eux-mêmes? Madame WESTERN. Cela vous eft bien facile à dire : mais ces contradictions perpétuelles m'occupent, me chagrinent, m'empêchent de fonger, comme je le voudrais, aux intérêts de cette maifon, dont votre pere, qui n'a pas le fens commun, me laisse tout le tracas. SOPHIE. Ma Tante... Il est mon pere. Madame WESTERN. Oui, & c'est-là tout fon mérite; car dans fa conduite, c'est bien le gentilhomme le plus extraordinaire.... Tous les jours courant les bois ne vous entretenant, les foirs, que de fes chevaux, de fes valets... Ah! qu'il feroit bien mieux de fuivre fes affaires, de veiller... fur vous... oui, fur vous-même, Miff Western, dont je fuis fort mécontente. SOPHIE. Que me reprochez-vous ? Madame WESTERN. Ah! çà... nous fommes feules. Je vous ai élevée. Je vous aime. Depuis deux mois que Monfieur Alworthy, fon protégé Jones, & Blifil fon neveu, logent dans ce Château, vous êtes trifte, rêveuse, vous fuyez la compagnie. SOPHIE. Je vous jure... Madame WESTERN. Vous êtes amoureuse, Sophie. Ne le croyez pas. Madame WESTERN. ARIETTE. Ah! j'aime affez cette fineffe: En vérité, c'eft par trop s'abuser. Du Miniftre le plus févere, Dès que je veux fonder les fentimens, Ah! j'aime affez, &c. SOPHIE. Je ne fçais que penfer. Madame WESTERN. Vous rêvez, vous craignez de me répondre vous avez tort. Votre choix mé plaît, il est convenable. Si j'attendais que mon frere s'avisât le premier de fonger à votre établissement, ce ferait à ne pas finir; il ne peut tarder, & j'en vais conférer avec lui tout-à-l'heure. SOPHIE. De grace, répondez-moi; se pourrait-il que vous fuffiez affez bonne ? Madame WESTERN. Eh! voilà comme l'on parle... comptez fur moi. (On entend un bruit de fanfares.) J'entends du bruit; c'eft votre pere; on ne peut le méconnaître au tapage qui l'environne. |